II.2-8-Une gestion de classe décentralisée,
dynamique et interactive
Comme nous l'avons progressivement esquissé jusqu'ici,
le rapport entre l'enseignant et les élèves se modifie dans la
pédagogie Freinet. Cette modification s'exprime tout d'abord par la
décentralisation d'une partie du processus de gestion de la vie courante
notamment par l'entremise du conseil de classe. Elle s'exprime ensuite par le
recours à une pédagogie à la fois plus active et plus
interactive. L'enseignant délaisse le modèle d'enseignement
« magistrocentré » et fait davantage appel à des
projets signifiants réalisés de manière collective. En ce
sens, la construction des compétences devient une oeuvre non seulement
individuelle, mais aussi collective, profitant de la confrontation des
idées, de l'observation et de l'initiative des pairs ou du maître.
L'adoption d'une telle forme d'enseignement n'est pas sans se répercuter
sur le climat pédagogique comme en témoigne la citation qui suit.
« Nous n'assurons plus cet ordre silencieux qui domine
l'assemblée des fidèles à l'église, et qu'une jambe
heurtant le banc, l'entrée bruyante d'un nouveau venu, ou un simple
éternuement troublent profondément. Nous aurons l'ordre de
l'usine de travail. Vous entrez dans le grand hall et vous êtes d'abord
comme étourdis par le va-et-vient des ouvriers, par le mouvement en
apparence anarchique des machines. Et pourtant, tout est si bien ordonné
dans cet ensemble» (Freinet, 1960 : 267).
Toutefois, cette pédagogie, qui compte sur une plus
grande participation et un engagement plus intense des élèves
dans le développement d'habiletés cognitives,
métacognitives et sociales ainsi que d'attitudes et de comportements
contribuant à leur apprentissage ne crée-t-elle pas un stress
certain sur la gestion de classe ou, plus particulièrement, sur la
gestion disciplinaire ? S'il faut en croire Freinet lui-même, tout
réside dans la rigueur dont les enseignants font preuve sur le plan
organisationnel. Dans L'éducation du travail (1960: 267), il
affirme que : « Dans la mesure où nous aurons organisé
le travail sans l'asservir cependant à aucune chaîne
mécanique, nous aurons résolu du même coup les
problèmes majeurs de l'ordre et de la discipline; et non pas d'un ordre
et d'une discipline formels et superficiels, qui ne se maintiennent que par un
système de sanctions prévu comme une camisole de force qui
pèse autant à celui qui subit qu'au maître qui
l'impose. »
Aux yeux des tenants de la pédagogie Freinet, ce sont
les besoins et le degré de motivation qui permettent le plus de
distinguer les élèves entre eux. Dans cet esprit,
l'efficacité d'un enseignement collectif généralisé
n'est pas sans leur apparaître tout à fait relative et tend
à renforcer l'intérêt intrinsèque de la
pédagogie du projet. Si cette manière d'envisager l'apprentissage
permet de mieux répondre aux centres d'intérêt des
élèves, elle contraint néanmoins l'enseignant à
réviser la façon dont il intervient auprès d'eux. La
flexibilité dans l'organisation du travail est de mise. Le plan de
travail est l'une des techniques mises au point par Freinet pour
contrôler l'accomplissement des tâches par les
élèves.
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