Section IIème : La Concertation locative :
50. La culture de l'amiable mise en place pour la
résolution des litiges à travers les différents modes de
règlement alternatif, existe d'une manière particulière en
droit locatif : C'est ce que l'on nomme la concertation locative.
La nécessité de concertation s'impose en
matière de logement, le logement étant l'instrument par
excellence du lien social que chacun de nous développe avec la
société.
51. Ce développement a pour intention de
démontrer que la négociation, réelle et
développée à tous les niveaux, permet en amont de
prévenir des litiges locatifs et d'anticiper sur leur
résolution.
Cette dynamique s'incorpore parfaitement avec la culture de
l'amiable, elle reflète l'esprit consensualiste de notre système
juridique jusqu'à la réalisation d'accord négocié
entre justiciable sur leurs différends.
La concertation locative est l'entité même de la
négociation amiable. C'est une négociation contractuelle
formalisée par des accords conclus à différents niveaux.
La liberté contractuelle, et le consensualisme, sont au coeur des modes
de règlement amiable. La concertation locative participe à cette
culture de l'alternatif aux recours contentieux, en ce qu'elle permet, par le
dialogue, la mise en place d'accords et des solutions aux conflits
régulièrement rencontrés en droit locatif.
52. C'est son caractère contractuel qui fait de la
concertation locative une présentation nécessaire dans ce
mémoire, consacré aux modes alternatifs de règlement des
conflits en droit locatif.
Cette concertation locative s'établit entre bailleurs
et locataires. Le législateur y a apporté une attention toute
particulière. Plusieurs lois lui sont consacrées en 1982, 1986,
1989 et en 2000 ; dite loi SRU pour cette dernière. Cette concertation
est directement liée à la résolution des litiges locatifs
puisqu'elle a pour objectif de les anticiper et d'instaurer un dialogue entre
bailleurs et locataires.
53. Elle se situe à deux niveaux :
D'abord national (I), avec une commission placée
auprès du ministère du logement. Elle rend des avis mais elle
sert aussi de lieu de négociation d'accords qui peuvent
éventuellement être rendus obligatoires par décret.
Puis local (II) : à l'échelle de l'immeuble,
des groupes immeubles, ou du patrimoine d'un bailleur. Par la concertation, sur
les sujets les plus courants tels que les charges récupérables ou
la gestion de l'immeuble, ou par la négociation d'accords collectifs
locaux qui, dans certaines conditions, peuvent s'imposer au-delà des
seuls signataires.
54. La concertation locative a d'autres champs d'application qui
dépassent celui de l'immeuble 28:
- Au plan départemental, elle est appelée à
favoriser la conciliation, entendue ici
comme la résolution amiable, des différends
locatifs ;
28Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
- Au plan national, elle participe à l'élaboration
des normes juridiques et en surveille
l'application.
Les modes de cette concertation sont divers, leurs
intensités sont variables, mais leurs places s'imposent dans le parc
social comme dans le parc privé.
55. La législation actuellement appliquée
résulte de la loi du 23 décembre 198629,
modifiée dernièrement par la loi du 13 décembre
200030.
i Au niveau national.
A. La Commission Nationale de Concertation.
56. Au niveau national, l'institution clef est la Commission
Nationale de Concertation (CNC) qui est venue remplacer en 1986 la Commission
Nationale des Rapports Locatifs (CNRL) qui avait elle-même
été instituée par la loi n° 82-526 du 22 juin 1982,
dite loi Quilliot31.
La Commission Nationale de Concertation est un organisme
paritaire, réunissant les représentants des organisations de
bailleurs, locataires et gestionnaires, outre divers organismes et
personnalités qualifiés.
57. Par son action elle contribue directement à la
négociation collective en tant qu'organe de
consultation. Elle a pour mission de rendre des études, de donner des
avis et de faire des propositions. Elle est placée auprès du
ministère chargé de la construction de l'habitation.
