II.2-9-Une invitation à concevoir autrement
l'évaluation
Freinet ne tarit pas de reproches à l'endroit de la
conception traditionnelle de l'évaluation. Homogénéisante
et centrée sur le « par coeur », cette conception favorise les
forts en thème, les premiers de classe, alors qu'elle induit
insidieusement chez les moyens et les faibles un dangereux sentiment
d'infériorité. Freinet s'était attaché à
l'idée que les élèves ne subissent pas
l'évaluation, mais plutôt qu'ils y participent activement. Il
voulait que le contrôle reflète précisément leurs
progrès tout en étant le plus juste et le plus impartial
possible. La participation des élèves au processus en cautionne
l'équité tout en favorisant un retour réflexif sur les
productions rendues.
II.2-10-Une invitation à concevoir autrement le
rôle de l'enseignant
Il est souhaité que celui-ci délaisse son
statut d'expert et d'autorité et qu'il s'emploie à mettre en
oeuvre une nouvelle forme de collaboration avec les élèves. La
classe doit progressivement devenir une communauté d'apprentissage au
sein de laquelle l'enseignant est désormais invité à agir
comme accompagnateur, guide et médiateur entre l'élève et
les savoirs. Ici encore, des liens assez étroits peuvent être
tissés avec ce que Freinet souhaitait qu'il advienne du rôle des
éducateurs lors d'une autre transition historique qui, celle-là,
ne s'est jamais véritablement achevée, à savoir celle
devant mener de la pédagogie traditionnelle à la pédagogie
nouvelle. En effet, Gauthier et autres (1998) constatent que :
« L'enseignement dispensé dans la
majorité des écoles continue de présenter une couleur
générale plutôt traditionnelle à laquelle se
superposent quelques teintes innovatrices. Il y a sans doute de nombreuses
raisons à cela et peut-être, il faut l'avouer, un sorte de sagesse
dans le scepticisme et la résistance des enseignants à chambarder
complètement leurs façons de faire et à adopter, sans coup
férir, les approches pédagogiques à la mode. »
Freinet voit l'instituteur comme devant travailler à parfaire
continuellement, individuellement et coopérativement l'organisation
matérielle et la vie communautaire de son école : permettre
à chacun de se livrer à un travail-jeu répondant au
maximum à ses tendances et à ses besoins vitaux; diriger
éventuellement, aider efficacement, sans rogne ni inutiles gronderies,
les petits travailleurs en difficulté; assurer en définitive dans
son école le règne souverain et harmonieux du travail (Freinet,
1960).
II.2-11-Une invitation à concevoir autrement le
rôle de l'élève
Les développements précédents montrent
bien que dans la perspective de la pédagogie Freinet, l'engagement actif
des élèves dans un travail à leur mesure signifiant et
proche de leurs centres d'intérêt est l'une des premières
préoccupations du maître. On peut le résumer en ces
termes : l'enfant est au centre de sa propre éducation et il est le
premier responsable de la construction de ses savoirs parce que ceux-ci
relèvent directement de son activité et de ses interactions avec
la tâche à exécuter et les différents
éléments de son contexte. La pédagogie de Freinet qui
s'inscrit dans le courant de la pédagogie nouvelle et la réforme
actuelle de l'éducation ont une étroite parenté
d'esprit.
Un regard rétrospectif sur la dynamique des changements
en éducation permet d'anticiper que la transition entre «
l'ancienne » et la « nouvelle » approche rencontrera de la
résistance. Pour faciliter ce passage, il faut, bien entendu, consentir
des ressources adéquates pour la formation des enseignants, mais il
apparaît aussi nécessaire de les convaincre que tous les moyens
d'intervention qui, jusqu'à aujourd'hui, rendaient leur enseignement
efficace sur le plan des apprentissages effectués par les
élèves ne sont pas subitement tombés en
désuétude avec l'avènement de la réforme. Comme
Freinet l'avait déjà signalé, c'est davantage le point de
vue des éducateurs que les moyens d'intervention pédagogiques
qu'il faut changer, car une technique de l'école traditionnelle peut
fort bien s'intégrer à nos conceptions si elle permet et facilite
les formes de travail que nous préconisons .
|