III.LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT : UN ENJEU
MONDIAL
Le blanchiment revêt une importance cruciale
pour toutes les formes de criminalité organisée transnationale.
Les capitaux d'origine illégale, également appelés «
argent sale», font de plus en plus l'objet d'une traque à
l'échelle internationale, tout particulièrement depuis les
attentats du 11 septembre 2001.
Le blanchiment d'argent est par essence un
délit transnational, qui non seulement se joue des frontières,
mais les utilise pour brouiller la trace d'opérations financières
successives réalisées à travers le monde.
La coopération internationale est donc
incontournable. Mais cette collaboration ne va pas sans difficultés tant
les différences des ordres juridiques sont parfois grandes. Depuis
quelques années, les organes internationaux contribuent à
harmoniser les structures nationales afin d'améliorer l'entraide
judiciaire mutuelle.
Le début des années 90 a marqué
la naissance d'initiatives internationales pour lutter contre le blanchiment.
Celles-ci ont abouti à des recommandations émises par des
organismes tels que le GAFI (Groupe d'action financière), le
Comité de Bâle ou l'Union Européenne, que l'ensemble des
banques se doit aujourd'hui d'appliquer.
A. Le GAFI
Le GAFI, créé en 1989 lors du sommet du
G7 à Paris afin de mettre au point une action concertée à
l'échelle internationale, est un organisme intergouvernemental qui a
pour objectif de concevoir et de promouvoir des stratégies de lutte
contre le blanchiment de capitaux.
Il regroupe 32 pays et deux organisations
internationales, dont la Commission européenne. La présidence est
tournante chaque année. Le Royaume Uni a pris la présidence en
juillet 2007, le Brésil lui succèdera en juillet
2008.
En 1990, le GAFI a rédigé un plan
d'action contre le blanchiment des capitaux sous forme de 40
recommandations.
1. Les recommandations du GAFI
Les recommandations du GAFI traitent du rôle du
système de justice pénale dans cette lutte, du rôle du
système financier et de sa réglementation ainsi que de la
coopération internationale. Chaque Etat-membre s'est engagé
à mettre en oeuvre ces 40 principes, en fonction de ses propres
spécificités et contraintes.
Une vingtaine de recommandations concerne plus
particulièrement le système financier (banques et institutions
financières non bancaires). Les entreprises doivent notamment:
- identifier tous leurs clients et conserver les
documents appropriés (recommandations 10 à 12)
- déclarer les transactions suspectes
(recommandation 15) et mettre en place des mesures de contrôle interne
(recommandation 19)
- accroître leur vigilance dans toutes leurs
relations avec les pays dont les dispositifs anti-blanchiment sont
défaillants (recommandations 20 et 21).
- Aux termes de la recommandation 16 « Si les
institutions financières suspectent que des fonds proviennent d'une
activité criminelle, elles devraient être autorisées ou
obligées à déclarer rapidement leurs soupçons aux
autorités compétentes ».
2. Révision des 40 recommandations
Ces recommandations ont été
révisées en 2003, afin de faire face à l'évolution
des techniques du blanchiment. Parmi les principaux changements il y a lieu de
noter :
Ø l'élargissement du champ des
infractions sous-jacentes au blanchiment à toutes les infractions graves
;
Ø l'extension des mesures anti-blanchiment aux
entreprises et professions non financières telles que les casinos, les
agents immobiliers, les négociants en pierres ou métaux
précieux, les comptables, les avocats, notaires et professions
juridiques indépendantes, les prestataires de services aux
sociétés et trusts ou structures similaires ;
Ø de plus grandes exigences de transparence
nécessitant l'obtention d'informations pertinentes et à jour
relatives au bénéficiaire effectif des personnes morales telles
que les sociétés, ou des constructions juridiques telles que les
trusts ou structures similaires ;
Ø l'extension des obligations anti-blanchiment
à la lutte contre le financement du terrorisme.
En 2006, le Gafi a également
intégré la lutte contre la corruption dans sa méthodologie
de 2004, base de l'évaluation mutuelle.
3. L'évaluation des dispositifs de lutte contre le
blanchiment
L'évaluation de la mise en oeuvre des
recommandations du GAFI constitue actuellement le point central du travail du
GAFI, à travers le processus d'évaluation mutuelle. Cela permet
notamment d'évaluer l'efficacité des systèmes
anti-blanchiment des pays membres du GAFI.
Concrètement, pour l'ensemble de ces Etats,
l'application des 40 recommandations est contrôlée selon un double
mécanisme :
- un exercice annuel d'auto-évaluation et,
périodiquement,
- une procédure mutuelle, dans le cadre de
laquelle chaque membre fait l'objet d'une évaluation sur place par ses
pairs.
Le GAFI a débuté un troisième
cycle d'évaluations mutuelles de ses membres en janvier 2005.
Ces évaluations se fondent sur les quarante
Recommandations de 2003 et sur les neufs Recommandations spéciales de
2001 portant sur la lutte contre le terrorisme. Les évaluations sont
menées par des équipes d'experts (issus des domaines financier,
juridique ou judiciaire), ainsi que par le Secrétariat du GAFI. Elles
consistent en une visite dans le pays évalué, et dans la mise en
place de réunions avec les gouvernements et le secteur privé dans
un délai de deux semaines. Un rapport est alors rempli, sur la base de
questions et critères standards.
