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Les modes alternatifs de règlement des conflits des rapports locatifs

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par Yoann Garot
Université des sciences sociales de Toulouse - Master II Mention Droit Privé et Sciences Criminelles, Spécialité Droit privé recherche 2005
  

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Section IIIème :
La Transaction :

108. « De tous les moyens pour mettre fin à des rapports conflictuels entre les hommes... Le plus heureux dans tous ses effets est la transaction : ce contrat par lequel sont terminées des contestations existantes ou par lequel on prévient des contestations à naître »67.

109. Le Mode Alternatif de Règlement des Conflits qui répond réellement à la négociation des litiges maîtrisés par les justiciables est la Transaction.

Principalement par la nécessité pour sa validité de faire des concessions réciproques par les contractants.

110. En droit locatif cependant, ce MARC n'est pas le mode le plus usité. Il n'est pas précisément choisi par les parties. En fait il intervient généralement une fois que la saisine d'un autre mode alternatif a abouti à un accord.

La transaction renforce cet accord par ses effets particuliers : « l'autorité de la chose transigée ».

111. Nombreux sont les dossiers dont la résolution est survenue suite à l'intervention d'un médiateur ou d'un conciliateur qui aboutissent à un «accord transactionnel ». Nombreux aussi sont les dossiers qui après l'intervention de ces mêmes modes alternatifs, dans lesquels les parties, qui réalisent la nécessité de s'entendre, saisissent un huissier, un avocat ou un notaire en vue d'une transaction dont la rédaction implique une réelle connaissance juridique.

112. Une présentation de ce mode au titre de ses textes et ses mécanismes sera faite dans un premier temps (I), puis sera suivi d'un développement sur son influence en droit locatif (II).

I. Présentation.

113. La transaction est un contrat nommé. Ce contrat figure depuis 1804 au titre XV du livre III du Code civil. C'est un petit contrat qui a pris de l'ampleur, témoignant ainsi d'un refoulement croissant du juge étatique.

114. La transaction, par opposition aux modes volontaires unilatéraux de solution du litige, est une solution conventionnelle obtenue par accord des parties en cause. Certains auteurs assimilent parfois conciliation et transaction. En réalité, si la transaction est une qualification du droit des contrats, la conciliation est une qualification du droit judiciaire68.

C'est une technique de règlement des litiges particulièrement développée en droit du travail et dans le cadre d'indemnisation de certains préjudices.

67 Bigot De Preameneu, rédacteur du Code civil.

68 L. Cadiet, « Droit judiciaire privé », Litec 2000, n°924.

A. Définition .

115. Du latin transactio, de transigere : transiger.

En droit des obligations, la transaction est un contrat nommé qui fait l'objet d'un titre entier du livre III du Code civil69.

La transaction est « un contrat par lequel les parties à un litige, déjà porté devant un tribunal ou seulement né entre elles, y mettent fin à l'amiable en se faisant des concessions réciproques »70.

B. Spécificités .

1) Maîtrise de la transaction par les parties.

116. Contrairement aux autres modes alternatifs de règlement des conflits, la transaction ne nécessite pas l'intervention d'un tiers spécialisé de l'alternatif. C'est une solution élaborée, en vue de satisfaire les intérêts des parties, par les parties.

Une intervention de tiers peut intervenir puisqu'une médiation ou une conciliation peut aboutir à une transaction, il suffira pour cela de remplir les conditions légales et jurisprudentielles de validité de la Transaction.

117. La Transaction est un acte de disposition. D'où la nécessité d'avoir la capacité et le pouvoir de disposer des éléments contenus dans la transaction. L'approbation du conseil de famille est nécessaire pour un incapable en tutelle et tout mandataire doit être muni d'un pouvoir spécial.

118. La transaction est un contrat, plus précisément un contrat synallagmatique. Il a un objet bien précis : mettre fin à un litige né ou à naître.

Cependant, cette définition légale est devenue insuffisante au fil du temps. Elle a été complétée par la jurisprudence : « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent des contestations nées ou à naître en ce consentant des concessions réciproques »71.

2) Exigences de concessions réciproques.

119. La Cour de Cassation subordonne la qualification de transaction à l'existence de concessions réciproques ; Jurisprudence constante72.

