§1- LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC MARITIME CONTRE
LES OCCUPANTS SANS TITRE
Les occupations illégales du domaine public maritime
sont anciennes et multiples. Les sanctions prévues, sont en
réalité peu efficaces, en particulier, elles ne permettent pas de
totalement réparer les préjudices subis par l'environnement.
Indépendamment de la procédure de la
contravention de voirie, l'administration -propriétaire ou affectaire-
du domaine public dispose de moyens d'action renforcés à
l'encontre des personnes privées qui occupent indûment le
domaine.
Pour obtenir l'expulsion des occupants ou l'enlèvement
des installations irrégulièrement implantées ou maintenues
sur le domaine public, elle doit normalement recourir au juge, la
possibilité d'agir par voie d'exécution d'office ne lui est
ouverte qu'à titre exceptionnel46.
L'A.P.AL joue aussi un rôle très important en ce
domaine, elle a pour tache essentielle d'assurer l'exécution de la
politique de l'Etat dans le domaine de la protection du littoral en
général et du domaine public maritime en particulier.
A cette fin, et suivant les termes de l'art. 3 de la loi 95-72
portant création de l'Agence de Protection et d'Aménagement du
Littoral, elle est notamment chargée de :
« - La gestion des espaces littoraux et le suivi des
opérations d'aménagement et de veiller à leur
conformité avec les règles et les normes fixées par les
lois et règlements en vigueur relatifs à l'aménagement de
ces espaces, leur utilisation et leur occupation ;
- La régularisation et l'apurement des situations
foncières existantes à la date de publication de la
présente loi et contraires aux lois et règlements relatifs au
littoral et au domaine public maritime en particulier et ce conformément
à la législation en vigueur et tout en respectant le principe du
caractère non saisissable, non susceptible d'hypothèque,
inaliénable et imprescriptible du domaine public maritime. »
Cependant, il faut dire que des procédures
spécifiques pour l'occupation du domaine public maritime existent, ce
sont les concessions d'occupation du domaine public maritime.
46 Lavialle CH. : « L'occupation sans titre du domaine
public », AJDA 1981 I p.563.
§2- L'ORGANISATION DE L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC
MARITIME
Il existe en droit français, des concessions d'endigage,
de plage et des concessions portuaires.
Le principe est un contrat entre l'Etat et le
bénéficiaire de la concession. En règle
générale une collectivité territoriale, un
établissement public ou un organisme doté d'une mission de
service ou d'intérêt public, au terme de laquelle l'Etat met
à disposition, éventuellement moyennant contre partie
financière, une partie du domaine public maritime, à charge pour
le bénéficiaire, d'y construire les ouvrages, de les exploiter et
de les entretenir.
Les projets et les travaux doivent être
d'intérêt général. En particulier les concessions
d'endigage ne peuvent être accordées que pour la
réalisation de travaux de défense contre la mer, de
sécurité maritime, de développement de la pêche ou
des cultures marines...et sous réserve de figurer préalablement
dans un document de planification (les endiguements, assèchements,
enrochements restant interdits dans le cas général).
Les plages font généralement l'objet de
concessions aux communes, qui en assurent notamment leur exploitation
touristique, leur entretien, leur protection (en particulier contre
l'érosion marine), elles peuvent les sous louer à des entreprises
privées.
Les ports sont concédés selon les cas à
des collectivités locales ou territoriales ou à des chambres de
commerce et d'industrie.
L'outil juridique de droit commun pour effectuer ces
opérations est l'autorisation d'occupation temporaire47,
assujettie à redevance et toujours délivrée à titre
personnel, précaire et révocable. C'est-à-dire, qu'il peut
y être mis fin à tout moment si l'intérêt du domaine
ou un intérêt général le justifient, avec parfois
une indemnisation qui est fonction des droits accordés et du motif de
retrait.
La jurisprudence veut également que le titre
d'occupation délivré et sa durée soient adaptés
à l'importance de l'ouvrage réalisé ou de
l'activité exercée.
En droit tunisien aussi, le domaine public maritime donne lieu
à des utilisations communes et à des utilisations privatives.
47 A.O.T. ; Article L 28 du Code du domaine de l'Etat.
En ce qui concerne l'utilisation commune du domaine public
maritime, elle est libre, égalitaire et gratuite.
Elle se limite à l'usage courant selon les usages et
les coutumes, dans le respect de la tranquillité, de la
salubrité, de la sécurité, de l'ordre public et de la
protection de l'environnement.