58. Pour faciliter la concertation, quatre secteurs locatifs
homogènes ont été créés : - Secteur 1 : les
logements HLM,
- Secteur 2 : les logements des SEM32, du groupe
ICADE, des collectivités publiques, des entreprises du 1 % logement,
- Secteur 3 : les entreprises d'assurance, établissements
de crédit et toutes personnes morales autres que celles des deux
premiers secteurs définis ci-dessus,
- Secteur 4 : les bailleurs personnes physiques et les
sociétés civiles immobilières familiales
constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au
quatrième degré inclus.
1) Rôle de la Commission Nationale de Concertation.
59. La Commission Nationale de Concertation a « pour
mission, par ses études, avis et propositions, de contribuer à
l'amélioration des rapports entre bailleurs et locataires
».
29 Loi n°86-1290, 23 déc. 1986, tendant
à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la
propriété de logements sociaux et le développement de
l'offre foncière, article 41 à 44 quater.
30 Loi n°2000-1208, 13 déc. 2000, relative
à la solidarité et au renouvellement urbain.
31 Cette dernière commission avait
elle-même pris le relais d'un organisme plus informel, constitué
au début des années 1970 et placé sous la
présidence du Conseiller d'État Pierre Delmon, à une
époque où, hormis les logements privés loués sous
l'empire de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 et ceux placés
sous le statut des logements HLM, la relation locative était
régie par la convention des parties et les dispositions
supplétives du Code civil.
32 Société immobilière à
participation majoritaire de la Caisse des dépôts et
consignations.
La concertation locative au plan national a cependant perdu de
son intensité avec l'entrée en vigueur d'un statut locatif
d'ordre public au début des années 80 : plus le statut
légal est ample, moins le champ contractuel, individuel ou collectif,
est ouvert33.
60. Le début des années 70 fut marqué
par une construction juridique par voie d'accords collectifs, que la loi a
ensuite entérinés, spécialement dans le domaine des
charges et réparations locatives.
La liste des dépenses de menues réparations,
qui demeurent à la charge du locataire, et celle des charges locatives
récupérables par le bailleur sur le locataire, ont ainsi
été fixées par les partenaires de la Commission Nationale
de Concertation. Aujourd'hui les charges récupérables sont
réglementées par le décret n°87-713 du 26 août
1 98734.
61. Dès l'entrée en vigueur de la loi du 22
juin 1982 dite loi Quilliot, la concertation locative a eu pour principal champ
d'application l'examen des modèles de contrats de location qui
étaient proposés aux parties, de façon à mettre les
situations contractuelles en conformité avec les dispositions
statutaires nouvelles. La Commission a alors émis des recommandations
rédactionnelles et quelques clauses types.
62. À partir de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,
la Commission Nationale de Concertation s'est vue confier un rôle nouveau
: celui d'émettre un avis35.
À l'exception de cet avis annuel, les ministres
chargés du Logement ont régulièrement consulté la
CNC sur des projets de réforme. La plupart de ces
consultations36 sont toutefois restées infructueuses.
63. Une consultation, relative à l'évolution de
la législation alors fixée par la loi du 6 juillet 1989, a
cependant permis, le 7 février 1994, aux différents
collèges de la CNC de s'entendre pour proposer au gouvernement diverses
modifications de la loi. Cela a permis au ministre chargé du Logement de
présenter au parlement un projet, établi sur la base de ces
propositions, qui a été entériné par le parlement
au visa de l'équilibre trouvé par les partenaires : ce dispositif
d'adaptation de la législation des rapports locatifs a pris corps par la
loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat.
2) Représentativité.
64. La Commission Nationale de Concertation est un organisme
paritaire, réunissant les représentants des organisations de
bailleurs, locataires et gestionnaires, outre divers organismes et
personnalités qualifiés.
Les organisations représentatives des bailleurs
privés et sociaux, des locataires et des gestionnaires d'immeubles
figurent sur une liste réglementaire, dressée par le ministre
chargé du Logement, qui atteste de leur représentativité
au plan national37.
33 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez,
idem.
34 Décret pris en application de l'article
18 de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à
favoriser l'investissement locatif, l'accession à la
propriété de logements sociaux et le développement de
l'offre foncière et fixant la liste des charges
récupérables.
