IV.1-2-1 CONTEXTE D'EMERGENCE
Au tournant du XXe siècle, naît
la réflexion pour une éducation nouvelle, une école
nouvelle aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis : l'intérêt
de l'enfant pour les travaux proposés à l'école devient la
condition d'une réussite immédiate et à long terme. Dewey
(1913 :51) insiste ici sur la nécessaire conjugaison de
l'intérêt et de l'effort. Quand il y a un intérêt
véritable, c'est que le moi s'identifie avec une idée ou un
objet. Si l'effort sans intérêt n'a pas de sens et
réciproquement, la difficulté réside alors dans le choix
des sujets à faire étudier aux enfants le principe
pédagogique de l'intérêt n'a pas exigé que les
sujets eux-mêmes soient choisis en tenant compte de l'expérience
de l'enfant, de ses besoins et des fonctions ». Si d'aventure
l'enfant ne perçoit pas d'emblée l'intérêt du sujet
d'étude, alors naît l'exigence que le maître lui
présente les connaissances nouvelles de manière qu'il en saisisse
la portée, en comprenne la nécessité, ce qui les relie
à ses besoins.
Tous ces pédagogues qui oeuvrent dans la
première moitié du XXe siècle veulent rompre avec la
passivité des élèves et atteindre des finalités
éducatives à travers des activités fondées sur
l'intérêt, l'enthousiasme, l'engagement consenti, l'identification
à des tâches à accomplir par un groupe
d'élèves, autorisant une appropriation plus solide des outils,
des savoirs induits par les programmes institutionnels et une éducation
à des valeurs citoyennes, telles l'autonomie et l'entraide. Les
critiques ne manquent pas et Claparède y répond «On
accuse parfois l'éducation nouvelle d'être révolutionnaire,
anarchiste, internationaliste, que sais-je encore? De vouloir miner la notion
d'autorité. Il n'en est rien...Partout il peut y avoir
intérêt à former des hommes actifs, doués d'une
forte personnalité, et prêts à se mettre au service de
l'intérêt général».
Dans cette perspective, la philosophie devient la discipline
porteuse d'une méthode qui suscite le développement du jugement
de l'élève. En effet, la principale visée de
l'enseignement de la philosophie est de former le jugement de
l'élève et de le rendre aussi exact qu'il puisse l'être et
c'est à quoi devrait tendre la plus grande partie de la formation. On se
sert de la raison comme d'un instrument pour perfectionner la raison.
De l'avis de Dominique Ottavi, on peut retrouver les signes
annonciateurs de la méthode active chez des auteurs comme Pestalozzi,
qui déclare à propos de sa méthode intuitive, que
« sa foi dans l'enfant, foi vive, activée par l'amour, est
sa certitude et sa garantie ». Toutefois, c'est Edouard
Claparède (p.225) qui incontestablement a formulé clairement pour
la première fois que le système éducatif devait graviter
autour de l'enfant. Le recours à l'autorité de
Rousseau lui donne l'occasion de faire la déclaration suivante :
« Le système éducatif gravitant autour de l'enfant,
non plus l'enfant couché bon gré malgré dans le lit de
Procuste du système, voilà la grande révolution qui fait
de Rousseau le Copernic de la pédagogie», (Claparède
p.43).
La pensée pédagogique de Claparède
n'ignore pas la dimension d'une régénération par une
éducation bien menée, mais elle s'oriente vers une réforme
de l'école. A la différence de Pestalozzi, il ne fonde pas sa
pédagogie sur une méthode dont le fondement est anthropologique
et philosophique, mais sur la connaissance psychologique de l'enfant. C'est
pourquoi l'oeuvre de Claparède comporte un double aspect,
théorique et pratique. Il associe à sa pédagogie la
psychologie expérimentale en ce qu'elle se base sur une étude du
comportement de l'enfant. De ce point de vue, ce qui distingue Claparède
de tous ces prédécesseurs, c'est le fait que Montaigne, Rousseau,
Herbart et Pestalozzi avaient bien compris l'enjeu de l'avenir et
dénoncé les limites de l'éducation traditionnelle. Mais
leurs vues manquaient de base scientifique et ignoraient la psychologie
expérimentale. Il se sent plus proche de la théorie
pédagogique de Maria Montessori, même s'il dénonce aussi
son caractère artificiel. En effet, Montessori aurait tendance,
d'après Claparède, à enfermer la spontanéité
du développement dans les exercices et un matériel immuables.
L'idée dominante dans la méthode de Claparède (p.43) est
la suivante « c'est de chaque élève que doit
finalement provenir la pédagogie qui lui convient.».
Les méthodes actives se fondent sur
l'activité de l'enfant. Ce qui revient à dire que l'orientation
pédagogique prônée ici repose sur l'éveil de
l'intérêt de l'enfant. On doit partir de lui en suscitant
l'intérêt et la motivation de ce dernier. C'est cette orientation
qui fonde ce que l'on nomme l'éducation nouvelle dont les tenants sont,
entre autres, Maria Montessori, Ovide Decroly, Célestin Freinet.
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