1. L'ETUDE DE LA COMPOSITION CORPORELLE
La composition corporelle correspond à l'analyse du
corps humain (ou animal) en compartiments. Ceux-ci ont un intérêt
particulier en fonction de la discipline médicale
considérée.
Par exemple, en médecine du sport, mesurer le poids ne
suffit pas à comprendre comment améliorer la performance d'un
segment de membre au cours d'un exercice spécifique. Déterminer
la masse musculaire de ce segment est plus rationnel. De la même
manière, au cours d'une stratégie de réduction
pondérale chez un obèse, il peut être intéressant de
vouloir cibler une perte de masse grasse et d'épargner la masse
musculaire ou de certains organes. Dans ce cas, la mesure du poids ne suffit
[3, 4, 5, 20].
De plus, le corps est constitué
d'éléments de densité et de nature très
différentes (graisses, os, protéines, eau, etc...). La proportion
de chaque élément et remarquablement constante (pour un homme
normal) [22].
1.1. Définition des compartiments
L'étude de la composition corporelle fait appel
à des modèles et des systèmes de représentation du
corps humain [3, 4, 20].
1.1.1. - Le modèle anatomique [3, 4, 13, 20,
22]
Le modèle anatomique est plus ancien et sépare
le corps en différents tissus (tissu musculaire), tissu adipeux,
organes...). Le modèle anatomique est un modèle descriptif qui
permet de comprendre l'organisation spatiale des différents constituants
et leur niveau d'interconnexion. Les progrès de l'imagerie
médicale, avec la tomodensitométrie et la résonance
magnétique nucléaire, ont renouvelé l'intérêt
de ce modèle.
La référence à la notion de tissu permet
certaines approches quantitatives. Ainsi pour un sujet (idéal de
référence) : le muscle squelettique représente 40% du
poids corporel ; le tissu adipeux 20% ; la peau 7% ; le foie et
le cerveau 2,5%, le coeur et les reins 0,5% [3, 4, 20, 22].
Il y a une conception anatomique séparant les tissus
dits maigres ou masse maigre (MM) du tissu adipeux parfois aussi appelé
abusivement masse grasse (MG).
La masse maigre (MM) est composée principalement des
muscles, des visières et des os.
La masse grasse (MG) des tissus où se trouvent les
cellules de réserve des lipides : les adipocytes.
Classiquement, on dit que la masse maigre (MM) dépense
de l'énergie mais pas la masse grasse (MG). Cette vision est trop
grossière dans la masse maigre (MM), certains tissus ne dépensent
pas ou très peu d'énergie (tissu osseux) et dans la masse grasse
(MG), les adipocytes sont des cellules, et à ce titre, elle
dépense de l'énergie [13]. Ainsi il est
préférable de limiter le terme masse grasse à la partie
graisseuse du tissu adipeux.
1.1.2. Le modèle biochimique[3, 4, 13,
20, 22]
Le modèle biochimique sépare les composantes de
l'organisme en fonction de leurs propriété chimique : eau,
lipides, (extraits par les solvants organiques), protéines, glucides et
minéraux [A', 22].
Ainsi l'azote corporel correspond presque uniquement aux
protéines, le calcium et le phosphore à l'os, le carbone aux
lipides, les glucides étant comparativement très peu abondants
[3, 4, 20].
Le potassium est presque uniquement intracellulaire et le
sodium extracellulaire [3, 4, 20].
Les données biochimiques directes sur la composition
corporelle de l'organisme sont cependant très limitées. Elles
reposent sur deux études effectuées sur quelques dizaines de
cadavres. C'est de ces travaux qu'ont été observées la
densité moyenne de la masse grasse et de la masse maigre, l'hydratation
moyenne du corps humain, paramètres qui ont servi de
références à différentes méthodes
d'étude de la composition corporelle [3, 4, 20]. Le
tissu maigre a une densité de 1,10g/cm3 à 36°C
alors que le tissu gras à une densité de 0,90/cm3
[22, 24].
1.1.3. - Les modèles
physiologiques
Ces modèles permettent d'introduire la notion de
compartiment ou masse [22]. Un compartiment
regroupe des composants corporels fonctionnellement liés entre eux,
indépendamment de leur localisation anatomique ou de leur nature
chimique. En nutrition, les modèles physiologiques les plus
utilisées sont : [3, 4, 20].
1.1.3.1. Les modèles a deux
compartiments [3, 4, 20, 22]
Le plus simple et le utilisé [1', 22].
Il oppose la masse grasse et le reste, la masse non grasse abusivement
nommée masse maigre [3, 4, 20].
1.1.3.1.1. - La masse grasse correspond aux
triglycérides stockés dans les adipocytes, quelle que soit leur
localisation anatomique ; ce compartiment est virtuellement
dépourvu d'eau.
