On peut s'interroger sur la motivation des comportements des
salariés dans l'utilisation des droits mis à leur disposition
pour préserver et améliorer leur santé dans un contexte de
gestion de la tension entre travail et santé. Dans ce sens, il
paraît utile de se demander, si ces comportements répondent aux
lois de la rationalité économique des théories
néoclassiques. Correspondent-ils à une organisation des moyens
disponibles en vue d'atteindre ses buts répondant ainsi, à une
rationalité substantive ou dans les procédures utilisées
dans le cadre d'une rationalité procédurale ou limitée au
sens de SIMON (GUERRIEN, 2005, p.430) ?
Si nous empruntons à Amartya SEN la définition
de la rationalité, comme « la nécessité de
soumettre ses choix aux exigences de la raison » (SEN A. 2002, p.
14), on mesure toute la difficulté à définir ce qui
relèverait de « la raison » en matière
d'absentéisme et d'accidentéisme au travail. On se trouve devant
un problème similaire lorsqu'on utilise des définitions plus
restreintes. Cette difficulté tient dans la multiplicité des
facteurs qui interviennent dans le choix devant être effectué et
par conséquent, dans l'échelle des préférences
associée à l'appréciation de ces facteurs et à leur
hiérarchisation :
· Acceptation de la maladie et des représentations
qui s'y attachent (faiblesse, hérédité, etc.).
· Visite chez le médecin et nature de la
prescription médicale.
· Possibilité de contrôle de la
Sécurité sociale et de l'employeur (au travers d'une entreprise
spécialisée).
· Conséquences possibles sur le plan assuranciel
(assurance vie, garantie de solvabilité pour un emprunt éventuel,
etc.).
· Image renvoyée aux collègues, à
la hiérarchie, à l'employeur et conséquences
prévisibles sur la carrière, la notation, l'évolution du
contrat (en cas de CDD, de temps partiel, de licenciement, etc.).
· Incidence de l'arrêt sur la
rémunération (franchise légale des 3 premiers jours,
dispositions conventionnelles sur la durée de la couverture maladie,
existence d'un contrat de prévoyance et de clauses de couverture, primes
de présentéisme, etc.).
La complexité des mécanismes aboutissant aux
choix des salariés nous paraissent incompatibles avec l'application des
théories sur la rationalité. En effet, l'échelle de
préférences ne peut être ni unique, ni complète, ni
transitive (B. GUERRIEN, 2005 p.427 et suivantes). Dans ce sens, il nous semble
très difficile de prévoir les comportements en la matière
comme en témoigne le succès des produits assuranciels
proposés aux DRH pour garantir les coûts liés à
l'absentéisme maladie depuis quelques années.