II.2-REVUE DE LA LITTERATURE
Il s'agit ici de déterminer l'état des
connaissances sur la prise en compte des méthodes actives ou plus
précisément de la nouvelle approche pédagogique dans le
système d'enseignement du Cameroun. Avant de présenter
l'état de la littérature sur la question au Cameroun, il nous
revient de prime abord de parcourir les travaux qui ont été
réalisés par des auteurs majeurs dans d'autres régions du
monde sur les méthodes actives.
II.2-1- La reconnaissance de l'enfant selon
Rousseau
Des sources fiables et concordantes présentent Jean
Jacques Rousseau comme l'un des pionniers de l'éducation qui a
donné naissance aux méthodes actives. Comme le fait remarquer
Gaston Mialaret (1969 : 24), «Rousseau, qu'on s'accorde à
reconnaître comme le premier théoricien de ces conceptions, et qui
s'est développée d'abord par l'action méritoire de
pionniers isolés et courageux, puis diffusé de plus en plus
largement dans la pratique scolaire et jusque dans les attitudes familiales,
qu'on donne le nom d'éducation nouvelle. ».
Rousseau a exercé et exerce encore sur les
pédagogues et sur les philosophes une véritable fascination. Ses
idées sur l'éducation paraissent avoir un certain rapport avec
celles de Sénèque, de Montaigne ou de Locke mais elles sont, en
fait, situées dans un éclairage philosophique profondément
original. Rousseau cherche à accompagner son élève tout au
long de cet état privilégié que constitue l'état de
nature elle -même. D'où l'apparition, dans le processus
éducatif, de deux valeurs qui se révèlent encore
aujourd'hui comme « nouvelles » : le
respect de la situation d'enfance et la connaissance des caractères qui
définissent cette situation par rapport à celle de l'adulte.
Reconnaître l'enfance en tant que telle. Parlant
d'Emile, Rousseau dit qu'« il ne doit être ni bête, ni
homme, mais enfant ». On a chez Rousseau une reconnaissance de la
spécificité de l'enfance à une époque
où l'on voit encore l'enfant comme un adulte en miniature.
- Laisser mûrir l'enfance. Voir l'enfance comme le
sommeil de la raison, laisser du temps à l'enfance, voir les
activités des enfants, non comme des formes d'oisiveté, mais
comme autant de mises progressives en éveil. Laisser peu à peu
s'éveiller la raison en l'enfant, et aider à cet éveil,
l'accompagner. Idée de l'art d'éduquer comme savoir perdre son
temps. Laisser du temps à l'enfant pour qu'il réalise ses
expériences, construise des connaissances.
Rousseau (1966) sur la connaissance de l'enfant
montre qu'on ne connaît point l'enfance : sur les fausses idées
qu'on en a, plus on va, plus on s'égare. Les plus sages s'attachent
à ce qu'il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que
les enfants sont en état d'apprendre. Ils cherchent toujours l'homme
dans l'enfant, sans penser à ce qu'il est avant que d'être homme.
Voilà l'étude à laquelle je me suis le plus
appliqué, afin que, quand toute ma méthode serait
chimérique et fausse, on pût toujours profiter de mes
observations. Je puis avoir très mal vu ce qu'il faut faire ; mais je
crois avoir bien vu le sujet sur lequel on doit opérer. Commencez donc
par mieux étudier vos élèves ; car très
assurément vous ne les connaissez point.
II.2-2- Devenir homme par l'éducation
Pour Kant, tout comme pour Rousseau, l'homme est la seule
créature qui doive être éduquée. N'étant pas
dirigé par l'instinct, en effet, il doit conquérir par la culture
ce que la nature lui a refusé. Le développement simplement
naturel de l'homme ne lui permettrait pas de devenir humain. L'homme ne peut
devenir homme que par l'éducation. Il n'est que ce qu'elle le fait. Il
est à remarquer qu'il ne peut recevoir cette éducation que
d'autres hommes qui l'aient également reçue. L'éducation
est donc ce qui, à travers l'intervention d'autres hommes,
eux-mêmes éduqués, permet à l'homme de devenir
humain, de s'humaniser.