35 En application de l'article 18 de la loi du 6
juillet 1989, si des circonstances économiques particulières
devaient justifier des mesures réglementaires d'encadrement des
loyers.
36 Réforme de la grille des charges locatives
récupérables, choix d'un indice d'évolution des loyers qui
serait mieux adapté que l'indice du coût de la construction
notamment.
37 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
65. Au niveau national, la concertation s'instaure soit en
commission plénière, soit au sein d'un ou de plusieurs secteurs
locatifs entre les représentants des organisations
représentatives de bailleurs, gestionnaires et locataires selon des
modalités définies par décret38.
66. La représentativité de ces organisations
s'apprécie au vu du montant global de leurs cotisations, de leur
indépendance, de leur expérience et de leur activité dans
le domaine du logement.
a. Les associations de bailleurs et de gestionnaires.
67. On tient compte du nombre de leurs adhérents et des
logements détenus ou gérer par les adhérents.
Ces représentants sont :
Les bailleurs privés : l'Union Nationale de la
Propriété Immobilière (UNPI) et la
Fédération des Sociétés Immobilières et
Foncières (FSIF) ;
Les bailleurs sociaux : l'Union Nationale des
Fédérations d'Organismes HLM (UNFOHLM), la
Fédération Nationale des Sociétés d'Economie Mixte
(FNSEM), l'Association des Propriétaires Sociaux (APS), le groupe ICADE
(anciennement SCIC, groupe caisse des dépôts) ;
Les gestionnaires d'immeubles : la Confédération
Nationale des Administrateurs de Biens (CNAB), la Fédération
Nationale de l'Immobilier (FNAIM), le Syndicat National des Professionnels
Immobiliers (SNPI), l'Union Nationale des Intermédiaires et Transitaires
(UNIT) ;
Personnalités et organismes qualifiés : l'Agence
Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat (ANAH), l'Association
Nationale d'Information sur le Logement (ANIL), l'union nationale des
associations familiales (UNAF) ;
b. Les organisations de locataires.
68. On tient compte du nombre et de la répartition
géographique de leurs adhérents39.
Au sein de la commission nationale de concertation : cinq
organisations de locataires sont représentées : la
Confédération Nationale du Logement (CNL), la
Confédération Générale du Logement (CGL),
l'association Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV), la
Confédération Syndicale des Familles (CSF) et l'Association Force
Ouvrière Consommateur (AFOC).
69. Diverses administrations siègent encore à la
CNC dont le président est traditionnellement un conseiller d'État
et actuellement une inspectrice générale de
l'Équipement.
70. Cette commission s'est dotée de deux
vice-présidents (représentant les bailleurs, d'une part, et les
locataires, d'autre part) et d'un bureau. Suivant l'importance des questions
à traiter, la CNC se réunit deux à quatre fois par an.
En sus de l'action de cette commission, au niveau national il
faut surtout noter l'existence d'accords nationaux véritable source
textuelle favorisant l'amiable.
38 Décret n°88-274, 18 mars 1988.
39 Loi du 23 novembre 1986, article 43.
B. Les Accords collectifs nationaux.
71. Des accords peuvent être conclus par secteurs
locatifs entre une ou plusieurs associations de bailleurs et de locataires. Ils
sont opposables aux organisations signataires de ces accords et aux
adhérents de ces organisations. Le caractère obligatoire des
accords existe dès leur signature, sauf stipulation conventionnelle
contraire, sans qu'une quelconque publication de l'accord soit
nécessaire.
Ils peuvent être rendus obligatoires par décret
à tous les logements de secteurs locatifs concernés, sauf
opposition de la majorité des organisations représentatives de
bailleurs du secteur ou de la majorité des organisations
représentatives de locataires40.
72. À titre d'exemple l'accord collectif de location
relatif aux congés pour vente par lot aux locataires dans des ensembles
immobiliers d'habitation41. Cet accord a été rendu
obligatoire par le décret n°99-628 du 22 juillet 1
99942. Cet accord définit les conditions d'information de
locataires par les bailleurs qui vendent plus de 10 logements dans un
même ensemble immobilier. L'accord recommande le recours aux
procédures de conciliation le cas échéant.
