II LES REPERCUSSIONS DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX
Le blanchiment de l'argent a sur le comportement
financier et la performance macroéconomique un impact qui se manifeste
de plusieurs façons :
A. La déstabilisation du secteur
privé
L'un des effets micro-économiques les plus
graves du blanchiment est ressenti dans le secteur privé. Les
blanchisseurs utilisent souvent des sociétés de façade qui
mêlent le produit d'activités illicites à des fonds
légitimes pour masquer leurs gains mal acquis. Aux États-Unis,
par exemple, le secteur de la criminalité organisée utilise les
pizzerias pour dissimuler les bénéfices provenant du trafic de
l'héroïne. Ces sociétés de façade ont
accès à d'importants fonds illicites qui leur permettent de
subventionner leurs produits et leurs services à des niveaux nettement
inférieurs aux prix du marché.
Dans certains cas, les sociétés de
façade sont en mesure d'offrir des produits à un prix
inférieur au prix de revient, ce qui leur donne un avantage
concurrentiel sur les entreprises légitimes qui obtiennent leurs
capitaux sur le marché financier.
B. L'atteinte à l'intégrité des
marchés financiers
L'intégrité du marché des
services bancaires et financiers dépend fortement du sentiment qu'il
fonctionne dans le cadre de normes juridiques, professionnelles et
déontologiques rigoureuses. En matière d'intégrité,
la réputation est l'un des actifs les plus précieux d'une
institution financière.
Les institutions financières qui comptent sur
le produit d'activités criminelles se heurtent à d'autres
difficultés pour gérer adéquatement leur actif, leur
passif et leurs opérations. Ainsi, de grosses sommes d'argent blanchi
peuvent parvenir à une institution financière puis
disparaître soudainement sans fanfare, grâce à des virements
télégraphiques motivés par des facteurs qui n'ont rien
à voir avec la situation économique du pays, tels que les
activités de la police. Cela risque de poser des problèmes de
liquidité et des ruées sur les banques.
En fait, des activités criminelles ont
été associées à un certain nombre de faillites de
banques à travers le monde, y compris celle de la première banque
sur l'internet, la Banque de l'union européenne. En outre, certaines
crises financières des années 1990 - telles que le scandale de la
Banque de crédit et de commerce international, la BCCI (fraude,
blanchiment et pots-de-vin), ainsi que la faillite, en 1995, de la banque
Barings lorsqu'une combinaison d'opérations risquées portant sur
des produits dérivés menées par un employé d'une de
ses filiales s'est effondrée - avaient d'importantes composantes
criminelles ou frauduleuses.
C. Les effets de distorsion et d'instabilité
économiques
Les blanchisseurs d'argent se préoccupent non
pas d'obtenir un bon rendement de leurs investissements, mais de
protéger leurs gains. C'est pourquoi ils
« investissent » leurs fonds dans des activités qui
ne sont pas nécessairement rentables pour le pays dans lequel se
trouvent ces fonds. En outre, dans la mesure où le blanchiment et la
délinquance financière privilégient des investissements de
faible qualité qui masquent leurs gains, au détriment
d'investissements judicieux, la croissance économique du pays risque
d'en souffrir. Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le
bâtiment et l'hôtellerie sont financés, non pas en
réponse à la demande, mais en fonction des intérêts
à court terme des blanchisseurs de capitaux. Quand ces secteurs cessent
d'intéresser les blanchisseurs, ils les abandonnent, causant leur
effondrement et compromettant gravement l'économie de pays qui ne
peuvent guère se permettre de telles pertes.
D. Impact sur la stabilité
financière
En particulier, l'utilisation des institutions
financières pour le blanchiment d'activités criminelles est de
nature à compromettre gravement la solidité et la
stabilité du système financier.
E. Augmentation les dépenses publiques et effet
corrosif sur la société
Le blanchiment des capitaux entraîne pour la
société des risques et des coûts importants. Il augmente
les dépenses publiques étant donné la
nécessité d'un accroissement des forces de l'ordre et des
dépenses de santé (par exemple pour la désintoxication des
toxicomanes) afin de combattre ses graves conséquences.
De plus, l'ampleur même du pouvoir
économique que confère aux malfaiteurs le blanchiment a un effet
corrosif sur tous les éléments de la société. Dans
les cas extrêmes, il peut même entraîner le renversement du
pouvoir légitime.
Dans un contexte de plus en plus
globalisé, le blanchiment des capitaux pose à la
communauté internationale un problème complexe croissant. Sa
dimension internationale exige incontestablement des normes et une
coopération internationale.
|