L'organisation de la société industrielle du
XIXème et de la première moitié du
XXème était dominée par le taylorisme et le
fordisme. L'industrie produisait en masse des produits standardisés pour
des marchés de premier équipement et le public qui
découvrait la consommation achetait ce qu'on lui proposait. Nous
étions dans une « économie de l'offre ». L'organisateur
pouvait donc, naturellement prescrire les tâches à effectuer dans
le détail et traiter les salariés comme de purs
exécutants.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des
marchés, pour l'essentiel, de rééquipement (du moins dans
les pays développés) et donc à des clients avertis, dans
une situation de concurrence exacerbée. Du point de vue des sciences de
la gestion, les conditions de la production et de la performance en sont
transformées. Elles ne tiennent plus, seulement aux économies
d'échelles que permettait la production de masse d'objets
standardisés mais à la capacité à adapter
l'activité au plus près des variations quantitatives et
qualitatives de la demande. La flexibilisation des outils de production
liés à la robotisation permet de réaliser des
séries courtes et d'alterner les productions en fonction de la demande.
Les rôles respectifs des directions, de l'encadrement et des agents sur
le terrain en sont profondément affectés. Le pilotage par l'aval,
ce que les organisateurs appellent « une gestion en flux tiré
», tend à se substituer aux
modalités antérieures d'organisation (en «
flux poussé »). Nous sommes, à présent, dans «
une économie de la demande ». Le rôle de l'encadrement a
fondamentalement changé, de ce fait. Il doit moins s'attacher à
prescrire la tâche, qu'à prescrire des objectifs et viser à
la mobilisation de la subjectivité (CLOT, 1998, p. 8) des
salariés, tout en étant lui-même soumis à cette
même logique.
Ces derniers se retrouvent donc sous la double pression
directe de la hiérarchie pour l'évaluer et gérer son
contrat de travail et celle du client, du patient ou de l'usager qui va
déterminer pour l'essentiel, le rythme et le contenu de son travail. La
proportion de salariés dont le rythme de travail dépend d'une
demande extérieure obligeant une réponse immédiate passe
de 28 % en 1984 à 55,4 % en 2003. Et il faudrait ajouter les 28 % dont
l'activité dépend immédiatement de la demande de
collègues (DARES, 2006). LORIOL a bien montré (2000), les liens
existants entre contraintes et douleurs physiques et le manque de
reconnaissance ressenti dans « la construction sociale de la
fatigue ».
Nous sommes dans une ère d'un nouveau «
productivisme réactif » comme le dit Philippe ASKENAZY
(2005). Les nouvelles formes d'organisation des entreprises renforcent
l'autonomie des salariés. Les entreprises font plus que par le
passé appel à l'initiative de leurs salariés pour mieux
répondre à la demande de leurs clients et pour améliorer
leur productivité. La contrepartie de cette plus grande
responsabilisation et de cette plus forte implication dans l'entreprise est un
accroissement relatif de la charge mentale au travail (HAMON-CHOLET et
ROUGERIE, 2000). Cette charge apparaît comme le coût d'un certain
enrichissement du travail et elle n'est pas nécessairement le signe
d'une dégradation des conditions de travail.
Cependant, les dernières enquêtes sur les
conditions de travail font état, entre 1991 et 1998, d'une augmentation
générale des facteurs de pénibilité mentale et
psychologique, alors même que les pénibilités physiques
n'ont pas régressé. L'intensification des rythmes de travail en
est le principal facteur. Or la progression de la pénibilité
mentale au travail naît principalement du cumul de ces contraintes.
L'intensification des rythmes de travail contrarie, alors, les effets
bénéfiques d'une plus grande autonomie des salariés.
Partout le travail évolue sur le modèle du
service. Ce qui fait dire à Philippe DAVEZIES que nous sommes à
l'ère de la « serviciarisation du monde du travail »
(2003)..
Le commerce et, plus particulièrement, la grande
distribution, ont joué dans ce sens, un rôle déterminant,
comme nous le verrons dans le prochain chapitre.
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Nous avons adopté un cadre théorique
qui s'appuie sur une démarche pluridisciplinaire, regards
croisés, entre analyse économique héterodoxe et
critères de gestion alternatifs, apports de la psychodynamique du
travail sur les évolutions des organisations dans l'entreprise et
travaux de la sociologie du travail sur les évolution de la protection
sociale, les statuts sociaux et leurs relation contractuelles.
Cette démarche, nous semble nécessaire
à la différenciation du travail et de l'emploi, tout comme
à la compréhension des interactions entre facteurs et acteurs de
la santé au travail et à l'interprétation du
phénomène d'absentéisme maladie et d'accidentéisme
qui constitue le point de départ de notre recherche.
Les nouvelles organisations du travail, liées
aux exigences de rentabilité des marchés financiers et à
la « serviciarisation de l'économie », conduisent à une
modification de la prescription qui substitue les objectifs à la
description des tâches.
Cette modification se traduit par une
responsabilisation accrue des salariés, avec un cumul croissant de
contraintes physiques et mentales, à la base d'un cercle vicieux de
dégradation des conditions de travail.
Cette dégradation est aggravée par un
contexte de déréglementation du travail qui conduit à un
travail de moins en moins reconnu organisé entre « sur-travail
» et « sous-emploi ».
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Le premier grand magasin crée en 1824 :
La belle Jardinière fera sa fortune grâce à
la fourniture d'uniformes aux grandes entreprises et à l'habillement des
couches moyennes parisiennes.
Man ufrance à SaintEtienne à la
fin du XIXème
siècle.
Le premier magasin Casino à Saint Etienne en 1898, dans
les locaux de l'ancien casino lyrique... !