Par cet exemple d'accord collectif, on constate l'incidence de
la concertation locative sur la mise en place de procédures de
règlement amiable dans les rapports locatifs.
C. Un bilan mitigé43.
73. C'est ce qui ressort du rapport intitulé «
Etat et avenir de la concertation locative » remis le 18 mai 1999 au
Ministre chargé du Logement, M. Pierre Zémor, ancien
président de la CNC.
Ce rapport relève que la CNC constitue un lieu
d'échange d'information et de communication donnant lieu à des
pratiques très hétérogènes, même si les
discussions permettent de révéler des pratiques, de
préciser les intérêts respectifs, de circonscrire les
objets de conflit. Malgré tout la Commission Nationale de Concertation
demeure un organe de consultation utile aux pouvoirs publics.
74. Le rapport déplore que cette commission ne soit pas
systématiquement consultée à l'occasion de réformes
législatives qui concernent, directement ou non, la relation
locative.
Vis-à-vis de partenaires et organismes
extérieurs, les démarches de la CNC ont suscité des
résultats divers : à propos de la floraison des antennes par
lesquelles les locataires captent les chaînes distribuées par
satellite (contact avec le président du CSA), à propos du
défaut d'assurance des locataires (contact avec la
Fédération Française des Sociétés
d'Assurance).
40 H. Des Lyons et Y. Rouquet, « Baux
d'habitation ; rapports propriétaires-locataires : secteur privé,
secteur Hlm, loi de 1948. » 3ème édition Delmas 2003.
p.3 16.
41 Ph. Pelletier, « Les congés pour
vente dans les ensembles immobiliers d'habitation », Rev. Loyers
2003, p. 554.
42 JO 23 juill. 1999.
43 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
75. Il n'en demeure pas moins que la Commission Nationale de
Concertation constitue une instance irremplaçable permettant aux
partenaires de nouer un dialogue. Rappelons que le champ de futurs accords
collectifs nationaux reste étendu.
Cette institution âgée de 20 ans à peine
n'a pas développé toutes ses capacités et ressources. Le
dialogue dans les rapports locatifs à un niveau national est
nécessaire, comme tout dialogue, et doit être encouragé et
amplifié. Cela reste un travail fastidieux et nécessairement
long.
La négociation collective n'est cependant pas que
nationale, elle existe en fait à tous les échelons.
II. La concertation à un niveau infranational.
76. Le découpage de cette possibilité de
concertation à un niveau infranational peut se faire sur trois niveaux :
départemental (A), local (B) et à l'échelle du patrimoine
du bailleur (C).
À ces différents niveaux, la concertation
favorise en amont la résolution amiable les litiges locatifs par la mise
en place de normes juridiques, d'accords et de procédures de
résolutions alternatives.
A. À l'échelon
départemental44.
1) Les commissions spécialisées des rapports
locatifs.
77. La loi a créé au sein du conseil
départemental de l'habitat (CDH), visé à l'article L. 3
64-1 du Code de la construction et de l'habitation, une commission
spécialisée des rapports locatifs. Cette commission regroupe des
représentants des organisations des bailleurs, des locataires et des
gestionnaires qui, à l'instar de celles présentes au plan
national, doivent être représentatives au plan
départemental. Elles semblent être des organismes d'étude
et de consultation.
78. La représentativité au plan
départemental s'apprécie de la même façon qu'au plan
national, bien que la loi n'ait envisagé que l'échelon
national.
En pratique, ces commissions sont inégalement
présentes sur le territoire, certaines n'ayant pas été
constituées, d'autres se réunissant de façon trop
épisodique.
2) Les accords collectifs départementaux.
79. Le processus de conclusion d'accords collectifs au plan
départemental obéit aux mêmes règles que celui
instauré au plan national45.
44 Loi n° 86-1290, 23 déc. 1986, art. 41
bis et 41 ter.
45 Article 41 ter de la loi du 23 décembre
1986.
