Chapitre I - Introduction générale
Les débats sur l'évolution des dépenses
de santé en France se sont souvent focalisés sur la
problématique de leur financement, dans un contexte de déficit
structurel de l'assurance maladie, mais surtout, sur la
légitimité même des comportements sociaux et culturels de
la population, en termes de consommation de biens de santé.
Le déficit de l'assurance maladie atteint un niveau
record de 8 milliards d'euros en 2005 (Commission des comptes de la
Sécurité Sociale, 2006). Après de nombreuses mesures
d'économie et une tendance à la fiscalisation depuis
l'instauration de la CSG en 1990, la situation ne semble pas s'améliorer
fondamentalement.
Il est possible de discuter le niveau de ce déficit et
sa réalité comptable. Des travaux ont été
réalisés dans ce sens1, même si on peut
regretter leur nombre relativement réduit. On pourrait également
discuter les décisions des pouvoirs publics pour financer ce
déficit par emprunts, avec la création de la caisse
d'amortissement de la dette sociale (CADES), dont les méthodes semblent
assez peu transparentes et peu compatibles avec sa mission publique (VARENNE et
BLANCHARD, 2004). Les limites que nous devons nous imposer ne nous permettent
pas de développer ces questions, malgré leur intérêt
évident.
Par contre, la dégradation progressive de la couverture
maladie à laquelle on assiste depuis plus de 30 ans, dans un cadre
où « l'Etat-Nation » s'avère de moins en moins capable
de piloter l'économie au service d'un maintien de la cohésion
sociale, mérite qu'on s'interroge sur les ressorts d'un
phénomène qui ne touche pas seulement la France, mais l'ensemble
des pays dits « développés ».
A. Un financement insuffisant de l'assurance maladie
Nous partirons du constat de la position de la France
plutôt favorable par rapport à la plupart des autres pays
développés dans le monde, (voir fig. 1) du point de vue de la
part de la richesse nationale (PIB) consacrée aux dépenses de
santé, malgré la croissance importante de ces dépenses
observée dans les dernières années, qui mérite d'en
approfondir l'étude .
Il nous semble, également nécessaire, de
souligner l'amélioration globale et continue de l'état de
santé dans le pays selon les indicateurs généralement
utilisés dans les comparaisons internationales. Celle ci se traduit, par
exemple, par un allongement continu de l'espérance de vie (une des plus
élevées dans le monde). Là, encore, il convient de nuancer
le constat général par les disparités relativement
importantes qui ne semblent pas se réduire, notamment, en fonction de la
nature de l'activité professionnelle (Assemblée Nationale, 2003)
et de la catégorie socioprofessionnelle. En effet, de 1984 à
1999, l'écart d'espérance de vie entre les employés et les
cadres supérieurs s'est accru de 1,5 ans au profit de ces derniers. Ces
disparités, sont d'ailleurs plus importantes en France que dans d'autres
pays européens.
1 C'est le cas, notamment, des travaux de Bernard FRIOT,
Catherine MILLS et Michel HUSSON. L'association ATTAC a également
encouragé de nombreuses initiatives sur ce sujet (ATTAC, 2004).
Le problème n'est donc pas, en première analyse,
un niveau de santé trop élevé, mais un financement
insuffisant, dans un cadre socialisé de ressources rares favorisé
par un raisonnement néolibéral qui met en cause le financement
solidaire pour lui préférer l'initiative individuelle
assurancielle2.
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