L'utilisation privative du domaine public maritime est
permise, soit sous forme d'occupation temporaire soit sous forme de concession,
conformément aux spécificités de ce domaine et aux
conditions prescrites par la loi n° 95-73 du 24 juillet 1995, relative au
domaine public maritime48.
En outre, et selon l'art. 23 de la loi 95-73, toute occupation
temporaire du domaine public maritime ne peut être accordée
qu'à titre précaire et révocable sans réparation ni
indemnité. Cette occupation ne peut avoir lieu que sur autorisation du
ministre chargé de l'Environnement et sur proposition de l'Agence de la
Protection et de l'Aménagement du Littoral.
Un décret pris sur proposition du ministre
chargé de l'Environnement après avis des ministres chargés
de l'Equipement, des Domaines de l'Etat, de l'Agriculture et de la Santé
Publique, détermine les modalités d'application des dispositions
de cet article 23 et notamment les conditions d'occupation temporaire du
domaine public maritime.
Il faut signaler aussi, que selon l'art. 24 de la loi
n°95-73, toute occupation temporaire du domaine public maritime donne lieu
à redevance à la charge de l'occupant conformément
à la législation et à la réglementation en
vigueur.
Cependant, lorsqu'il y a lieu de réaliser des ouvrages
ou des installations fixes dans la mer ou à sa proximité,
l'autorisation ne peut être accordée que sous forme de concession
fixant notamment la durée de l'occupation et le montant de la
redevance.
Un cahier des charges annexé au contrat de concession,
précisera notamment les conditions d'exécution des ouvrages ou
installations ainsi que le mode d'exploitation, et ce, après avis de la
collectivité locale concernée.
48 V . Art. 20, 21 et 22 de la loi n° 95-73 du 24 juillet
1995, relative au domaine public maritime.
Cette concession ne pourra être accordée que pour
une durée maximale de trente ans et dans le cas où il est
stipulé qu'elle peut être prorogée tacitement, elle sera
renouvelée toutes les fois pour une durée de deux ans.
Le contrat de concession ainsi que le cahier des charges sont
approuvés par décret pris sur proposition du ministre
chargé de l'Environnement, après avis des ministres
chargés de l'Agriculture, des Domaines de l'Etat, de l'Equipement et de
la Santé Publique49.
Aussi, selon les dispositions de la loi n°95-72 du 24
juillet 1995 portant création d'une Agence de Protection et
d'Aménagement du Littoral (art. 7), celle-ci prend en charge la gestion,
la conservation et la préservation des terres qui sont mises à sa
disposition.
Elle peut transférer l'exploitation des espaces
aménagés à un établissement public ou privé
ou à une association autorisée et ce, dans le cadre d'un accord
fixant notamment la contrepartie financière et sur la base d'un cahier
des charges qui fixe les usages, les modes de gestion et de préservation
et les travaux autorisés qui contribuent obligatoirement à la
réalisation des objectifs de l'Agence qui peut dans certains cas avoir
recours à l'expropriation.
En effet, et pour la conservation des zones
sensibles50, elle peut avoir la maîtrise des immeubles soit
par leur acquisition à l'amiable, soit le cas échéant, par
leur expropriation par l'Etat à son profit conformément à
la législation en vigueur relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique.
L'Agence peut aussi, dans les cas où elle le juge
opportun, conclure des accords de partenariat avec les propriétaires des
terres situées dans les zones sensibles. Les propriétaires
s'engagent dans ces accords à gérer leurs terres
conformément à un cahier des charges approuvé par le
ministre chargé de l'Environnement51.
49 V. Art. 25 et 26 de la loi n° 95-73 du 24 juillet 1995,
relative au domaine public maritime.
50 Art. 8 : « Un décret fixe les zones sensibles,
qui sont des zones caractéristiques du patrimoine naturel national ou
présentant un ensemble d'éléments dans un
écosystème fragile ou constituant un paysage naturel remarquable,
menacé par la dégradation ou l'utilisation irrationnelle...
»
51 Loi 95-72 portant création d'une agence de protection
et d'aménagement du littoral, art. 8.
Cependant, la protection de l'espace territorial du domaine
public maritime ne se limite pas au contrôle de son occupation quelle
qu'en soit l'efficacité.
Une vraie protection de domaine nécessite
également une réelle maîtrise de l'aménagement du
littoral dont fait partie le domaine public maritime.
|