« Cependant, sauf erreur ou omission, aucun accord
départemental ne semble avoir été conclu à ce jour
»46.
L'une des explications peut être celle-ci : en
l'état du droit positif, la Cour de cassation rappelle qu'un accord
collectif de location « ne peut déroger aux dispositions d'ordre
public des lois des 23 décembre 1986 et 6 juillet 1989, ni contenir une
renonciation à un droit d'ordre public »47.
Bien que le raisonnement semble juridiquement logique, quel
peut être l'objet d'accords collectifs départementaux s'il n'est
pas permis de déroger par voie contractuelle collective à la
norme juridique supérieure48 ? On réalise ici que
l'aspect ordre public ne favorise pas toujours la négociation et la
résolution amiable.
3) La Commission Départementale de Conciliation.
80. Elle a pour objet de concilier les parties dans les
litiges locatifs au niveau départemental. Les parties aux litiges
locatifs seront le bailleur, ou ses représentants, et le preneur de
bail, le ou les locataires ou une association représentative des
locataires.
81. Elle offre la possibilité aux bailleurs et aux
locataires, pour sa résidence principale, de se rencontrer et de
rechercher ensemble une solution au conflit qui les oppose sans s'adresser au
juge.
C'est une instance placée auprès du
préfet de chaque département et composée à part
égale de représentants des bailleurs et de représentants
des locataires. Les membres qui la composent sont nommés pour trois ans
par le préfet sur proposition des organisations de bailleurs et de
locataires dont la liste est fixée en fonction de leur
représentativité dans le département.
La Direction Départementale de l'Equipement assure le
secrétariat de la commission.
82. Cette Commission de conciliation fait l'objet de
développements plus conséquents dans la suite de ce
mémoire, en raison de sa place toute particulière dans les modes
alternatifs de règlement des conflits dans les rapports
locatifs49.
B. À l'échelon local.
83. La concertation locale intervient au niveau de l'immeuble
ou, selon l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986, de «
l'ensemble immobilier ».
À l'échelle de « l'immeuble » ou du
« groupe d'immeuble » : Les locataires sont
représentées soit par une association, soit, depuis la loi SRU,
par un groupement.
46 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
47 Cass. 3e civ., 19 janv. 2000, n°98-12.658,
Bull. civ. III, n°9.
48 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez,
idem.
49 V. les développements au chapitre
consacré à la conciliation.
1) Conditions de représentativité des associations
et des
groupements50 de locataires.
a. Les associations de locataires.
84. Afin de pouvoir exercer leurs attributions, les associations
de locataires doivent remplir plusieurs conditions.
De prime abord, les associations doivent d'une part, «
oeuvrer dans le domaine du logement », d'autre part être «
indépendantes de tout parti politique, ou organisation philosophique,
confessionnelle, ethnique ou raciale »51. Enfin, elles ne
doivent pas poursuivre « d'intérêts collectifs qui serait en
contradiction avec les objectifs du logement social fixé par le code de
la construction et de l'habitation... ou du droit à la ville...
»52.
85. Les associations, pour être représentatives,
doivent :
- Soit être affiliées à l'une des cinq
associations nationales de locataires siégeant à la Commission
Nationale de Concertation,
- Soit représenter au moins 10 % des locataires de «
l'immeuble » ou du « groupe d'immeubles »53.
86. L'association peut également prétendre
à la représentativité et ce, alors même qu'elle ne
réunirait pas 10 % des locataires de l'immeuble ou du « groupe
d'immeubles », dès lors qu'elle est affiliée à une
organisation siégeant à la commission nationale de concertation.
Ainsi, par exemple, un immeuble comprenant 35 locataires et constituant une
association : cette dernière, si elle s'affilie à une
organisation siégeant à la Commission nationale de concertation,
pourra bénéficier de toutes les prérogatives qui lui sont
reconnues par la loi, même si elle ne comporte que de deux membres.
Certains auteurs qualifient ce groupement : de groupement de fait entre
locataire s54.
