La résolution des litiges locatifs fruit de
négociation et de conciliation :
« Accord vaut mieux que plaide ». « Solus
consensus obligat » : le seul consentement suffit à obliger.
21. Dans cette première partie, l'accent sera mis sur
deux types de modes de règlement alternatif des conflits : la
Transaction (chapitre Ier, Section 3ème) et la Conciliation (chapitre
IIè).
22. Auparavant, il est nécessaire de rappeler quelques
règles de principe permettant de régler de manière
optimale un litige locatif, et tout litige en général, puis de
consacrer un développement à la concertation locative qui
contribue, par la négociation collective, à la résolution
des conflits locatifs (chapitre Ier) véritables applications de la
liberté contractuelle.
A. Chapitre Ier : La négociation en tant que
résolution amiable de litiges par l'information, la concertation et
la transaction:
23. Dans ce chapitre est opéré un rappel de
quelques règles de base. Dans la pratique de conseil, juriste, et
médiateur, l'auteur a pu constater que tous les litiges émanaient
d'une méconnaissance des droits de l'une ou l'autre des parties.
La mauvaise foi se manifeste en réalité assez
rarement dès l'origine du litige, elle apparaît quand la partie en
tort réalise son erreur et ne veut pas la reconnaître.
24. Nous présenterons ici, l'apport de la concertation
locative dans la résolution des conflits locatifs. Elle contribue par la
négociation à la résolution amiable. La négociation
étant le coeur même des Modes Alternatifs de Règlement des
Conflits (section IIème). Puis dans une troisième et
dernière section nous nous intéresserons à un mode
particulier : la transaction. Ce mode est la manifestation complète de
la négociation et de la liberté contractuelle. Tant dans le choix
du mode que dans les conditions de validité et dans ces effets (section
IIIème).
Dans la première section seront présentés
les préalables de bases à toutes résolution des conflits,
notons que ce qui est évident pour un juriste ne l'est pas pour un
justiciable (section Ière).
Section Ière : Préalable aux Modes
Alternatifs de Règlement des Conflits :
25. Si les Marc sont présentés comme un
préalable à une action contentieuse, on n'omet d'indiquer
qu'avant de saisir un médiateur ou un conciliateur certaines
étapes sont pertinentes pour une résolution optimale quelques
soient les voies usitées.
Ce premier développement résulte
essentiellement de la pratique. En effet, en tant que médiateur on se
sent particulièrement désarmé lorsque des justiciables
vous saisissent la veille de leur expulsion ; une fois que la procédure
d'expulsion est totalement achevée.
Il sera rappelé des évidences dans ce
développement, qui cependant paraissent nécessaires dans la
pratique, ces évidences sont oubliées voir ignorées.
Celles-ci seront présentées de la manière
suivante : Premièrement « Connaître ses droits » (I),
deuxièmement « réclamer ses droits » (II) et
troisièmement « réunir des preuves » (III).
I. Connaître ses droits.
26. «L'accès au droit n'est plus un simple devoir de
solidarité mais une véritable obligation légale.
»16
Connaître ses droits est l'une des premières
étapes des plus fondamentales pour défendre ses droits. L'adage
« Nul n'est censé ignorer la loi » est malheureusement un
adage très théorique. L'instruction juridique est quasi
inexistante, l'éducation nationale ne comble pas particulièrement
cette carence et les informations juridiques que l'on récolte au
quotidien sont rarement de bonne qualité sauf s'il on s'adresse à
des spécialistes.
27. Ainsi les justiciables ont pour la plupart une connaissance
juridique limitée voire inexistante. Leur connaissance est
tronquée.
Les justiciables vont par exemple revendiquer des droits tels
que le délai de rétractation pour tout type de contrat de vente
alors que ce délai de rétractation est limité à
certaines hypothèses juridiques : démarche à domicile ou
vente à distance.
En matière de droits locatifs, pour connaître ses
droits il existe différentes structures permettant de connaître
ses droits et les actions correspondantes pour les défendre.