69 Articles 2044 à 2058 du Code civil.

70 G. Cornu, « Vocabulaire juridique », association Henri Capitant, édition Puf.

71 Cass. Com., 22 novembre 1988, Bull. civ. IV, n°320.

72 Cass. Civ., 3 janvier 1883 : DP 1883, 1, p.457. Cass. Civ., 13 mars 1922 : DP 1925, 1, p.139 ainsi que les nombreux arrêts de la chambre sociale de la Cour de Cassation dont : Cass. Soc., 29 mai 1996 : Dr soc. 1996, p.689.

120. La jurisprudence a précisé le contenu de ces concessions. L'objet de la renonciation de chacune des parties est large, elle peut en effet porter sur des droits, des prétentions ou des actions.

Faire des concessions signifie classiquement que l'on abandonne une partie de ses prétentions initiales. Si les juges veillent à ce que les concessions soient vraiment réciproques, l'importance de la concession n'est pas le critère déterminant et les juges n'en tiennent pas compte.

121. Selon certains, la réciprocité des concessions est une notion dépassée et seule importe le caractère concerté de renoncement73.

122. La transaction suppose, outre un accord de volonté émanant de personnes capables, des concessions mutuelles et une certaine réciprocité des sacrifices, sans qu'il soit nécessaire d'ailleurs que ces sacrifices soient d'égale valeur. La lésion n'est pas en la matière une cause de récision.

Toutefois, il n'y a pas de concessions réciproques si une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement nulle74.

123. En revanche, une transaction peut toujours être annulée pour dol ou violence. Elle peut l'être également si elle a été conclue au vu d'une pièce reconnue fausse75 ou si aucune concession n'a été faite par l'une des parties76.

La transaction ne peut cependant être attaquée pour cause d'erreur de droit ou de lésion ; article 2052 du Code civil. Mais elle peut l'être pour erreur sur la personne.

124. L'appréciation judiciaire des concessions réciproques est cependant délicate puisque les juges ne procèdent pas à une homologation de la transaction.

Ils ne peuvent déterminer le caractère réel ou non des concessions réciproques contenues dans la transaction en requalifiant les faits, cela porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction77. Ils ne peuvent pas non plus examiner les éléments de fait ou de preuve pour déterminer le bien-fondé de la solution du litige78.

3) Nécessité d'un écrit.

125. L'alinéa 2 de l'article 2044 du Code civil précise que le contrat de transaction doit être rédigé par écrit.

En droit le principe en matière contractuelle est le consensualisme, l'écrit n'est pas exigé pour la validité du contrat de transaction mais en tant que règle probatoire79. Cette exigence ne concerne que la preuve. La preuve peut être apportée selon les règles du droit commun en matière de contrats.

73 X. Lagarde, « Transaction et ordre public », Chroniques Dalloz, 2000, p.217.

74 Cass. 1ère civ., 4 mai 1976 : Bull. civ. I, n°157 ; JCP 1976, IV, 209. CA Toulouse, 4 sept. 1998 : RJS 1999, n°33 0.

75 Article 2055 du Code civil.

76 CA Paris, 21è ch., 9 juin 1992 : Juris-Data n°1992-021660.

77 Cass. soc., 21 mai 1997 : JCP G 1997, II, 22926, note F. Taquet.

78 Cass. soc., 24 octobre 2000 : Dr soc. 2001, p.27.

79 Cass. 1ère civ., 18 mars 1986, Bull. civ. I n° 74.

II. Ordre public .

126. On ne peut transiger que sur des droits disponibles. La transaction est interdite pour tout ce qui concerne l'état des personnes et plus généralement à tout ce qui touche à l'Ordre public. On ne peut transiger sur des droits hors commerce au sens de l'article 1128 du Code civil. L'ordre public peut s'opposer à l'efficacité de la transaction.

127. La transaction n'est pas possible en certaines matières, notamment en matière d'état des personnes. L'accord sera illicite s'il nécessite la renonciation à des droits que l'ordre public rend indisponibles.