87. Une deuxième condition est imposée par
l'article 44 de la loi de 1986 : l'association ou le groupement doit
désigner « le nom de trois au plus de ses représentants
parmi les locataires de l'immeuble ou du l'ensemble d'immeubles ».
Cette information est transmise par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception aux bailleurs et, dans les immeubles en
copropriété, aux syndics.
88. En Haute-Garonne, trois associations
spécialisées dans le domaine du logement se sont
regroupées autours de leur spécialité. Les associations en
question, conscientes de défendre les mêmes intérêts,
se sont concertées pour travailler et établir une grille de
vétusté des équipements locatifs d'HLM. Cette concertation
s'est opérée avec différents offices HLM.
50 Depuis la loi SRU.
51 Cette exigence, issue d'un amendement
sénatorial déposé par le groupe socialiste en
première lecture reprend, quasiment dans les mêmes termes, le
dispositif de l'article 61 de la loi no 98-657 du 29 juillet 1998 (JO 31
juill.) relative à la lutte contre l'exclusion, qui complète
l'article L. 421-8 du Code de la construction et de l'habitation.
52 Article 193, 2° b, de la loi n°2000-1208,
13 déc. 2000, relative à la solidarité et au
renouvellement urbain
53 CA Paris, 6e ch. B, 20 sept. 96, Baudin c/ SCI Le
Clos des Français, Loyers et copr. 1996, n° 473.
54 H. Des Lyons et Y. Rouquet, « Baux
d'habitation ; rapports propriétaires-locataires : secteur privé,
secteur Hlm, loi de 1948. » 3ème édition Delmas 2003.
p.3 17.
b. Les groupements de locataires.
89. La loi « SRU »55 a offert aux
bailleurs un nouvel interlocuteur en étendant aux groupements de
locataires la représentativité jusqu'alors réservée
aux seules associations déclarées.
90. Les groupements ne peuvent être pris en
considération que s'ils sont affiliés à une organisation
siégeant à la Commission Nationale de Concertation.
Cette mesure a pour but d'éviter aux locataires les
formalités imposées par la constitution d'une association, qui
peuvent décourager les bonnes volontés56.
En outre, à la différence des associations, les
groupements de locataires n'ont pas à justifier de leur «
indépendance », ni de l'objet poursuivi.
2) Les thèmes de la concertation57.
91. Nous citerons quelques uns de ses thèmes de
concertation, à titre d'exemple, pour apprécier l'intervention de
ces représentants de locataires et de leur travail en amont pour une
meilleure résolution amiable des litiges locatifs pouvant être
rencontrés ultérieurement.
92. Concernant les groupements de locataires, ils
bénéficient des prérogatives jusqu'ici
réservées aux seules associations de locataires. Ils ont ainsi
accès aux divers documents concernant la détermination ou
l'évolution des charges locatives. Ils peuvent, en outre, à leur
demande, être consultés chaque semestre par le bailleur ou le
syndic, s'il y a lieu, sur les divers aspects de la gestion de l'immeuble ou du
groupe d'immeubles
En revanche, au visa de l'article 44 alinéa 3, non
modifié, de la loi du 23 décembre 1986, qui ne vise que les
« représentants des associations », les autres
représentants des groupements de locataires ne peuvent pas assister aux
assemblées générales de copropriété.
a. Charges locatives.
93. Les représentants des associations ont «
accès aux différents documents concernant la détermination
ou l'évolution des charges locatives ».
En pratique, les termes de la loi étant relativement
généraux, les représentants des associations peuvent
consulter toutes les pièces justificatives de la nature et du montant
des charges locatives (factures, devis et marchés, contrats divers,
relevés de consommations, etc.).
94. Ces modalités d'accès par les associations
auxdits documents n'ont jamais été définies par le
législateur. La jurisprudence ne s'est, semble-t-il, pas davantage
prononcée.
Ces dernières devront être fixées
contractuellement entre les parties, et à défaut d'accord par le
juge. À titre d'exemple, les parties pourront déterminer si les
représentants des associations ont le droit ou non de photocopier les
documents consultés.
55 Article 193 de la loi.
56 Rapport au nom de la Commission des affaires
économiques et du plan (de François Ph.), JO Sénat, doc.