16 R. Cordas, ancien Président du Tribunal
de Grande Instance de Toulouse et du Conseil Départemental de
l'Accès aux Droits de la Haute-Garonne, « Guide pratique de
l'accès au droit : informations juridiques et adresses utiles »,
2001, p.2 et p.3.
A. Les associations de locataires et de consommateurs.
28. Les associations de consommateurs, comme de locataires,
sont agréés par arrêté conjoint du ministre
chargé de la consommation et du garde des sceaux dont l'objet statutaire
est la défense des intérêts des consommateurs, et des
locataires.
La loi leur reconnaît la qualité pour exercer
les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant
préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif
des consommateurs, des locataires. Elles peuvent recevoir mandat d'agir devant
les juridictions civiles au nom des consommateurs victimes d'un
préjudice personnel17.
29. Ces associations fonctionnent comme toute association
type : elles ne peuvent proposer ses prestations qu'auprès de ses
adhérents. Elles renseignent leurs adhérents sur leurs droits et
peuvent également les aider à accomplir leurs démarches.
« Les associations de consommateurs ne peuvent conseiller et
défendre que leurs adhérents »18.
En raison de cette obligation légale, les associations de
consommateurs et de locataires demandent une cotisation annuelle à leurs
adhérents.
30. Notons cependant que certains professionnels du droit,
tel que les avocats, estiment que ces associations leurs font de la concurrence
déloyale. Il a déjà été opposé, aux
juristes et médiateurs d'association de consommateurs par des avocats,
que le titre de conseiller juridique ne pouvait être attribué
légalement à un juriste d'une association de consommateurs. Si la
pauvreté de l'argumentation juridique prête à sourire,
cette interprétation étriquée de la loi, par certains
professionnels, préjudicie aux consommateurs, aux justiciables.
31. Il faut rappeler le texte de la loi de 197119
et son article 63 : « Les associations reconnues d'utilité
publique (...) peuvent donner à leurs membres des consultations
juridiques relatives aux questions se rapportant à leur objet
». Ce texte plutôt clair est pourtant source
d'interprétation, dans un sens qui n'est guère favorable aux
associations.
Informer, conseiller et être consulté est pour un
juriste plus qu'un métier, c'est un devoir. La connaissance de ces
droits reste la base et on ne peut priver les justiciables de cette
faculté.
Cette disposition légale conduit à restreindre
les actions des associations. Le cadre étant ainsi fixé, elles ne
peuvent faire de consultations auprès d'autres personnes que leurs
membres, ce qui empêche la participation des associations de
consommateurs dans des institutions telles que les Maisons de la Justice et du
Droit.
32. Sur le département de Haute-Garonne, douze
associations de consommateurs sont implantées. Certaines comprennent
plusieurs cellules et locaux.
Parmi ces douze associations de consommateurs, quatre d'entre
elles sont des associations représentatives de locataires :
- La CLCV : Consommation Logement et Cadre de Vie. - La CGL :
Confédération Générale du Logement.
- La CSF : Confédération Syndicale des Familles.
- La CNL : Confédération Nationale du Logement.
17 Article L 421-1 et L 422-1 du code de la
consommation.
18 Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990.
19 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,
relatif aux consultations juridiques et rédactions d'acte sous seing
privé.
Ces quatre associations siègent à la Commission
Départementale de Conciliation des rapports locatifs.
B. Les Agences Départementales pour l'Information sur
le Logement : ADIL.
33. Il existe une ou plusieurs ADIL dans la
quasi-totalité des départements. Chacun dispose d'une
équipe de juriste spécialisé dans le domaine du logement,
qui informent et conseillent gratuitement le public : locataires, bailleurs,
copropriétaires, accédants à la propriété et
autres.
Les ADIL ont été créées à
l'initiative des pouvoirs publics et des collectivités locales. Ce sont
des organismes conventionnés par le Ministère du logement,
à vocation départementale et regroupant l'ensemble des acteurs
immobilier du département sous régime associatif à but non
lucratif, régi par la loi de 1901.
