B. Un secteur dans lequel les salariés sont
soumis à de nombreuses contraintes au travail
La catégorie sociale des employés de commerce
est souvent mal perçue quant au contenu de son travail, car souvent
assimilée à celle des employés administratifs dans la
catégorie générique des employés. Il s'en suit une
sous- estimation des contraintes physiques auxquelles ils sont soumis qui se
rapprochent plus de celles des ouvriers, que de celles de leurs homologues des
bureaux.
Par exemple, une caissière dans une grande surface
manipule, en moyenne, 2 tonnes de marchandises chaque jour et cette
activité physique se réalise dans le même temps contraint
(2 mn en moyenne par client), qu'une activité cognitive complexe
(réponse aux sollicitations des clients, recherche des codes barres,
saisie de ceux qui « ne passent pas », anticipation des
modes de paiement, et des incidents liés, surveillance pour
éviter le vol, communication avec ses collègues, etc.) (ASKENAZY,
2005).
Il est significatif de souligner la surreprésentation
des employés de commerce dans la catégorie « travailleurs de
force » définie par la DARES dans son analyse des risques
professionnels à partir de l'enquête SUMER réalisée
en 2003 (WALTISPERGER, 2006)32.
Cette enquête permet d'approcher plus
précisément les contraintes du travail ressenties par les
employés33 dans le secteur du commerce de détail.
32 L'auteur met en évidence une typologie des
salariés à partir du cumul des contraintes à partir de 20
indicateurs de pénibilité ressentie.
33 Comme, pour toute enquête, il s'agit de la «
parole » des salariés interrogés qui exprime leur «
ressenti » et non le résultat de constatations médicales
ou résultant d'une méthodologie ergonomique d'analyse des
situations de travail. Il convient, néanmoins de souligner des
recoupements convergents avec les études épidémiologiques
et les analyses
Les enquêtes nationales sur les conditions de travail,
tout comme celles réalisées par la Fondation Européenne
pour l'Amélioration des Conditions de Travail (FEACT) montrent des
résultats analogues et permettent en plus d'évaluer
l'évolution des déclarations des salariés au fil du temps
(DAUBASLETOURNEUX et THEBAUD-MONY, 2002), 34
On peut distinguer 4 grandes catégories de contraintes
:
· Physiques
· Organisationnelles (horaires et cognitives)
· Expositions à des agents biologiques
· Nuisances chimiques
Par ailleurs, la DARES, à partir de l'enquête SUMER
retient 4 catégories de facteurs de pénibilité :
· Les contraintes physiques
· Les horaires atypiques
· Les contraintes de rythme de travail
· Les tensions avec le public
Catégories de contraintes
:
Zola : Contraintes physiques,
organisationnelles, de rythme ; manque d'autonomie
Obligés du public :
Problèmes relationnels avec le public, les clients, les usagers
Contraints : Contraintes
organisationnelles, manque d'autonomie
Travailleurs de force :
contraintes physiques, intempéries
Cols blancs : longue durée,
travail assis, morcelé
D'après D. WALTIPERGER, DARES, 2006
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ergonomiques réalisées, tout comme avec les
statistiques factuelles disponibles, tant au niveau des entreprises (bilan
social, Rapport des Services de Santé au Travail et des CHSCT),
qu'à celui des institutions (INSEE, CNAMTS, etc.).
34 Nous disposons des résultats de trois enquêtes
réalisées en 1984, 1991 et 1998.
14,9
Position à genoux
14,7
22,5
Position fixe de la tête et du cou
15,4
50
46,2
13,6
10,3
25,4
12,1
5,5
13,7
15,2
Maintien de bras en l'air
17,6
Fig. 4
15,4
Locaux climatisés
17,7
16,9
Gestes répétitifs à cadence
élevée
21,5
24,9
27,3
43,5
Déplacement à pied dans le travail
50,3
42,8
61,9
48,9
Position debout ou piétinement
70,6
Manutention manuelle de charges (définition
européenne)
Conduite sur la voie publique (auto,camion,car,autobus)
Autre bruit gênant pour le salarié (voir question
n°204)
Autres contraintes posturales (voir question n°231)
Comparaison des principales contraintes physiques
auxquelles sont soumises les salariés dans l'enquête SUMER
2003
Travail au froid imposé(températures < 1
5°C )
Travail sur écran (en continu ou discontinu)
0 20 40 60 80 100
Tous secteurs Commerce détail
1998 1991 1984
3,6
2,8
0,5
20,7
15,3
7,1
43,0
0,0
0,0
57,0
46,4
28,7
Fig. 5
44,6
34,1
16,4
46,4
27,5
12,3
76,2
77,2
75,5
Rester longtemps dans une autre posture pénible ou
fatigante
Effectuer des mouvements douloureux ou
fatigants
Effectuer des déplacements à pied longs ou
fréquents
Porter ou déplacer des charges lourdes
Subir des secousses ou des vibrations
Effectuer d'autres efforts physiques
Evolutions des contraintes physiques ressenties par
les employés de commerce
Rester longtemps debout
0,0 20,0 40,0 60,0 80,0 100,0
Source : DARES, ENCDT, 2006 et calculs
personnels
a) De très fortes contraintes physiques qui se
cumulent souvent avec un environnement difficile
Parmi les treize principales contraintes recensées
dans l'enquête SUMER en 2003, les salariés du commerce de
détail déclarent en subir neuf avec une fréquence
supérieure ou voisine de celle de l'ensemble des salariés. C'est
le cas, notamment, pour :
· « la position débout ou le
piétinement » (70,6% contre 48,9%),
· « la manutention manuelle de charges
»35 (61,9% contre 40,8%),
· « le déplacement à pied dans le
travail » (50,3% contre 43,5%),
· « le travail sur écran » (48,2%
contre 50%).