Depuis 2005, 16 pays ont ainsi été
évalués, dont la Chine, la Grèce et le Royaume Uni au 1er
trimestre 2007. L'évaluation de la France est prévue pour
2009.
4. La liste des Pays et Territoires Non
coopératifs (PTNC)
Le GAFI inscrit la liste des PTNC les pays pour
lesquels la vigilance doit être accrue, car ils présentent par
exemple des défaillances dans leurs dispositifs anti-blanchiment ou un
manque de volonté manifeste de coopération. Cette
évaluation s'effectue sur la base de 25 critères.
En 2000, constatant que l'effort international de
lutte contre le blanchiment se heurtait aux pratiques non coopératives
de plusieurs pays et territoires, le GAFI a engagé des travaux sur les
pays et territoires non coopératifs, et publié en juin 2000 une
liste de 15 pays et territoires non coopératifs, identifiant les
déficiences en matière de lutte contre le blanchiment de 14
autres pays.
Depuis octobre 2006, il n'y a plus de pays inscrits
sur cette liste.
5. Le GAFI et la lutte contre le terrorisme
Après le 11 septembre 2001, lors d'une
réunion extraordinaire, le GAFI a étendu sa mission à la
lutte contre le financement du terrorisme.
B. Le groupe EGMONT: L'internationale du renseignement
financier
Le groupe Egmont est né en juin 1995 à
Bruxelles de la volonté des Unités de Renseignement Financier de
disposer d'un forum de rencontre et d'échange d'informations
Bien qu'il n'ait pas, comme le GAFI, de statut
d'organisation internationale, le Groupe Egmont regroupe les unités de
renseignement financier (URF) opérationnelles, comme Tracfin pour la
France, dans un cadre spécifique, indépendant des dispositifs
policiers, judiciaires ou diplomatiques.
En application des recommandations du GAFI,
chargées de recueillir et de traiter les déclarations de
soupçon des institutions financières et de certaines professions,
ont été constituées dans la plupart des pays dotés
d'une législation en ce domaine. Tandis que l'activité de ces
services prenait de l'essor, leurs responsables ont rapidement pris conscience
de la nécessité de pouvoir disposer d'un cadre international pour
résoudre les problèmes concrets de coopération que pose au
quotidien la lutte contre le blanchiment.
Le groupe Egmont, qui compte désormais 58 URF a
réussi depuis sa création à construire un réseau
international d'échange d'informations dont l'objectif est de
développer une coopération internationale pour combattre et
poursuivre efficacement le phénomène mondial du blanchiment
d'argent.
C. Rôle du FMI
Le FMI contribue aux efforts déployés au
plan international de plusieurs manières importantes, qui correspondent
à ses principaux domaines de compétence. En tant qu'institution
de portée quasi universelle, fondée sur la collaboration, le FMI
est tout naturellement une plate-forme pour le partage de l'information,
l'établissement de stratégies communes et la promotion de
politiques et de normes avisées -- armes cruciales de la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En outre, la vaste
expérience que le FMI a acquise à la faveur de ses travaux
d'évaluation du secteur financier, ses concours d'assistance technique
dans le secteur financier et l'exercice de la surveillance des systèmes
économiques des pays membres est particulièrement utile pour
évaluer dans quelle mesure les autorités nationales respectent
les normes LBC/FT internationales et pour élaborer des programmes visant
à les aider à pallier les lacunes recensées dans ce
domaine.
D. Le Comité de Bâle : Les nouvelles
réglementations relatives aux établissements financiers -
La lutte contre le blanchiment connaît un
nouveau souffle, ceci grâce entre autres au groupe de travail du
Comité de Bâle, initiateur d'un document intitulé «
Customer Due Diligence For Banks » (Règles bancaires relatives au
suivi de la clientèle), diffusé en octobre 2001, et dont le
contenu constitue d'ores et déjà une référence
utile aux banques pour améliorer l'exercice de leur vigilance dans ce
domaine, et anticiper de probables évolutions réglementaires. De
plus, Bâle 2 (octobre 2001) recommande aux banques d'identifier le
comportement anormal des comptes clients, de suivre les comptes à haut
risque, et de s'assurer que leur système d'information permet
l'identification, l'analyse et la surveillance des comptes jugés «
à risque ».
Les banques doivent acquérir un très
haut niveau dans la lutte contre le blanchiment. Trois raisons essentielles
justifient ces efforts :
- la morale universelle,
- la sécurité des pays,
- et la réputation qu'une banque met en jeu en
ne prenant pas suffisamment au sérieux ces questions.
Selon Thierry Dingreville, les grandes règles
à suivre pour être efficace en matière de lutte et de
prévention contre le blanchiment peuvent s'énoncer ainsi : know
your Business, know your Customer, know your Employee, know your Supplier. Un
haut niveau de connaissance sur ces questions n'est cependant pas aisé
à obtenir, même avec une forte implication des collaborateurs et
une organisation efficace et décentralisée. Au-delà des
obligations légales, l'objectif principal de cette prévention
réside dans la connaissance affinée des clients « sensibles
». Pour être améliorée, la prévention
anti-blanchiment nécessite de plus en plus des bases de données
spécifiques, dont celles des personnes politiquement exposées :
les PEPs (Political Exposed Persons). De plus, elle doit s'appuyer sur un
système informatique qui analyse en finesse le fonctionnement des
comptes : synthétise les mouvements et détecte les comportements
anormaux, comme les dépôts d'espèces
importants.
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