Conclusion : Les personnes au coeur du processus,
moteur du changement social et sociétal.
Un pauvreté multidimensionnelle
Notre mémoire a voulu se centrer en un premier temps
à définir la pauvreté. Nous avons vu que celle-ci est
multidimensionnelle. Elle ne peut se limiter à une dimension fut-elle
économique ? Ayant regarder les différentes dimensions de la
pauvreté, la proposition d'Amarty Sen de conceptualiser la
pauvreté à travers deux angles est riche de sens. Une
pauvreté d'accessibilité et une pauvreté de
potentialités sans oublier la vulnérabilité des
situations. Ce double regard sur la pauvreté nous oblige à
rentrer dans une vision complexe de la problématique et remettre en
cause nos approches habituelles. La question devient alors celle de
l'évaluation de la pauvreté.
Des indices pour évaluer la pauvreté
Les indices nombreux nous permettent de comparer des situations
temporelles et spatiales. Cependant, des limites sont à prendre en
compte. Un indice ne dit pas tout et quand il a vocation universelle, il ne
rend compte que partiellement d'une réalité territoriale
définie comme peut l'être celle de Seine Saint Denis. Il nous faut
donc bâtir notre propre indice. Ici, la tentation est de le faire par
ceux là-même qui bâtissent les programmes de lutte contre la
pauvreté et concernent les personnes pauvres. Les personnes doivent
être associées dès le début de l'action. «
S'associer avec les personnes » dit le Secours Catholique. Cette phrase
centrale des « axes » de 1996 est fondamentale pour l'action et la
lutte envisagée par la structure. Bâtir les indicateurs avec les
personnes, c'est prendre en compte l'évaluation que font les personnes
de leur propre pauvreté. C'est un chantier à ouvrir au Secours
Catholique. La Banque Mondiale (BM) l'a fait, qui ne pourrait le faire ?
Être à l'écoute des pauvres est une première
étape essentielle. La seconde est de donner place aux pauvres dans la
structure. Le Secours Catholique en parle depuis 21 ans. Il faudra franchir des
barrières.
La place des personnes
Nous avons parlé d'accès et de
potentialités. Les pauvres n'ont pas aujourd'hui accès au Secours
Catholique et leurs potentialités ne sont que difficilement reconnues
pour plusieurs raisons. L'une d'entre elle est que cela nous renvoie à
notre propre vulnérabilité. Nous voulons rester riche et eux
pauvres, nous bénévoles et eux accueillis. Ces clivages rassurent
et encadrent l'action. Quant un évêque d'un pays du Sud ose dire :
« C'est le problème de la richesse qui crée celui de la
pauvreté ! »63, nous sommes déstabilisés
car pris de revers. La
63 Mgr Aldo M. Etchegoyen, dans Dial , Lyon, N° D 2508,
15-31 Octobre 2001.
place des personnes n'est pas facile à faire car c'est un
retournement, un changement de méthode, de stratégie et de
culture. C'est passer de la préoccupation de l'autre à la
sollicitation. L'autre n'est plus à la périphérie mais au
centre de l'action. Il n'y a d'ailleurs plus centre et périphérie
mais être ensemble à lutter pour un monde plus juste.
Un travail en réseau de partenaires
Dans cette direction,un travail sur la mise en réseau
national et mondial est une piste à construire. Le Secours Catholique
est une association qui peut, de part sa taille et ses finances, se suffire
à elle-même. Le travail en réseau est gage de prise de
recul, de partenariat, d'actions démultipliées et
questionnées quant à sa pertinence aux yeux d'autres structures.
Le partenariat doit être envisagé à l'image de la place des
personnes, en « s'associant avec ».
Les personnes au centre du changement
Les difficultés et ouvertures des acteurs du Secours
Catholique face aux personnes pauvres nous ont révélé que
la place de la personne est source de changement ; passer du chiffre à
la méthode employée, de la toute puissance au compagnonnage, de
la responsabilité prise sur soi à la responsabilisation
accompagnée. Tous ces changements nous font percevoir un monde plus
juste et fraternel. Il restera des actions à mener pour l'accès
des personnes à un capital humain suffisant pour donner des
potentialités tout en prenant en compte les
vulnérabilités. Tout ceci se fera dans le but d'un autre
monde.
Définir un monde juste
Nous finirons notre mémoire par cette question : «
Qu'est-ce qu'un monde juste ? » Si tous les acteurs du Secours Catholique
réunis lutte contre la pauvreté et l'exclusion en
renforçant les capacités des personnes, c'est pour un monde plus
juste. Mais quel est ce monde juste ? Comment définir cette justice ? Le
Secours Catholique aurait bénéfice à se poser cette
question centrale. Non pas seulement dénoncer les
inégalités mais avancer des pistes de la construction d'un monde
juste. Nous pouvons dire que l'accessibilité de tous aux besoins
essentiels est une première pierre à l'édifice mais selon
quels processus ? Nous parlons d'un autre monde possible mais quel est-il ?
Cette réflexion construite avec les personnes, avec leurs mots, peut
être une piste forte de sens et d'engagement vers un monde juste. Ce ne
sera pas un monde parfait au sens où il n'y aurait plus de pauvres mais
un monde où les personnes auront leur place et seront entendues pour ce
qu'elles sont, des êtres humains. Il restera alors à
conceptualiser le rapport justice-charité. Tout un programme, non pas
pour le Secours Catholique, mais ses acteurs multiples et variés.
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