D'une part, la transaction ne peut écarter, ni modifier, un droit d'ordre public car il est impossible de renoncer par avance à un tel droit. Bien sûr, quand toutes ces conditions de droit sont réunies : une transaction est possible sur son exécution, c'est-à-dire une fois que le droit est acquis, devenu disponible.

D'autre part, la transaction ne peut sauver un acte affecté d'une cause de nullité d'ordre public à moins qu'elle ne le fasse disparaître.

128. Il est important de rappeler la règle suivante : La seule présence d'une règle impérative applicable à la matière litigieuse ne suffit pas pour interdire aux parties le recours à la transaction.

La Cour de Cassation admet avec une certaine constance que la validité de la transaction intervenue dans une matière d'ordre public dépend de la connaissance que les parties avaient des droits acquis auxquelles elles ont renoncé80.

Certains droits acquis ne peuvent cependant faire l'objet, selon la Cour de Cassation, d'aucune transaction : tel que le droit à une pension alimentaire.

129. La Cour de Cassation reconnaît aux parties la faculté de stipuler librement, pourvu qu'elles ne méconnaissent pas dans leur principe les droits consacrés par des dispositions impératives.

En matière de bail rural, législation d'ordre public protectrice, il a été fait état d'un arrêt admettant la validité d'un bail transactionnel incluant un loyer exclusif une révision triennale81. On peut également citer un arrêt validant une clause de location provisoire contraire aux règles du fermage82.

Ces exemples jurisprudentiels sont anciens, aujourd'hui la jurisprudence semble défavorable aux renonciations des dispositions protectrices d'ordre public.

130. Pour autant l'application du statut protecteur n'est pas nécessairement satisfaisante, elle ne concorde pas toujours avec les intérêts de la partie à protéger. Une nouvelle fois on peut constater que la qualité d'Ordre public de la législation peut préjudicier à la négociation amiable. Elle est toute fois nécessaire car l'Ordre public agit tel un garde fou et maintien un équilibre dans les relations bailleurs-locataires.

80 Cass. soc., 16 novembre 1961, Bull. civ. IV, n°949; Cass. 2è civ., 10 mai 1991, Bull. civ. II, n°140.

81 X. Lagarde, « Transaction et ordre public », Chroniques Dalloz, 2000, p.223 : Cass. soc., 19 octobre. 1967.

82 Cass. soc., 16 novembre 1961, Bull. civ. IV, n°949.

131. Ainsi la protection peut intervenir en matière d'expulsion : la Cour de Cassation estime qu'une transaction homologuée ne peut servir de titres à une expulsion car elle ne constitue aucun des deux titres exécutoires limitativement énumérés par l'article 61 de la loi du 9 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution83.

III. Effets .

A. « Autorité de la chose transigée » .

132. La transaction remplace le jugement et en produit les effets. La transaction, rédigée par écrit et signée des parties, éteint le litige. Toute autre action relative au litige tranché par la transaction devient irrecevable. Cette exception d'irrecevabilité s'impose au juge et à l'arbitre.

Si la transaction intervient en cours d'instance judiciaire, le juge est dessaisi du litige quel que soit le stade de la procédure. Cet effet extinctif de la procédure par la transaction ne concerne toutefois que les seuls droits qui ont été expressément compris dans la transaction.

133. En vertu de l'article 2052 du Code civil, la transaction a « autorité de la chose jugée en dernier ressort » et met fin irrémédiablement à toute contestation. On parle « d'autorité de chose transigée ».

134. Ici, l'adage « mieux vaut un mauvais arrangement qu'un bon procès » prend tout son sens. À la différence de la chose jugée, la chose transigée est nécessairement une chose acceptée84.

B. Recours .

135. « Autorité de la chose jugée en dernier ressort » : Cette expression n'est pas sans ambiguïté car elle semble ouvrir la voie à un pourvoi en cassation. Or la transaction n'est susceptible d'aucune voie de recours : elle est irrévocable.

136. La seule action qui pourrait être envisagée serait une nullité contractuelle, pour vice de consentement :

« Une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence »85.

137. Vis-à-vis des tiers, la transaction n'a en principe aucun effet. Cela reste une relation contractuelle entre les parties au contrat, que l'on peut opposer aux tiers et qu'ils peuvent invoquer.

