I.7) Analyse macroéconomique du revenu
I.7.1) Approche de Brown (Effets
d'Inertie)
La théorie keynésienne suppose que la fonction
de consommation s'ajoute instantanément au revenu. Or, il existe que la
consommation passée engendre un ensemble d'habitudes dont le
consommateur est relativement prisonnier, au moins à court terme. Il en
résulte que, quand le revenu augmente, la consommation augmentera
beaucoup moins qu'elle ne l'aurait fait si l'adaptation avait été
instantanée. Ce n'est que si l'augmentation du revenu se maintient
qu'elle augmente significativement. Cette théorie permet d'expliquer
pourquoi la consommation est plus élastique au revenu à long
terme qu'à court terme.
I.7.2) Approche de
Keynes « Théorie de la fonction de
consommation »
Keynes (1936) a développé dans la théorie
générale le concept de fonction de consommation afin d'argumenter
son rejet de la loi de Say, d'après laquelle « toute offre
crée ses propres débouchés ».
Une idée fondamentale, connue sous le nom de loi
psychologique, est que lorsque le revenu s'accroît, la consommation
s'accroît mais dans une moindre mesure. Cette loi psychologique
revêt en fait deux formes :
La première forme de cette loi psychologique postule
que lorsque le revenu s'accroît, et la consommation et l'épargne
s'accroissent. En d'autres termes, la propension marginale à consommer
est positive mais inférieure à l'unité.
Pour citer Keynes : « La loi psychologique
fondamentale, à laquelle nous pouvons faire toute confiance, à la
fois a priori en raison de notre connaissance de la nature humaine et a
posteriori en raison des enseignements détaillés de
l'expérience, c'est qu'en moyenne et la plupart du temps les hommes
tendent à accroître leur consommation à mesure que leur
revenu croît, mais non d'une quantité aussi grande que
l'accroissement du revenu »
La seconde forme de la loi psychologique postule que lorsque
le revenu s'accroît, le taux d'épargne augmente. Citons à
nouveau Keynes : « Les motifs des individus à satisfaire leurs
principaux besoins actuels, personnels et familiaux, sont normalement plus
puissants que leurs motifs à épargner, lesquels
n'acquièrent une force réelle qu'au moment où un certain
niveau de confort est atteint. Ces raisons font qu'en général une
proportion de plus en plus importante du revenu est épargnée
à mesure que le revenu réel s'accroît » Cette loi
psychologique est nécessaire à Keynes pour construire sa
théorie générale. Elle lui permet notamment de comprendre
que toute production et revenu supplémentaire n'est pas
systématiquement consommée parce que l'épargne
supplémentaire du consommateur n'est pas nécessairement investie.
En fait, l'ajustement de l'épargne à l'investissement sera
réalisé via celui de l'offre à la demande et par le jeu du
multiplicateur des dépenses.
I.7.3) Approche de Duesenberry
Selon cette approche, la consommation ne dépend pas du
revenu absolu, mais du revenu relatif, c'est-à-dire de la position du
revenu du ménage dans l'ensemble de la distribution des revenus d'une
économie. Ainsi, par exemple, les ménages qui ont des revenus
situés au bas de la hiérarchie consomment leur revenu, tandis que
ceux qui ont des tranches supérieures épargnent d'autant plus que
leur position est élevée. Si une progression
générale des revenus n'en change pas la hiérarchie, chaque
ménage continue donc à consommer le même pourcentage de son
revenu. Au niveau global, la PMC (Propension Marginale
à Consommer) reste constante ; ce qui se vérifie sur de
longues périodes statistiquement.
I.7.4) Approche de Kalecki
Cet intérêt pour la pratique chez
''Kalecki'' a souvent été résumé
par sa célèbre phrase « les salariés
dépensent ce qu'ils gagnent, les capitalistes gagnent ce qu'ils
dépensent ». Cette affirmation provocante s'appuie sur la
démonstration suivante :
Au niveau macroéconomique, le revenu national est
égal à la somme de profits et des salaires. Parallèlement,
la production nationale est égale à la somme des investissements,
de la consommation des travailleurs et de la consommation des capitalistes. En
prenant pour hypothèse restrictive que les salariés consomment la
totalité de leur salaire on a :
Revenu national = profits + salaires
Production nationale = Investissements+ Consommation
des travailleurs +Salaires
Salaires = Consommation des travailleurs
Et, par différence : Ce qui induit que plus
l'investissement est élevé, plus la part des capitalistes dans le
revenu s'accroît.