L'éducation est le moyen de ce devenir - le
médiateur dirait-on volontiers aujourd'hui. C'est l'homme qui est la
finalité de l'éducation, ce qui veut dire que celui qui
éduque agit au nom d'une certaine idée, d'une certaine image de
l'homme. C'est donc la question des valeurs qui est ici centrale. C'est en ce
sens qu'on pourrait dire qu'éduquer c'est rendre meilleur. L'homme
étant ainsi au centre de l'éducation, l'enfant qui
préoccupe l'éducateur doit pouvoir parvenir à
établir un équilibre entre l'aspiration à la
liberté et la contrainte. C'est la raison pour laquelle un des plus
grands problèmes de l'éducation est le suivant : comment unir la
soumission sous une contrainte légale avec la faculté de se
servir de sa liberté ? Car la contrainte est nécessaire : mais
comment puis-je cultiver la liberté sous la contrainte ? Je dois
habituer mon élève à tolérer une contrainte pesant
sur sa liberté, et en même temps je dois le conduire
lui-même à faire un bon usage de sa liberté. Sans cela tout
n'est que pur mécanisme et l'homme privé d'éducation ne
sait pas se servir de sa liberté.
II.2-3- Apprendre par l'action avec Dewey
Apprendre par l'action est un aspect central du pragmatisme de
Dewey. L'expérience est considérée comme le fil conducteur
de l'éducation, dans sa capacité à tisser des liens entre
le savoir et le faire, la pensée et l'action, l'esprit et le corps,
l'héritage du passé et la prospection de l'avenir. Il
conçoit l'éducation comme une reconstruction continuelle de
l'expérience.
Son deuxième principe constitutif de
l'expérience dans sa dimension éducative est celui d'interaction
: « une expérience est ce qu'elle est à cause de la
transaction qui s'établit entre un sujet et ce qui constitue
à ce moment-là son environnement ». Dewey évite
autant que faire se peut un contrôle de ce que font les enfants par
l'imposition d'une autorité extérieure. Il tend à y
substituer une forme d'autorité qui soit partie prenante des situations
de vie et d'activités. Mettre en place des situations d'apprentissages
et des activités de façon à ce que les procédures
de contrôles de ce que fait tel ou tel enfant réduise au minimum
les interventions autoritaires du maître. Ceci différencie
l'école nouvelle de l'école traditionnelle :
- Dans l'école traditionnelle, le maître fait la
discipline, celle-ci étant l'une de ses attributions ;
- dans l'école nouvelle la discipline résulte de
la participation commune au travail. Du coup, pour Dewey (1975 : 41-84),
c'est la nature du travail proposé aux élèves qui est la
source première de la discipline. Ce travail apparaît comme une
entreprise sociale à laquelle les élèves contribuent et
dont ils se sentent responsables. « Le principe pédagogique de
l'intérêt exige que les sujets eux-mêmes soient choisis en
tenant compte de l'expérience de l'enfant, de ses besoins et de ses
fonctions ; il exige encore que (au cas où l'enfant n'aperçoit ou
n'apprécie pas cette connexion) le maître lui présente les
connaissances nouvelles de manière qu'il en saisisse la portée,
en comprenne la nécessité et voie ce qui les relie à ses
besoins. C'est en amenant l'enfant à prendre conscience de
lui-même en présence d'un sujet nouveau qu'on a vraiment
réussi à rendre ce sujet intéressant et profitable. (...).
On dit souvent que la doctrine qui fonde l'éducation sur
l'intérêt substitue le caprice, l'expérience
grossière et désordonnée de l'enfant à
l'expérience exercée et mûrie de l'adulte. Ce que nous en
avons dit remet les choses au point. L'enfant possède naturellement des
intérêts dus en partie au degré de développement
qu'il a atteint, en partie aux habitudes qu'il a acquises et au milieu dans
lequel il vit. Ces intérêts sont relativement incultes, instables,
transitoires. Pourtant, ils représentent tout ce qui est important pour
l'enfant; ils sont les seules puissances auxquelles l'éducateur puisse
s'adresser; ils sont des points de départ, ce qu'il y a chez l'enfant
d'actif, d'initiateur. [...] Le véritable pédagogue est
précisément celui qui, grâce à sa science et
à son expérience, est capable de voir dans ces
intérêts non seulement des points de départ pour
l'éducation, mais des fonctions qui renferment des possibilités
et qui mènent à un but idéal. »
II.2-3- Développer le self-government
Comme Dewey, Claparède constate que dans une
société adulte qui s'est démocratisée subsiste une
école à caractère autocratique. Dans une classe, la
plupart du temps les élèves sont isolés,
séparés les uns des autres, tant mentalement que socialement. Et
ce n'est pas l'introduction d'un enseignement civique qui parviendra à
corriger les effets de ce fonctionnement anti-démocratique. Fruit d'une
série d'actions et de réactions entre les individus, le
développement du sens social implique communication, entraide,
coopération, collaboration et intérêt mutuel.
