Le modèle dominant de l'approche des performances de
l'entreprise est largement caractérisé par la
représentation qu'en ont les actionnaires, relayée par la plupart
des économistes, des médias et des fonctionnaires
représentant l'Etat en charge de la régulation du système
social en vigueur.
Il repose sur la tradition positiviste et sur la
prégnance de l'économique par rapport au social en tant que
dimension symbolique au sens de Bourdieu (1998, p.59). Cette
représentation est construite à partir des outils et des
indicateurs que le système a mis en place pour donner la
lisibilité nécessaire à la prise de décisions de
gestion par les dirigeants.
Les salariés et leurs représentants, exclus du
processus de décision, ne sont
admis dans l'arène du jeu
d'acteurs des rapports sociaux que pour exprimer
leur point de vue dans le champ de la négociation
sociale et ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour
objectiver la réalité et fonder le débat sur un
état des lieux partagé propice à la confrontation des
points de vue et des réalités.
De ce fait, le débat se polarise sur un plan
idéologique alimenté, d'un côté par les
données issues de l'entreprise ou de l'appareil institutionnel et de
l'autre, par « l'expérience » pas ou peu formalisée des
représentants des salariés.
L'analyse néoclassique, qui fonde la plupart des
théories économiques dominantes, intègre le principe d'une
« information libre et parfaite » (STIGLITZ, 1996 et 2003
p.20)62, condition nécessaire, pour permettre les choix
rationnels garantissant un fonctionnement optimal du système. Force est
de constater le caractère « virtuel » de ce principe dans
notre société néolibérale, dans la mesure où
l'on tend à confondre souvent communication, voire propagande avec
information.
La qualité de l'information, et surtout sa vitesse de
transmission, sont aujourd'hui, un enjeu stratégique pour chacun des
acteurs de la vie économique. C'est le plus souvent, un avantage
concurrentiel essentiel dans la guerre économique que se livrent les
entreprises présentes sur un même marché.
Comprendre
Connaître
Transformer
Agir
Formaliser
Savoir
Elles constituent le coeur du mécanisme de l'action
pour la transformation que l'on pourrait résumer par le schéma
ci-contre.
Ce mécanisme, nous semble déterminant dans la
construction du rapport de force entre les acteurs. L'accès à une
information de qualité pour les salariés, et pour les citoyens en
général, constitue donc, en cela, un enjeu de
société et une condition indispensable pour réduire les
injustices sociales. Le caractère contradictoire des
intérêts des acteurs de l'entreprise (actionnaires, personnel,
clients, fournisseurs, prêteurs, etc.) est source d'appréciations
contrastées voire contradictoires quant à la rentabilité
de l'entreprise (RICHARD, 1989, p.26).
Or les modèles de l'information d'entreprise, qui ont
bénéficié dans les trente dernières années
des progrès considérables des nouvelles technologies de
l'information, se sont concentrés uniquement sur l'information
nécessaire aux actionnaires et aux dirigeants d'entreprise,
délaissant celle qui permettrait d'éclairer les salariés,
leurs représentants et les institutions collectives et publiques
à partir de leurs propres critères d'appréciation.
62 Joseph E. STIGLITZ, colauréat du prix Nobel
d'économie et initiateur de la théorie du « screening
», figure qui vise à obtenir de l'information privée de la
part d'un agent économique, a stigmatisé le rôle de
l'information imparfaite dans les marchés, et dénoncé les
idées fausses quant au libre marché théorique dans lequel
opère le système capitaliste dans sa forme libérale.