3. Les apprentissages entre pairs
Le rôle des interactions humaines dans la construction
des connaissances et dans le développement cognitif est désormais
bien établi. Que ce soit avec des pairs ou avec des adultes, les
interactions se trouvent à l'origine de progrès cognitifs pour
l'enfant. Celles-ci servent d'intermédiaire entre la connaissance et
l'individu apprenant. Mead affirmait déjà en 1943 que
«l'interaction entre deux personnes fournit une base pour la
construction de la pensée symbolique» (Mead citée par
Doise et Mugny, 1997).
L'environnement social du jeune enfant se compose
principalement de la famille et de ses relations dans sa section à la
crèche ou à l'école maternelle. Pour cette raison, les
relations avec les pairs prennent toute leur importance dans le
développement socio-cognitif du jeune enfant. Les interactions entre
pairs se déroulent sous de multiples formes comme au travers de
l'imitation immédiate, les interactions de tutelle, ou le conflit
socio-cognitif. De par leur diversité, les interactions entre pairs
favorisent l'émergence de multiples apprentissages.
3.1. Les
apprentissages par l'imitation immédiate
L'imitation immédiate apparaît principalement
entre deux et trois ans, même si elle persiste plus tard dans certaines
circonstances particulières comme entre amis très liés. Ce
type d'imitation prend forme en présence du partenaire modèle, et
consiste à réaliser les mêmes gestes que ceux de son
partenaire de façon synchrone et d'intervertir,
régulièrement, les rôles entre imité et imitateur.
L'imitation immédiate intervient entre pairs pour leur
servir de mode de communication, alors que leurs capacités
langagières ne sont pas encore suffisamment développées
pour leur permettre de communiquer entre eux (Baudonnière, 1988).
Outre le système de communication qu'elle leur fournit
(Nadel, 1986), elle joue le rôle de transition entre le stade
sensori-moteur, avec des représentations en action, et l'accès
aux représentations. Au travers de celle-ci, les enfants, ayant
conscience d'être imités, tentent d'agir sur l'intention de
l'autre. L'imité attribue alors à l'imitateur une intention
communicationnelle. L'imitation permet donc de tester la volonté de
communiquer. C'est grâce à l'imitation immédiate que se
développe la capacité de comprendre l'autre comme intentionnel.
Ces tests d'intentionnalité «en action» disparaîtront
vers quatre ans grâce à l'émergence de la théorie de
l'esprit et le développement des capacités
méta-représentationnelles.
L'imitation dessert également deux autres fonctions
(Cartron et Winnykammen, 1995), à savoir, l'acquisition de savoirs et
savoir-faire.
Elle sert à initier les relations sociales entre pairs
et c'est grâce à l'imitation immédiate que l'enfant apprend
de nouvelles conduites sociales. En effet, l'enfant sait qu'il lui faut attirer
l'attention d'autrui pour obtenir ce qu'il désire. Ainsi, en imitant, il
attire l'attention de son partenaire sur lui et initie une relation entre
eux.
Elle favorise aussi d'autres apprentissages. En effet, tous
les enfants, à un âge donné, ne possèdent pas le
même répertoire d'actions. Cela suppose que lorsque l'imitateur
réalise des actions pour imiter un pair, il accomplit des types
d'actions ou des manipulations qu'il n'aurait pas réalisées seul
et qu'il ne saurait pas réaliser. Les actions réalisées
par son partenaire ne font pas systématiquement partie de son
répertoire d'actions. C'est grâce à l'activité de
l'enfant lors de l'imitation que de nouvelles manières d'agir sont
intériorisées.
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