L'autorité ne se présentera plus comme quelque chose d'arbitraire
qu'on impose aux enfants de l'extérieur, mais comme un moyen de
réguler la vie collective. C'est dans cette perspective qu'il
préconise le self-government. Cette conception de
l'éducation et de l'enseignement veut prendre l'enfant pour centre des
programmes et des méthodes scolaires.
Dans cette perspective, les maîtres :
- n'auront plus pour tâche principale de transmettre des
connaissances en s'adressant à tous les élèves d'une
classe ;
- ils auront à stimuler l'intérêt des
enfants, à éveiller leur curiosité, leurs besoins moraux
et intellectuels.
C'est le psychologue genevois Edouard Claparède
qui, dès 1905, parle de « révolution
copernicienne ». Au temps de l'enseignement traditionnel,
écrit-il, le programme était au centre, et l'élève
tournait autour. Il s'agit maintenant, au temps de l'éducation
fonctionnelle, d'inverser les positions et de placer l'élève au
centre. Claparède tente de théoriser cette renverse. Il remonte
l'origine de la pédagogie qui met l'élève au centre de
l'éducation de Montaigne à Rousseau, de Comenius à
Pestalozzi un groupe d'auteurs qui militent pour la cause des enfants.
Claparède trouve chez Dewey un appui à ses
propres réflexions pour une éducation qu'il qualifie de
« fonctionnelle» : «C'est en 1911(...)
que j'ai utilisé cette expression (...) c'est celle qui prend le besoin
de l'enfant, son intérêt à atteindre un but, comme levier
de l'activité qu'on désire éveiller chez lui»,
(Houssaye p.365).
Ferrière se sert de ces expériences
pédagogiques pour appeler de tous ses voeux « une
école active » où sont en activité
« des communautés d'enfants ». Quant
à Coussinet « une méthode de travail libre par
groupe » est davantage indiquée. Tandis que chez Freinet,
c'est « l'expérience existentielle » qui
peut permettre aux enfants d'être réellement en activité,
(Houssaye, 1995 :365).
II.2-4-Montessori : aider l'enfant à faire
seul
Deux idées maîtresses traversent l'oeuvre de
Montessori (1935) : l'éducation pour la vie, et l'enfant
constructeur de l'homme : l'enfant est la partie la plus importante de la
vie de l'adulte. Il est le constructeur de l'homme. Elle montre que l'enfant
est l'ouvrier du développement de sa propre personnalité, et que
les adultes ont à aider à ce développement notamment en
aménageant son environnement matériel et social, non en vue de le
façonner mais afin de créer les conditions favorables à
l'actualisation de ses potentialités.
Héritage direct de la philosophie des Lumières,
un principe de liberté est à la base de ses pratiques
pédagogiques. Chez elle, plus encore que chez d'autres artisans de
l'éducation nouvelle, c'est l'enfant devenu le centre de
l'activité, qui apprend tout seul, libre dans le choix de ses
occupations et de ses mouvements.
Pour Montessori, c'est principalement l'activité
individuelle qui stimule et développe, mais les pratiques
socialisées, les échanges entre enfants nourrissent
l'activité individuelle et jouent un rôle important dans la
construction de soi et la socialisation.
S'agissant de la 1e période du développement de
l'enfant (0-6 ans), elle montre l'importance de l'intelligence sensible qui
favorise la découverte et l'exploration du monde. L'originalité
de cette période tient à « l'esprit absorbant de
l'enfant », cette capacité qu'il a d'assimiler les
éléments de son milieu de vie. D'où son choix de mettre
ensemble des enfants de 3 à 6 ans afin de favoriser le
développement de leur sens social et de l'aide mutuelle. « ...
les deux pivots sur lesquels gravite la pédagogie moderne : l'un est
l'étude et la formation de la personnalité (c'est-à-dire
la connaissance de l'enfant dans ses caractéristiques propres), pour le
diriger ensuite selon ses tendances reconnues ; l'autre est l'obligation de
laisser l'enfant libre. C'est la vieille question de la liberté dont
l'origine remonte, en France, à J.-J. Rousseau, son précurseur
théorique.[...] l'enfant lui-même demande à
l'adulte-serviteur d'être aidé, en lui disant : « Aide-moi
à agir seul », (Houssaye 1995:146-150).