1.1.3.1.2. - La masse maigre correspond
à la somme de l'eau des os, des organes, en excluant la partie grasse.
La masse maigre est essentiellement constituée d'eau. Le rapport entre
l'eau et la masse maigre définit l'hydratation de la masse maigre.
1.1.3.2. - Le modèle à trois
compartiments :
Ici la masse maigre est séparée en :
- masse cellulaire active (MCA) qui correspond à
l'ensemble des cellules des différents organes et muscles.
L'intensivité du métabolisme de cette masse détermine les
besoins énergétiques de l'organisme. Cette masse constitue
l'essentiel des protéines de l'organisme [13] ;
- l'eau extracellulaire qui correspond à l'ensemble des
lipides interstitiels et au plasma. Elle constitue la masse liquidienne
facilement inchangeable pour le fonctionnement normal de l'organisme. Elles
s'ajoutent à l'eau intracellulaire pour constituer l'eau corporelle
totale : VIC = VT - VEC [22]
avec :
- VIC : volume d'eau intracellulaire
- VT : volume d'eau totale
- VEC : volume d'eau extracellulaire
- Le troisième compartiment est la masse grasse.
1.1.3.3. - Le modèle à quatre
compartiments [3, 4, 12, 20]
Un compartiment supplémentaire est introduit dans la
masse maigre, par rapport au modèle à trois
compartiments :
- la masse minérale osseuse qui correspond aux cristaux
de phosphates tricalciques du squelette. Cette masse constitue l'essentiel de
la masse minéral de l'organisme sous forme de calcium [3, 4, 20,
22].
(schéma)
Les compartiments corporels d'après BROZEK [6,
22]
1.2. - Les méthodes de mesure des compartiments
[3, 4, 12, 20]
Il n'y a pas de méthode de mesure directe des
compartiments. Seule l'analyse anatomique (dissection) permettait d'obtenir la
mise des compartiments. Toutes les méthodes sont donc des approches
indirectes avec des niveaux d'agressivité, de précision et de
simplicité de mise en oeuvre variable {3, 4, 20] . Du point de vue
conceptuel, il faut distinguer trois types de méthodes
1.2.1. - Les méthodes de qualification
in vivo de constituants spécifiques
de l'organisme
Elle repose sur la modification d'un signal (en
général un rayonnement) qui est interprétée
grâce à un étalonnage préalable avec un
composé connu. La limite est la capacité de recueillir la
modification du signal utilisé (seuil de détection,
variabilité..). Ces méthodes ne sont pas d'utilisation courante
(activation neutronique, émission de potassium 40) [3, 4,
20].
Exemple d'activation neutronique
[22] :
C'est une activation par un faisceau de neutron qui consiste
à bombarder la masse corporelle avec des neutrons ; il en
résulte une apparition d'isopodes radiatifs à vie courte. Ainsi,
leur spectre d'activité est mesurée avec un compteur qui donne
une estimation précise du carbone dans : les graisses, os,
protéines.
Cette méthode est une véritable dissection
chimique in vivo en quatre compartiments : graisse, protéines, os
minéral, composés divers (dont eau).
Exemple de comptage du potassium 40 :
[22]
Le potassium 40 est un isotope radioactif présent de
façon naturelle dans le corps est un isotope radioactif présent
de façon naturelle dans le corps. Il a un taux strictement constant de
0,012 % du potassium total (soit environ 0,49 mmoles pour un homme de 70
kg).
On mesure le potassium 40 à 99 % dans le secteur
intracellulaire, puis le système est étalonné à
partir de fantômes contenant du 40K. Cet étalonnage permet de
calculer la masse cellulaire active (MCA) ;
MCA (kg) = K total (mmol) x 8,33
1.2.2. - Les méthodes d'estimation in
vivo
Elles reposent à la fois sur une mesure corporelle (la
densité ou le volume de l'eau total) sur la référence
à un modèle de composition corporelle et sur l'acceptation d'une
hypothèse [17, 22].
- Les méthodes de prédiction de la valeur d'un
compartiment à partir de mesures anthropométriques : plis
cutanés, circonférences, poids, tailles ; ou
électriques : ce sont les plus utilisées en clinique car les
plus simples à mettre en oeuvre [3, 4, 20, 24].
1.2.3. - Au total, chaque méthode
repose sur plusieurs hypothèses de travail qui en constituent les
limites, autant sur les aspects technologiques que sur le coût.