N°304, p. 343- 344.
57 Loi n°86-1290, 23 déc. 1986, art. 44,
al. 2 ; Loi n°89-462, 6 juill. 1989, art. 24-1 modifié.
b. Gestion de l'immeuble.
95. Les associations de locataires ont un rôle
consultatif : elles ont la faculté de demander semestriellement au
bailleur à être consultées sur « les différents
aspects de la gestion de l'immeuble ou du groupe d'immeubles ».
Le bailleur comme l'administrateur de la
copropriété sont tenus de consulter, à leur demande,
l'association, au moins une fois par semestre, sur les différents
aspects de la gestion de l'immeuble ou du groupe d'immeubles. Selon ce texte,
c'est aux représentants des associations de locataires qu'il appartient
de prendre l'initiative de demander à être consultées.
c. Copropriété.
96. Les représentants peuvent, dans les
copropriétés, assister aux assemblées
générales et formuler des observations sur la question de l'ordre
du jour58. Comme précisé précédemment,
cette prérogative est réservée aux associations de
locataires.
À cette fin, le syndic de copropriété les
informe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception,
de la date, de l'heure, du lieu et de l'ordre du jour de l'assemblée
générale.
3) Droit de représentation en justice des locataires par
les associations.
97. Depuis la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU, les
associations ont le droit de représenter les locataires en justice.
Les associations siégeant à la Commission
Nationale de Concertation et agréées pour agir en justice
peuvent, en effet, être mandatées pour le compte d'un ou plusieurs
locataires, lorsqu'un locataire a un litige locatif avec son bailleur, ou
lorsque plusieurs locataires ont avec un même bailleur un litige ayant
une origine commune.
L'expérience révèle que cette
faculté est peu utilisée, sans doute en raison de la
difficulté pour l'association de souscrire une assurance en
responsabilité civile au titre des risques encourus par cette
représentation judiciaire.
98. En Haute-Garonne, cette faculté est effectivement
peu exercée. La pratique consistant à représenter les
locataires devant des institutions de règlement amiable, telle que la
Commission de Conciliation de rapports locatifs, et de travailler en
partenariat avec des avocats pour les actions contentieuses devant les
tribunaux.
99. Rappelons qu'en matière locative, les juridictions
compétentes, le juge de proximité et le tribunal d'instance, ne
requièrent pas la présence obligatoire d'un avocat. Dans le cas
où les parties ne se munissent pas d'avocat, les associations les
assistent dans la rédaction des actes de procédure : assignation,
conclusion ainsi que dans l'argumentation juridique. Dans ce dernier cas de
figure, les parties se défendent elles-mêmes mais elles s'appuient
sur le savoir-faire juridique des associations.
58 Loi n° 86-1290, 23 déc. 1986, art. 44,
al. 3.
C. À l'échelle du patrimoine du bailleur.
100. La loi59 offre au bailleur la
possibilité de conclure des accords locaux sur « tout ou partie de
leur patrimoine », soit avec les associations de locataires, soit
directement avec les locataires eux mêmes.
101. Les accords entre bailleurs et associations de
locataires ont les même objets que ceux des accords nationaux et
départementaux, sauf à préciser que les accords locaux
peuvent porter sur « les loyers », à la différence des
autres accords qui peuvent porter sur les « suppléments de loyers
pour les organismes d'habitation à loyer modéré ».
Ces accords, conclus pour une durée
déterminée ou indéterminée, doivent mentionner les
conditions de leur dénonciation, de leur renouvellement ou de leur
révision.
102. Les accords sont obligatoires à une double condition
: d'une part avoir été conclus, soit par une ou plusieurs
associations regroupant le tiers au moins des locataires concernés, soit
par une ou plusieurs associations regroupant au moins 20 % des locataires
concernés et affiliées à une organisation siégeant
à la Commission Nationale de Concertation. D'autre part, ne pas avoir
été rejetés par écrit par un plus grand nombre de
locataires dans un délai d'un mois à compter de leur notification
individuelle par le bailleur aux locataires.
