CONCLUSION GENERALE
Le dysfonctionnement de l'UDEAC ayant été
causé en partie par l'insuffisance des ressources financières
affectées à cette institution, son remplacement par la CEMAC
appelait à une réflexion sur les moyens mis sur pied ici pour
prévenir ces difficultés afin de permettre à la
Communauté de jouer pleinement son rôle dans le processus
d'intégration. Contrairement à l'UDEAC, les parties signataires
du Traité de la CEMAC ont compris que la capacité d'action d'une
organisation régionale «est en grande partie conditionnée
à la fois par l'importance des moyens financiers dont elle dispose et
par la rigueur de la gestion financière » et ont
apporté de nombreuses innovations aussi bien au niveau du financement
que de la gestion budgétaire.
Tout d'abord le mécanisme de financement mis sur pied
dans la CEMAC traduit la volonté des Etats membres d'avancer dans le
processus de l'intégration : d'une part l'affirmation d'un
financement par des ressources propres, affirmation qui se traduit par
l'institution d'un mécanisme de financement autonome de la
Communauté basé sur la TCI/P. D'autre part l'institution d'un
mécanisme de recouvrement forcé et la mise sur pied d'un Fonds de
Développement financé par tous les Etats membres à travers
une fraction de la TCI/P et destiné à la fois au financement des
projets intégrateurs et à la compensation des manques à
gagner des Etats membres. Toute fois dire que la CEMAC est déjà
intégralement financée par des ressources propres est un leurre
dans la mesure ou l'expression "contributions égalitaires des Etats
membres" demeure toujours utilisée. Or les "contributions" ne sont pas
des ressources propres. Cela signifie que les Etats membres continuent à
payer leurs cotisations par le biais de la TCI/P et/ou par le biais des
contributions, notamment le paiement direct des Trésors nationaux ;
d'où l'existence du mécanisme de recouvrement forcé
destiné à assurer le recouvrement des contributions des Etats
membres, mécanisme pourtant moins important et même absent dans
les organisations régionales financées intégralement par
des ressources propres à l'instar de l'UEMOA et de l'Union
Européenne. Parce que la TCI/P, ressource propre qui suit les
fluctuations de l'activité économique des Etats membres risque
dans un premier temps ne pas être en mesure de couvrir toutes les
dépenses de la Communauté, il faut croire que l'existence des
contributions égalitaires à côté de la TCI/P ou
l'assimilation de la TCI/P aux contributions
vise à gérer la phase transitoire et à
garantir une sécurité dans le financement, dans l'attente de la
mise en place progressive d'autres ressources propres. La création
d'autres ressources propres en vue d'un financement intégral de la
Communauté par des ressources propres est tellement nécessaire
que le mécanisme de recouvrement forcé ne pourrait pas toujours
garantir le recouvrement des contributions des Etats membres.
La gestion budgétaire dans la CEMAC quant à
elle se rapproche de celle de l'Etat. Les principes gouvernant
l'élaboration et l'exécution du budget sont clairement
définis. Si la procédure d'exécution du budget est
largement organisée par le Règlement Financier de 1999, celle
relative à l'élaboration du budget semble inachevée
puisqu'elle n'associe pas le Parlement de la Communauté (commission
interparlementaire) quand on connaît le rôle que joue le parlement
dans l'élaboration du budget dans les autres organisations
régionales à l'instar de l'UEMOA et de l'Union Européenne.
Le contrôle de l'exécution du budget largement défini
s'analyse en un contrôle interne exercé principalement par
l'Auditeur interne et le Contrôleur Financier et un contrôle
externe exercé par la Chambre des Comptes de la Cour de Justice de la
CEMAC et par la Commission Interparlementaire.
Le contrôle politique de l'exécution du budget
de la CEMAC semble cependant encore en chantier, ce qui expliquerait quelques
limites observées au niveau de ce contrôle. Il faudra sans doute
attendre le Traité instituant le Parlement de la Communauté dont
l'avant projet a été discuté à Yaoundé en
juillet 2001 pour se faire une idée exacte sur les compétences
normatives et surtout budgétaires du Parlement de la Communauté.
A l'analyse des dispositions pertinentes du Traité instituant la CEMAC,
il reste probable que le Parlement communautaire sera à l'image de
nombre de parlements interne de la sous région, c'est-à-dire une
assemblée sans pouvoir réelle destinée à servir de
caution démocratique à un système communautaire d'essence
autoritaire et technocratique. La perspective d'une prochaine transposition des
pratiques parlementaires internes des Etats membres de la CEMAC au niveau sous
régional n'augure nullement de l'efficacité du Parlement
communautaire. Le contrôle le plus opérationnel de
l'exécution du budget de la CEMAC, on peut le supposer est celui
qu'exerce la Chambre des Comptes de la Cour de Justice de la Communauté.
Les statuts de la Chambre des Comptes ont à cet effet, fait de la
Chambre des Comptes juge des comptes doté de pouvoirs de sanctions
importants vis-à-vis des gestionnaires de crédit contrairement
aux pouvoirs généralement reconnus aux Cours des Comptes des
institutions d'intégration régionale à l'instar des Cours
de Comptes de l'UEMOA et de l'Union Européenne. Les textes sont donc
élaborés pour ce qui est du contrôle juridictionnel, avec
le souci de garantir un meilleur contrôle des comptes et de
l'exécution du budget de la Communauté ; reste donc à
espérer que les maux qui minent la justice interne des Etats membres ne
soient pas transposés au niveau communautaire.
En définitive, pour ce qui est des mécanismes
de financement et de gestion budgétaire, on peut dire que la CEMAC est
sur la bonne voie. Le problème ici n'est plus tellement celui de la
qualité des textes - même si beaucoup restent à
préciser notamment pour ce qui est de l'augmentation des ressources
propres et des compétences budgétaires du parlement
communautaire, - mais celui de leur application et des sanctions contre les
Etats et les agents d'exécution du budget qui ne s'y soumettent pas.
L'intégration étant un impératif contemporain, la mise en
oeuvre des nouveaux mécanismes de financement et de gestion
budgétaire est un pari pour les Etats de la zone CEMAC qui doivent
réussir à se détourner des pratiques anciennes et à
éliminer les obstacles à l'intégration et au financement
de la Communauté.Pour cela ils auraient intérêt à
méditer cette remarque faite par Louis XIV dans ses «Conseils au
Dauphin » : « Souvent notre impatience recule par
trop d'ardeur les choses qu'on veut avancer »
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