34. Depuis 1982, l'Etat, les élus locaux, les
professionnels de l'immobilier et du secteur bancaire, la Caisse d'Allocations
Familiales, les organismes HLM, les gestionnaires du 1% patronal, organismes
divers d'intervention sur le secteur immobilier et organisation d'usagers,
participent à ce service.
Tous ces intervenants s'associent pour informer et conseiller
dans le domaine de l'habitat. C'est un service d'intérêt public
gratuit.
35. En comparaison avec les associations de locataires, les ADIL
ont deux inconvénients majeurs :
- Les délais : les ADIL reçoivent sur rendez-vous,
qui peuvent s'avérer trop éloignés
dans le temps. Les litiges nécessitent une
intervention rapide, l'information étant la première étape
si elle intervient tardivement la résolution du litige sera plus
difficile voir impossible.
- L'intervention des ADIL se limite à une activité
de conseil et non de résolution des
litiges.
C. Les maisons de justice et du droit : les MJD.
36. Ce sont « des structures locales qui assurent une
présence judiciaire de proximité et concourent à la
prévention de la délinquance, à l'aide aux victimes et
à l'accès au droit »20.
37. Créées par la loi en 199821, les
maisons de justice et du droit ont pour vocation d'être un lieu
d'accueil, d'écoute, d'orientation et d'information des justiciables sur
leurs droits et obligations. Placée sous l'autorité du
Président et du Procureur de la République du tribunal de grande
instance, elles assurent une présence judiciaire de proximité.
Ces missions principales s'orientent autour de 22:
20 Article 7-12-1-1 al 2 Code de l'Organisation
Judiciaire.
21 Loi n°98-1163 du 18 décembre 1998.
22 « Guide pratique de l'accès au droit :
informations juridiques et adresses utiles », CDAD de Haute-Garonne.
- L'action judiciaire : mesures alternatives aux poursuites
pénales telles que rappels à
la loi, mesures de réparation pour les mineurs,
médiation, classement sous condition ;
- L'accès au droit : permanences assurées par les
barreaux, les notaires, les collectivités
territoriales, les associations d'aides aux victimes.
- La communication et l'information : instauration d'un dialogue
entre les instances
judiciaires et les élus locaux, les autres partenaires de
la justice et de la population.
38. Elle offre à titre gratuit ses services et toutes ses
compétences. Un accueil est assuré quotidiennement et de
manière plus spécifique pour les victimes d'infractions
pénales.
Des permanences sont organisées autour des
thèmes de la vie quotidienne : droits de la famille, des mineurs, droit
des personnes, du travail, de la consommation, droit des victimes et
droits du logement.
39. Chacun peut bénéficier d'une aide pour
accomplir ses démarches, ainsi que de consultations juridiques
assurées par des avocats, des notaires, des huissiers de justice ou des
associations.
40. Il est à noter que ce ne seront pas les
associations de consommateurs qui seront présentes dans ces maisons de
justice du droit puisque les instances étatiques, tel que le
Préfet ou le parquet général, estiment que le
système d'adhésion légale, qui est obligatoire pour ces
associations, est inadéquat dans une structure comme les MJD.
Ces instances étatiques pensent que les associations
de consommateurs chercheront uniquement à accroître leurs nombres
d'adhérents. Curieusement cette crainte de « clientélisme
» ne semble pas avoir préjudicié aux avocats qui exercent
dans les maisons de justice du droit, dans lesquelles bien évidemment
les avocats se constituent une part importante de leur
clientèle23.
II. Réclamer ses droits.
41. Pour que le demandeur puisse saisir la justice, il faut
déjà avoir réclamé ses droits à l'amiable.
Les procédés sont simples mais, en pratique, rarement
réalisés.
42. Pour commencer, on peut réclamer verbalement ce
qui est du, par téléphone, ou par courrier simple ou
électronique. Une simple conversation téléphonique peut
éviter une résolution longue et laborieuse. C'est uniquement lors
d'un refus catégorique ou des promesses non tenues qu'il faudra
formaliser les demandes : lettre recommandée avec accusé de
réception et mise en demeure.
La mise en demeure est le point de départ des
dommages-intérêts éventuellement dus. Elle formalise le
défaut d'exécution par la partie qui doit remplir une
obligation.