L'ensemble de ces conditions, notamment de
représentativité, rend en pratique difficile la
négociation d'accords dans cette forme.
103. Les accords entre bailleurs et locataire peuvent
être réalisés, en l'absence d'accords conclus entre les
bailleurs et les associations de locataires. En pratique, et à
défaut de dispositions légales ou jurisprudentielles plus
précises, on ignore la portée de « l'absence d'accords
» entre bailleurs et associations de locataires60.
Doit-on envisager une absence totale d'accord ou un
échec après une tentative préalable négociation ?
La solution recommandée consiste toutefois à n'envisager un
accord direct avec les locataires qu'après avoir constaté le
caractère infructueux de la négociation entreprise avec les
associations et groupements concernés61.
104. Le formalisme a été réduit au
minimum par la législation. Elle précise que la durée de
l'accord peut être déterminée ou
indéterminée. Dans ce dernier cas la précision des
conditions de dénonciation de l'accord, sera primordiale. Elle dispose
aussi que l'accord doit préciser les conditions de sa
dénonciation, son renouvellement ou de sa révision.
105. La législation dispose que de tels accords sont
réputés applicables « dès lors qu'ils ont
été approuvés par écrit par la majorité des
locataires, dans un délai d'un mois à compter de la
réception de la notification individuelle par le bailleur
»62 . Ce délai d'un mois est une période
59 Article 42 de la loi de 1986 dispose que les
accords collectifs peuvent être passés pour « tout ou partie
» du patrimoine. L'accord pourra être conclu à
l'échelle d'un bâtiment ou d'un groupe, d'un quartier, ou sur tout
le patrimoine d'un même bailleur.
60 H. Des Lyons, « La loi SRU et la
concertation dans l'habitat locatif », AJDI 2001, p. 671 et s.
61 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
62 Cass. 3è civ., 28 juin 2000, Administrer
octobre. 2000, p.56, à propos d'un accord visant à substituer
à l'antenne collective un raccordement collectif au câble, la Cour
de Cassation considérant qu'un vote à la majorité dans les
conditions légales ne porte pas atteinte au principe de la libre
concurrence. Dans cet arrêt l'accord collectif entre bailleur et
locataires a solutionné le litige juridique par une concertation
amiable.
de réflexion offerte aux locataires, et non un
délai de forclusion rendant irrecevable toute action en contestation de
l'accord collectif par un locataire63.
106. Si les accords sont approuvés, ils deviennent
obligatoires pour tous les locataires, et non pas seulement pour ceux qui les
ont approuvés64. Ainsi, dans le cas d'un accord conclu en vue
de l'installation du câble dans l'immeuble, tous les locataires sont
tenus au paiement de la redevance concernant l'abonnement au câble,
même ceux ne possédant pas la
télévision65.
Le bilan en la matière reste toutefois
mitigé66.
107. Les préalables à l'amiable
présentés, que ce soit en terme d'information et de qualification
du litige ou en terme de négociation collective. Nous pouvons
étudier plus précisément les Modes Alternatifs de
Règlement des Conflits en droit locatif, le premier de ces MARC
étant un contrat il trouvait tout à fait sa place dans ce
développement consacré à la négociation : La
Transaction.
63 CA Paris, 6e ch. B, 20 sept. 96, « Baudin c/
SCI Le Clos des Français », Loyers et copr. 1996, n°473.
64 Cass. 3e civ., 28 juin 2000, n°97-21.684,
Bull. civ. III, n°13 1, Loyers et copr. 2001, n°1, obs. B.
Vial-Pedroletti, Rev. Administrer 2001, n°337, p. 56, obs. V.Canu, RJDA
2000, n°10, n°845, p. 673.
65 TI Saint-Claude, 25 oct. 1996, Guille c/ OPHLM de
Saint-Claude, Loyers et copr. 1997, n°39.
66 Ph. Pelletier et M. Rudaux-Richoillez, avocats
Lefèvre Pelletier & associés : « La concertation
locative : état des lieux et perspectives », Rev. Loyers
n°855, 2005.
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