I.7.5) Les théories du revenu permanent et du
cycle de vie
Si on adopte une démarche plus réaliste,
l'épargne représente une consommation différée dans
le temps et non un résidu de revenu qui serait thésaurisé
comme pourrait laisser croire la fonction de consommation keynésienne.
Aussi, pour expliquer la consommation à un moment donné des
ménages, il faudrait tenir compte de leurs revenus sur l'ensemble de
leur vie et non simplement de leurs revenus courants.
Adoptons une telle perspective et interrogeons-nous pour
savoir pourquoi les individus épargnent. Une première explication
résiderait dans la variabilité des revenus. Si les individus ont
des besoins de consommation constants dans le temps, alors que leurs revenus
varient au gré des fluctuations économiques ou boursières,
ils chercheraient à «lisser» leur consommation dans le temps
en épargnant quand leurs revenus sont particulièrement
élevés et en désépargnant dans le cas contraire.
Friedman a utilisé les outils de la
microéconomie intertemporelle pour formaliser cette idée. Sous
certaines conditions techniques (que nous ne détaillerons pas ici), il
montre qu'un ménage cherche à avoir un niveau de consommation
constant dans le temps. Par conséquent, la consommation à un
moment donné devrait être égale au niveau maximal qui
serait permis par la richesse financière préalablement
accumulée, le revenu courant et tous les revenus futurs
anticipés. Sa consommation sera alors égale à son revenu
permanent.
C = Ypermanent
Celui-ci se définit de la manière suivante :
« Le revenu permanent est le revenu maximum
consommable de façon constante dans le temps étant donné
la richesse accumulée dans le passé, les revenus courants et tous
les revenus futurs anticipés ».
En consommant progressivement la richesse accumulée, en
tenant compte des revenus futurs mais aussi des besoins futurs, un consommateur
va donc répartir tous ses revenus disponibles en épargnant dans
les périodes qui sont fastes pour lui et en
«désépargnant», voire, en empruntant, dans les
périodes moins favorables.
Il y a une façon très simple de tenir compte de
la conception Friedmanienne de la consommation à l'intérieur de
la spécification affiné de la fonction de consommation (C=
Co + aYd , avec 0 < a < 1).
Il s'agit de considérer que le paramètre
Co correspond justement aux déterminants du revenu permanent
autres que le revenu courant (et non à la consommation incompressible).
Le paramètre Co dépendrait alors :
1. de la quantité d'actifs financiers accumulés,
dans le passé.
2. de la moyenne pondérée (actualisée)
des revenus futurs anticipés pour le futur.
Ainsi, la conséquence d'une crise sur les
marchés des actions serait une dévalorisation des actifs
financiers accumulés que l'on pourrait appréhender dans notre
modélisation par une diminution du paramètre Co.
Mais, il y a alors une autre conséquence, c'est que si
le revenu courant n'est qu'un déterminant parmi d'autres de la
consommation à travers la détermination du revenu permanent, la
propension marginale à consommer serait beaucoup plus faible que ce que
les Keynésiens considéraient. Au lieu que le paramètre (a)
soit d'un ordre de grandeur compris entre 0, 6 à 0, 8, celui-ci serait
plus proche de 0, 1.
A la faveur de ce tour d'horizon sur les différentes
approches littéraires et courants de pensée, les plus
remarquables en tout cas, sur le coût de la vie et le revenu des
ménages, il a été permis d'élaborer la base
nécessaire permettant de poursuivre le traitement de notre sujet de
recherche. Aussi, il vient à présent d'aborder le second chapitre
de ce travail qui traite du « Panorama de l'économie
haïtienne durant presque les trente dernières années :
1975 & 2004 ».
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