43. Ce formalisme sera indispensable si le litige est
porté, par exemple, devant la Commission Départementale de
Conciliation des rapports locatifs ou en justice.
23 Informations recueillies auprès du
coordinateur des maisons de justice de droit de la région toulousaine,
Monsieur Gonvalés, le 11 mai 2004. Informations confirmées en
avril 2004 auprès de la secrétaire générale, Madame
Fady Isus, du Conseil Départemental de l'Accès aux Droits de la
Haute-Garonne.
Les médiateurs ou conciliateurs demanderont, avant
toute intervention, de procéder aux réclamations au moins par
courrier simple. Ils procéderont à la rédaction d'une mise
en demeure par lettre recommandée si les parties ne l'ont pas fait :
c'est le premier acte de toute procédure de règlement amiable.
III. Réunir des preuves.
44. « À l'appui de leurs prétentions, les
parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les
fonder »24.
Comme en matière de procès civil, et de
procédure en général, le demandeur doit prouver le
préjudice subi et le lien de causalité. « Il incombe
à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits
nécessaires au succès de sa prétention »25
45. En matière de droits locatifs plusieurs situations
différentes se présentent pour prouver les actes ou les faits
:
46. L'existence d'un bail : la remise en
cause de la qualité de locataires peut être combattue par la
présentation du contrat écrit du bail. Cette preuve est en
principe évidente en présence de baux d'habitation soumis
à la loi de 1989, mais elle est plus difficile en matière de baux
de loi de 1948 ou de baux meublés. Si le bail est verbal, il n'en est
pas moins valable26. La preuve pourrait être alors
rapportée par tous moyens : quittances de loyer, relevés
bancaires, échanges de courrier, témoignages.
47. Le paiement du loyer : comme tout
paiement, il est doit être prouvé par un écrit sauf lorsque
la somme réclamée est inférieure à 800 € ou
lorsque le débiteur, ici le locataire, et dans l'impossibilité
matérielle ou morale de se procurer une preuve écrite ou lorsque
écrit a été détruit par suite d'un cas fortuit ou
d'une force majeure. Dans ce cas la preuve pourrait être rapportée
par tous moyens.
48. L'état du logement :
l'état des lieux contradictoire, réalisé et signé
par le locataire et le bailleur, constitue une preuve « parfaite » en
pratique. C'est un acte contractuel difficilement contestable a posteriori.
Le constat d'huissier fait en présence du bailleur et
du locataire à une force probante supérieure. Il est à
noter qu'en pratique un constat d'état des lieux réalisé
par huissier est incontestable, sauf à le déclarer faux en
justice27.
À défaut de l'un ou de l'autre, en cours de
location en particulier, l'état du logement peut
être prouvé par tous moyens : constat d'huissier même
non-contradictoire, procès-verbaux administratifs, attestations de
témoins, devis d'artisans, photos. Comme toute preuve elles
24 Article 6 du nouveau code de procédure
civile.
25 Article 9 du nouveau code de procédure
civile.
26 Rappelons qu'en droit français en
matière contractuelle le principe reste le consensualisme.
27 Délit pénal : Article 441-1 du code pénal
: (Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 -
art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
Constitue un faux toute altération frauduleuse de
la vérité, de nature à causer un préjudice et
accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre
support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir
pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des
conséquences juridiques.
Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans
d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
seront appréciées souverainement par les
magistrats. Il en sera de même par tout acteur de modes alternatifs de
règlement des conflits.
49. Lors de l'instruction d'un dossier si ces étapes
ont été réalisées, connaissance et
réclamation des droits ainsi que réunion des preuves, la
résolution du conflit par l'amiable augmente considérablement.
Cette réflexion est valable pour toutes actions en justice.
En matière de droits locatifs, certains modes
alternatifs sont moins usités que d'autres. Cela est soit du au
régime juridique propre du mode alternatif, l'arbitrage, ou juste
à la pratique, la transaction. La négociation quant à elle
peut participer autrement à « l'amiable », en se manifestant
en amont.
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