83 Cass. Avis, fin octobre 2000, JCP G 2001, II, 10479, note Y. Desdevises.

84 Sur l'acceptabilité des décisions de justice comme critère de leur légitimité, voir réflexion critique sur le droit de la preuve, LGDJ, 1994, n°4 s.

85 Article 2053 du Code civil.

C. L'exequatur.

138. Concernant la force exécutoire d'une transaction : L'article 30 du décret du 28 décembre 1998, créé un article 1441-4 dans le Nouveau Code de Procédure Civile qui donne au Président du tribunal de grande instance le pouvoir de conférer force exécutoire à un acte de la transaction qui lui présenté.

Le juge n'a aucun pouvoir d'appréciation sur la transaction, il vérifie uniquement l'existence de concessions réciproques86.

139. Il est saisi sur requête par une partie à la transaction et non avec l'accord des deux parties. C'est une procédure non-contradictoire.

La décision, du Président du tribunal de grande instance, est un acte judiciaire non juridictionnel et la transaction revêtue de la force exécutoire est un contrat qui développe les effets d'un jugement. Sa nature contractuelle exclue toute voie de recours mais son exécution est revêtue de la force exécutoire.

140. En principe la partie non demanderesse a la possibilité de présenter un référé-rétractation devant le président du tribunal de grande instance contre son ordonnance, par le biais d'une assignation en référé qui n'interrompt pas l'exécution. C'est une procédure particulière contre la décision du juge et contre l'exequatur, et non contre la Transaction elle-même.

141. Les parties ont la faculté de contracter une transaction dans des matières d'ordre public, sous réserve de soumettre leur accord à « l'homologation d'un juge »87.

Cette homologation n'en est cependant pas une, puisque le juge en matière de transaction n'a pas ce pouvoir : son intervention a pour seul objectif d'attribuer « l'exequatur »88. Certains auteurs interprètent cette apposition de la formule exécutoire comme un pouvoir conférant au juge la possibilité de vérifier la conformité de la transaction à l'ordre public89.

La question, du contrôle du juge en matière de transaction, n'est pas close.

IV. Transaction et litiges locatifs .

142. La transaction présente des avantages majeurs : simplicité, rapidité, discrétion, économie financière d'où l'adage : « qu'une mauvaise transaction vaut mieux qu'un bon procès ».

Cependant la transaction n'est pas toujours le mode le plus adéquat. C'est une technique qui, si elle n'est pas convenablement utilisée, est un remède pire que le mal. En raison de son aspect irréversible.

143. C'est un contrat que l'on pourrait qualifier de parfait, mais qui est lourd de formalisme. Ce qui entraîne en fin de compte une judiciarisation du litige, alors même que le but originel était justement d'éviter le recours au juge.

86 R. Perrot, « L'homologation des transactions », Nouveau Code de Procédure Civile art.1441-4, Procédure édition jurisclasseur, août septembre 1999, page 3 à 4.

87 X. Lagarde, « Transaction et ordre public », Chroniques Dalloz, 2000, p.221.

88 Article 144 1-4 du Nouveau Code de Procédure Civile.

89 S. Guinchard, Nouveau code de procédure civile, Mégacode, p.950, n°6.

Pour cette raison même si la Transaction intervient en matière de droit locatif il est très rarement choisi par les justiciables, d'ailleurs c'est généralement le cas en droit de la consommation. Comme il l'a été précisé antérieurement, la Transaction intervient en principe après l'utilisation d'un autre mode alternatif.

Cependant ce mode étant exclusivement contractuel et ne nécessitant pas l'intervention d'acteur particulier, il est très difficile d'appréhender l'étendue de son utilisation par les justiciables. Les seules données que l'on peut étudier sont celles des tribunaux qui généralement ne reflètent que la partie négative du droit ; la partie contentieuse.

144. En pratique, dans l'exercice des fonctions de médiateur du droit du logement et du juriste la Transaction est très rarement usitée. Son lourd formalisme mais surtout son aspect irrévocable rend ce MARC peu propice à l'amiable au droit locatif ainsi d'ailleurs que du droit de la consommation.

145. En matière de résolution amiable des litiges locatifs sont préférées la médiation et la conciliation.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984