B - Les justifications du système de ressources
actuel de la CEMAC
L'existence d'un dualisme au niveau du système des
ressources avec d'une part le mécanisme de financement autonome et
d'autre part des contributions des Etats membres se faisant de manière
égalitaire répond sans doute au souci de gérer la phase
transitoire régie par l'article 46 de l'Additif. D'ailleurs, l'article
28 de l'Additif qui institue le financement par les ressources propres n'exclut
pas les ressources préexistantes. La mise en place d'un financement
intégral par des ressources propres doit donc se faire de manière
progressive. Cela est tellement vrai que dans le cadre de l'Union
européenne, après l'échec d'une première tentative
de mise en place des ressources propres en 1965, qui a déclenché
la crise de la chaise vide, le Conseil est arrivé en Décembre
1969 à un accord sur la mise en place des ressources propres en deux
phases comprenant une période transitoire qui a commencé le
1er janvier 1970 et une période définitive
débutée le 1er janvier 1975. Durant la période
transitoire, les prélèvements agricoles ont été
intégralement et immédiatement affectés à la
Communauté; les droits de douane l'ont été progressivement
afin d'éviter les conséquences trop brutales sur le budget de
certains Etats membres. Le solde des dépenses non couvertes par les
ressources propres est resté financé par des contributions
nationales. Ce n'est qu'en 1975 qu'a débuté la période
définitive caractérisée par le financement intégral
du budget communautaire par des ressources propres. La CEMAC serait encore dans
la phase transitoire, ce qui justifie l'existence d'un système dualiste
de ressources.
Par ailleurs, la TCI/P serait à elle seule
insuffisante pour assurer l'équilibre du budget de la Communauté.
Les ressources propres étant des ressources « dont le produit
suit les fluctuations de l'activité économique des Etats
membres », dans une sous-région constituée des pays aux
économies incertaines, il est à craindre que la ressource propre
soit insuffisante pour assurer l'équilibre du budget de la
Communauté. Il serait donc nécessaire d'adjoindre à la
ressource propre, d'autres ressources telles que les contributions nationales
des Etats membres aux fins de combler d'éventuels déficits. Ceci
répondrait donc aussi à un souci de sécurité au
niveau du financement.
La prééminence des contributions
étatiques sur les ressources propres a des conséquences au niveau
de l'élaboration du budget. En effet, contrairement à l'Union
européenne dont le budget est un « budget des
recettes » parce que la Communauté étant dotée
des ressources propres, le Conseil et le Parlement européen
évaluent d'abord l'enveloppe globale des ressources, puis veillent
à ce que les dépenses tiennent dans cette limite ; le budget
de la CEMAC est un « budget de dépenses », ce qui
signifie que le Conseil des Ministres aurait tendance à fixer d'abord le
montant des dépenses pour en tirer les conséquences au niveau des
recettes. Dans l'UEMOA, le financement de la phase transitoire devrait
être assuré d'après le Traité modifié de 2003
par la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et par la
Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).
En somme, les ressources de la CEMAC se caractérisent
d'une part par les contributions des Etats membres sur une base
égalitaire, et d'autre part par la prééminence des
«contributions des Etats membres » sur le mécanisme de
financement autonome basé sur la TCI/P. Les contributions sur une base
égalitaire répondent au souci de gérer la phase
transitoire. Elles visent à conférer à la
Communauté une certaine garantie dans la disponibilité des
ressources. Cela est d'autant plus vrai que le montant de la TCI/P est
fixé d'avance et en cas de déficit, l'Etat concerné prend
à sa charge et sur son budget la différence entre le montant
total de ses contributions et les recettes enregistrées dans le compte
CEMAC ouvert à la Banque Centrale au titre de la TCI/P. Cette pratique
des contributions sur une base égalitaire est différente du
système des contributions mis sur pied dans l'Union européenne
pour assurer le financement de la phase transitoire. En effet, ici, la
clé de répartition était fonction des capacités
contributives de chaque Etat. La répartition des contributions dans la
CEMAC ne prend donc pas en considération les capacités
contributives des Etats membres sans doute pour des raisons de
sécurité au niveau des ressources. Mais il faut espérer
qu'avec la mise en place progressive d'un financement intégral par les
ressources propres, les capacités contributives des Etats membres soient
prises en considération pour une certaine rationalité au niveau
du financement. L'une des modalités de rationalité d'ailleurs
évoquée est le vote pondéré qui permet de
s'approcher de l'équité entre le poids d'un Etat et sa
capacité de peser sur la prise des décisions au sein de la
Communauté à l'instar de la pondération au sein de l'
Union Euriopéenne.
De même, l'assimilation du mécanisme de
financement autonome aux « contributions des Etats
membres » est guidée par un souci de sécurité au
niveau des ressources. La TCI/P à elle seule serait insuffisante pour
assurer l'équilibre du budget de la Communauté et
nécessiterait un complément par des contributions des Etats
membres. Il faut pourtant remarquer que ceci n'est pas toujours de nature
à garantir à la Communauté des ressources suffisantes dans
la mesure où les Etats membres ne sont pas toujours disposés
à payer leurs contributions au budget, si oui lorsqu'il est fait recours
à des mécanismes de recouvrement forcé. Seule
l'institution de nouvelles ressources propres destinées à
garantir un financement intégral de la Communauté par des
ressources pourrait conférer à celle-ci des ressources
suffisantes.
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