Les enquêtes de la FEACT confirment ces
résultats en tendance36 et montrent une progression sensible
de ces contraintes dans la période 1984 -1998 pour tous les types sauf
pour la station débout, dont la proportion de salariés reste
stable, mais qui concerne les trois quarts des employés (Fig. 4). On
notera, plus particulièrement :
· « le port ou le déplacement de charges
lourdes » dont la proportion double pendant la période et qui
touche en 1998 près de deux employés sur trois,
· « les déplacements à pied longs
ou fréquents» (multipliés par près de 3),
· « les postures pénibles ou fatigantes
pendant une longue période » (multipliée par
près de quatre).
· « le travail répétitif »
est passé de 17 à 25,1 %.
Dans le domaine des pénibilités environnementales,
les employés de commerce disent :
· « travailler au froid souvent ou toujours
» deux fois plus que la moyenne (29,4% contre 14,9%).
· « subir des courants d'air » plus
souvent (49,9% contre 33,9%),
· « travailler avec une lumière
artificielle », également plus fréquemment que
l'ensemble de salariés (72%, contre 46,5%).
· « avoir une interdiction de parler pendant le
travail » dans une proportion cinq fois plus importante que la
moyenne (11,0% contre 2,1%). Cette proportion est passée de 5,2%
à 11% pendant la période.
35 Au sens de la définition européenne
36 Il convient de souligner un champ différent pour
cette enquête, puisque les données présentées
correspondent à la catégorie socioprofessionnelle des
employés de commerce qui ne recouvre pas complètement le secteur
du commerce de détail utilisé pour l'enquête SUMER.
Rendre compte par écrit de son activité au moins 1
fois/sem
Abandon fréquent d'une tâche pour une autre non
prévue
Ne pas connaître ses horaires pour la semaine prochaine
Normes de production, délai à respecter en une
heure au plus
Durée de la dernière semaine travaillée
supérieure à 40 h
Moyens matériels inadaptés et insuffisants pour le
travail
Tourner sur différents postes pour pallier les
absences
Demande extérieure obligeant à une réponse
immédiate
Ne pas pouvoir changer l'ordre des tâches à
accomplir
Contact tendu avec le public même occasionnellement
Exposition à un risque d'agression physique du public
Travail de nuit entre 0 et 5 heures même occasionnel
Exposition à un risque d'agression verbale du public
Travail souvent prolongé au delà de l'horaire
officiel
Travail posté en équipes, variable d'un jour
à l'autre
Tourner sur différents postes par rotation
régulière
Demande extérieure n'obligeant pas à une
réponse immédiate
Ne pas avoir de repos de 48 heures consécutives
Emporter toujours ou souvent du travail à domicile
Formation insuffisante et inadaptée pour le travail
Travail comportant des coupures dans la journée
automatique de pièces ou cadence automatique
Dépendance vis à vis du travail des
collègues
Comparaison des contraintes organisationnelles
auxquelles sont soumises les salariés dans l'enquête SUMER
2003
Durée de travail variable selon les semaines
Doit faire appel à d'autres en cas d'incident
Surveillance permanente de la hiérarchie
Devoir toujours ou souvent se dépêcher
Informations insuffisantes pour le travail
Contrôle ou suivi informatisé du travail
Travail au moins 10 dimanches par an
Ne pas pouvoir faire varier les délais
Ne pas pouvoir faire varier les délais
Horaires variables d'un jour à l'autre
Travail au moins 20 samedis par an
Etre en contact avec le public
Travail posté en équipe fixe
Effectuer des astreintes
0,0 20,0 40,0 60,0 80,0 100,0
1,3
2,7
2,9
3,0
3,0
7,2
7,7
9,5
11,8
12,3
14,0
14,2
14,6
15,6
15,3
17,3
18,3
19,0
19,0
2,5
4,2
19,4
8,7
6,0
20,4
21,1
22,4
24,0
7,8
10,5
26,1
19,6
14,8
27,2
12,6
15,7
18,7
29,7
19,9
30,8
23,6
19,7
36,4
36,4
23,7
23,4
23,9
25,9
26,7
31,4
40,5
13,6
28,5
30,5
35,1
30,5
41,9
42,2
Tous secteurs Commerce détail
50,7
26,4
58,1
51,2
58,9
53,7
55,2
72,5
59,9
72,5
71,4
68,2
71,0
71,0
70,0
90,4
Il convient de souligner, enfin, un cumul des
pénibilités physiques et environnementales pour les
employés de commerce, tout comme pour le secteur, ce qui permet de
mettre en évidence une surreprésentation des employés de
commerce, dans la catégorie des « travailleurs de force
» (contraintes physiques, intempéries), au même titre que les
ouvriers (Waltisperger D. 2006).
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