II.2-5- Célestin Freinet et la nouvelle approche
pédagogique
C'est l'évolution conceptuelle attribuable à des
recherches contemporaines conduites dans plusieurs domaines, qui ont
transformé considérablement la représentation que nous
avions encore récemment de l'activité des enseignants, de celle
des élèves, mais aussi des objets mêmes de l'apprentissage
scolaire. S'il est indéniable que certains changements apportés
sont majeurs, cette réforme n'est pourtant pas sans laisser une vague
impression de « déjà vu ». La
rhétorique utilisée par ses plus farouches défenseurs peut
rappeler celle qu'ont utilisée les tenants de la pédagogie dite
nouvelle lorsqu'ils cherchaient à discréditer la pédagogie
traditionnelle. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît
raisonnable d'admettre que nous vivons la nouvelle phase d'une
révolution historique qui a commencé à secouer les bases
de la tradition pédagogique sans toutefois la faire s'écrouler
entièrement. Par ailleurs, cette révolution pédagogique
amorcée a véhiculé jusqu'à aujourd'hui des
conceptions et des moyens d'intervention pédagogiques dont la
pérennité serait attribuable au fait qu'ils relèvent
davantage d'un esprit, que d'une approche ancrée dans un cadre
théorique ou dans un courant pédagogique précis. Prenant
comme position de départ que la réforme actuelle des programmes
s'abreuve abondamment à la source de la pédagogie nouvelle et
qu'elle constitue dans les faits un de ses prolongements historiques, il est
intéressant de déterminer et d'analyser les points de rencontre
entre elles à partir.
II.2-5- Célestin Freinet : quelques repères
biographiques
L'expérience de l'existence l'a conduit à
réfléchir sur sa pratique et, plus largement, sur la
pédagogie même. Déjà fortement influencé par
la pédagogie nouvelle en émergence depuis la fin du
XIXe siècle et imprégné des idées de
plusieurs pédagogues s'inscrivant dans ce mouvement, Freinet se forge un
discours en rupture avec la pédagogie traditionnelle qu'il va même
jusqu'à qualifier de pédagogie de mort car, croit-il, celle-ci
tue le désir de l'élève et ne fait que du travail en
surface. Non réductible à un simple renversement de
méthode, la pédagogie de Célestin Freinet a aussi
convié les éducateurs du XXe siècle à un
véritable renversement des valeurs ainsi que des conceptions de
l'enseignement et de l'apprentissage.
II.2-6- Pédagogie nouvelle ou nouvelle
pédagogie ?
La pédagogie nouvelle n'est pas un courant
homogène puisque s'y côtoient des approches relevant de divers
courants en éducation. Il est néanmoins possible de
dégager quelques convergences :
-premièrement, toutes les écoles de
pensée s'entendent pour condamner, souvent de manière
caricaturale, parfois avec une virulence exacerbée, la pédagogie
traditionnelle ;
-deuxièmement, la pédagogie nouvelle a pour
objet de contribuer au développement moral du citoyen ;
-troisièmement, elle se caractérise par sa
centration sur l'enfant, sur ses besoins et sur son développement
personnel ; quatrièmement, la pédagogie nouvelle propose de
recourir à des méthodes qui conduisent l'enfant à
apprendre par son engagement entier dans des activités.
Les valeurs prédominantes de la pédagogie
Freinet sont la coopération, l'expression, la communication, la
démocratie et la responsabilisation. Freinet fait résolument le
choix de la coopération par opposition à une approche
compétitive qui, selon lui, a l'effet pervers de limiter le
développement des enfants puisqu'il les oblige à se priver des
ressources de l'autre. L'établissement d'un climat de coopération
dans la réalisation des activités de la classe conduit les
élèves à devenir tour à tour des ressources pour
les autres en mettant à profit leurs compétences respectives.
À travers l'idée de coopération, c'est également
celle d'interdépendance qui se dessine puisqu'en travaillant au meilleur
développement d'un compagnon de classe, c'est éventuellement
à l'amélioration de son propre développement que l'on
travaille.
Pour Freinet, l'enfant est un sujet social poussé par
le désir de s'exprimer et de communiquer. La communication et
l'expression sont, à ses yeux, des outils de libération parce
que, d'une part, la communication et l'expression sont des moyens pour
l'individu d'exprimer son unicité et d'en prendre conscience et, d'autre
part, parce que l'accent mis sur l'expression était aussi pour lui une
manière de donner une voix aux enfants issus des classes sociales
inférieures, une voix qui leur permettrait de participer activement
à la gestion de la vie communautaire et sociale plutôt que de la
subir.
