Approche et évaluation de la notion de pauvreté ; Entre besoins et capacités des personnes, quelles attitudes pour les acteurs du Secours Catholique ?( Télécharger le fichier original )par Claude BOBEY Institut Catholique de Paris - Master II Solidarité et Action Internationales (SAI) 2007 |
1.3. L'approche à partir des capacités et la pensée d'Amartya Sen.Amartya Sen est un économiste qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1988 pour son approche sur les capacités. Sa théorie s'applique à repenser ce qui guide les individus dans leur vie, leur choix. « Ce n'est pas la seule recherche de la satisfaction personnelle, en termes de consommation de biens et services, qui guide les individus, mais plutôt le niveau de leur intégration sociale. »10 Cette pensée se démarque de la pensée actuelle que nous rencontrons chez nos politiques qui se base sur la consommation. Nous pourrions la caricaturer en disant : « Je consomme donc je suis ! ». Avec A. Sen, le but est de s'insérer dans la société. A. Sen s'appuie sur une éthique de la liberté. Le développement est celui de la liberté d'où l'importance du choix des personnes et du travail à développer ce choix, à rendre aux personnes la capacité de choisir leur vie. « Mieux vaut s'appuyer sur une éthique qui accroisse la liberté des personnes, insérées dans leurs réseaux sociaux de droits et obligations, et qui leur donne les moyens de mieux fonctionner et d'être capables de choisir la vie qu'elles souhaitent vivre. »11 Finalement, cette pensée donnera naissance au concept de développement humain. L'humain n'est plus l'objet du développement, celui qui va permettre la croissance, la richesse mais le sujet du développement. Il y a un déplacement du point central de la pensée. De la consommation et la croissance économique comme centres du développement, nous passons à l'Homme . « L'intérêt excessif portée à la croissance économique, à la création de richesses et la prospérité matérielle a occulté le fait que le développement est avant tout centré sur la personne humaine, ce qui a comme effet regrettable de refouler l'être humain à la périphérie des débats sur le développement. »12 1.3.1. Le développement humainLe développement humain s'appuie sur le développement des capacités des personnes qui ont besoin d'opportunités pour les développer. Un personne peut vouloir se nourrir et en avoir la capacité mais celle-ci peut être améliorée par l'accès à une alimentation de qualité. L'opportunité d'un crédit pour produire mieux est alors un appui à son développement. Les opportunités ne sont pas seulement économiques comme ici le crédit mais elles peuvent être politiques ou sociales. 10 Justice et Paix France, « Notre mode de vie est-il durable », Paris, Khartala 2005, p.1 64. 11 Idem. 12 Rapport arabe sur le développement humain 2002, « Chapitre 1, développement humain : définition, concept et aperçu général » p.17 http://www.undp.org/arabstates/ahdr2002.shtml La croissance est alors un moyen du développement mais non une fin, elle va promouvoir un développement des capacités et donner des opportunités. Le développement humain met en exergue la liberté de choix des personnes. « Les êtres humains doivent pouvoir influer sur les processus qui orientent leur vie. [...] le développement humain est le développement des individus, pour les individus et par les individus. »13 Par rapport à la théorie de Maslow, nous pourrions dire à la suite du rapport du PNUD : « Le concept de développement humain va plus loin que d'autres modèles de développement centrés sur l'individu. Le modèle basé sur la mise en valeur des ressources humaines met en avant uniquement le capital humain et traite l'être humain comme un apport au processus de développement, et non comme son bénéficiaire. Le concept visant à combler les besoins fondamentaux met l'accent sur les besoins minimaux des êtres humains mais non sur leur choix. Celui qui vise à promouvoir le bien-être humain considère l'individu comme un bénéficiaire, mais non comme un participant actif au processus qui détermine les conditions de son existence. »14 En ce sens, le développement humain est tout autant un processus qu'une fin pour l'Homme. La lutte contre la pauvreté va lutter contre le manque de capacités des personnes et de liberté de choix dans la mise en oeuvre des capacités offertes par les potentialités en présences. « La pauvreté est ainsi définie comme une privation de capabilités et l'inégalité comme le fait d'une distribution inégale de ces capabilités. Dans ce cadre d'analyse, le développement, lorsqu'il combat la pauvreté, cherche à renforcer les capabilités des agents ou, plus précisément, les libertés réelles d'agir et d'être qui sont conférées par leur statut de personne ou d'acteur social. »15 Il y aura aussi l'effort d'assurer une équité collective dans la détention des capabilités. « Cette vision alternative du développement permet, de manière très pertinente, d'envisager différemment le combat contre la pauvreté, en se préoccupant plus des restrictions dans la liberté d'agir et d'être, dues à la pauvreté, que du niveau de revenu ou de consommation qui en résulte. »16 |
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