Critiquant avec virulence l'éducation traditionnelle
qu'il qualifiait (un peu à la manière de Rabelais et
d'Érasme quelques siècles plus tôt) de « scolastique
», Freinet était soucieux d'instaurer un fonctionnement
démocratique et responsable dans sa gestion des affaires scolaires. Ces
valeurs s'incarnent tout entières dans le conseil de classe (conseil de
coopération). Le maître se porte garant du groupe et anime les
discussions, mais il n'est plus le seul dépositaire de
l'autorité, car le conseil en assume désormais une assez large
part. Le conseil de classe fournit un cadre de discussion et de
résolution des problèmes qui contraint les élèves
à rendre des comptes publiquement. Il permet à chacun de
participer, dans un climat de sécurité, à une partie du
processus décisionnel déterminée à l'avance et donc
de faire sa part dans la gestion du fonctionnement du groupe.
Les valeurs de coopération, de solidarité et
d'interdépendance se trouvent sollicitées dans la
compétence transversale d'ordre personnel et social «
Travailler en coopération »; l'expression et la
communication sont développées à l'intérieur de
certaines compétences; la démocratie et la responsabilisation
sont des valeurs abordées directement dans le domaine
général d'expérience de formation Vivre-ensemble et
citoyenneté ainsi que dans les compétences transversales d'ordre
personnel et social. Les valeurs mentionnées plus haut, Freinet les a
investies concrètement dans son oeuvre éducative à travers
des méthodes d'intervention novatrices : les « techniques
Freinet ».
II.2-7- La pédagogie de Freinet au regard de la
centration sur l'enfant et de l'emploi des méthodes actives
Pour Freinet, l'apprentissage n'est pas étranger
à la motivation qu'éprouvent les élèves pour une
tâche, une activité ou un projet. Cette motivation provient d'un
besoin éprouvé, besoin qui en retour fait naître le
désir. Ce désir est porteur d'une grande quantité
d'énergie personnelle que l'enfant est disposé à engager
dans des actions qui l'inciteront à tâtonner. Or, le
tâtonnement est, pour Freinet, un processus universel et « naturel
» de découverte par essais et erreurs par lequel l'enfant interagit
avec son environnement. De ces interactions, il retire des règles de
vie, soit des façons de faire adéquates, éprouvées
par la pratique, agissant en retour sur le niveau d'énergie vitale.
L'apprentissage des règles de vie et l'adaptation subséquente de
l'organisme aux contraintes de l'environnement ne sont possibles que si
l'enfant se montre perméable à son expérience ou, pour
reprendre des idées chères à Piaget, s'il assimile de
nouveaux objets de connaissance à ses schèmes existants et s'il
les modifie devant des objets ou des situations nouvelles. Pour Freinet, il est
présumé que les enfants réaliseront des apprentissages
viables s'ils s'engagent activement dans la réalisation de tâches
signifiantes et appropriées pour leur niveau de développement et
s'ils parviennent à se construire des « règles de
vie » ou compétences durables et mobilisables dans des
situations diverses. Freinet voit les enfants comme des êtres sensibles
à la vie de leur milieu et croit fermement que ces derniers
préfèrent étudier d'abord ce qui les touche de près
ainsi que ce qui a un certain écho dans leur vie quotidienne. Freinet
croit que le travail scolaire doit participer à la fonctionnalisation
des apprentissages scolaires en faisant en sorte que les élèves
s'engagent et apprennent dans le cadre d'activités débouchant sur
des finalités effectives. À cette fin, l'idée de projet
reste à privilégier. Chez Freinet, la pédagogie du projet
se présente sous plusieurs formes : le journal scolaire, l'imprimerie
à l'école, la correspondance scolaire, etc. Le projet
confère une signification aux apprentissages, car il implique de
nombreux tâtonnements, d'abord parce qu'il permet de rencontrer des fins
concrètes et, ensuite, parce qu'il prend pour point de départ les
idées ainsi que les besoins des enfants. Par la mise en marche et la
conduite du projet, on s'attend à ce que les élèves
s'approprient les savoirs et qu'ils développent graduellement les
quelques compétences nécessaires à sa réalisation.
Il est également soutenu que la multiplication des projets permet de
couvrir l'ensemble des objets d'apprentissage ou même de les
dépasser.
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