Nous n'envisagerons que les méthodes les plus
utilisées :
1.3. - LES TECHNIQUES DE MESURES
1.3.1. - La mesure de la densité corporelle
(méthodes d'estimation
Dans le modèle à deux compartiments, si une
densité fixe est attribuée à chaque compartiment (0,9
g/ml) pour la masse grasse et 1,1 g/ml pour la masse maigre), la proportion de
chacun des compartiments peut être calculée à partir de la
densité du corps entier. Celle-ci est le rapport masse sur volume D :
Masse
Dc = ------------ [22]
Volume
L'équation de SIRI [23, 24] permet de
calculer le pourcentage de masse grasse :
4,95
% MG = 100 ( ---------- - 4,50 )
dc
ou par l'équation de BROZEK et al (1963)
[6] :
4,570
% MG = ( ------------- - 4,142 ) x 100
dc
Cette méthode a longtemps été
considérée comme la référence et a fourni une
grande partie de nos connaissances de la composition corporelle.
La densité corporelle peut être
déterminée de deux façons [3, 4, 8, 19,20, 22,
24] :
1.3.1.1. - par
hydrodensitométrie : en utilisant le principe
d'archimètre qui consiste à mesurer un volume en l'immergeant
dans l'eau. Il faut donc un équipement adapté (une cuve de taille
suffisante, une capacité à déterminer les volumes de gaz
respiratoires et intestinaux).
Cette technique ne peut être utilisée chez les
enfants, les malades, les personnes âgées à mobilité
réduite, les patients à coopération réduite.
1.3.1.2. - par
pléthysmographie, en utilisant la loi de BOYLE-MARIOTE,
où le produit pression* volume est une constante. Ainsi, si un corps est
introduit dans une cabine de volume connu, le régime de pression de la
cabine est modifié en proportion du volume introduit. Cette
méthode bénéficie d'un développement important.
1.3.2. - La mesure de l'eau totale
(méthode d'estimation) [3, 4, 20, 22]
Dans le modèle à deux compartiments, la masse
grasse est dépourvue d'eau et la masse maigre en contient une proportion
fixe (73 %).
A partir de l'estimation de l'eau corporelle totale, il est
donc facile de calculer la masse maigre (MM) :
MM = eau totale / 0,73
Dans le modèle à trois ou quatre compartiments,
l'eau corporelle totale et l'eau extracellulaire peuvent être
considérées. Comme des compartiments (il s'agit alors d'une
méthode de quantification).
Les volumes d'eau (corporelle totale, extracellulaire et
intracellulaire) peuvent être déterminés :
1.3.2.1. - par dilution de
traceur : une dose comme de traceur est bue, des
prélèvements de plasma, d'urine ou de salive sont
réalisés quatre à six heures après administration
de la dose. La concentration en traceur reflète le volume e dilution de
la dose. Les traceurs de l'eau corporelle totale sont l'eau marquée au
deutérium ou à l'oxygène 18, deux isotopes stables. Le
traceur de l'eau extracellulaire est le brome. Il n'y a pas de traceur de l'eau
intracellulaire.
1.3.2.2. - par impédancemétrie
bioélectrique (méthode de prédiction)
L'impédancemétrie bioélectrique
(bioelectrical impedance analysis, BIA) est basée sur la capacité
des tissus hydratés à conduire l'énergie
électrique. L'impédance est fonction du volume du compartiment
hydroélectrique contenu dans le corps.
1.3.3. - Mesure
anthropométrique [3, 4, 10, 11]
1.3.3.1. - L'indice de masse corporelle (IMC)
[5, 17]
Il est encore appelé indice de Quételet
[5] ou Body Mass Index (BMI) [5, 14, 17]. Il
est le rapport du poids sur la taille au carré :
Poids (kg)
IMC = ( ---------------------
(taille)2 (m2)
où le poids est en kg et la taille est en mètre.
Tableau ... : Estimation de la masse
musculaire [3, 4]
Classification
|
IMC
|
Commentaires
|
Maigreur
|
< 18,5
|
Poids trop faible, risque de faiblesse immunitaire
|
Normal
|
18,5 à 24,9
|
|
Surpoids
|
25 à 29,9
|
|
Obésité
|
30 à 40
|
|
Obésité grave
|
> 40
|
Habitudes alimentaires à changer.
L'activité physique n'est pas recommandée
|
L'étude de la composition corporelle constitue un
élément indispensable de l'évaluation du statut du
sportif.
Les données anthropométriques, tels que les plus
cutanés, constituent un moyen peu coûteux d'évaluation. Le
suivi longitudinal par des mesures répétées compense le
manque de précision.
L'indice de masse corporelle (IMC) est précieux pour la
définition des valeurs normales du poids (entre 18,5 et 29,9
kg/m2) et pour la définition du surpoids (entre 25 et 29,9
kg/m2) et de l'obésité (au-delà de 30 kg par
m2).
Les valeurs en-dessous de 18,5 kg/m2
déterminent la maigreur. Il permet d'évaluer le niveau
d'adiposité du corps, en d'autres termes, il estime la quantité
de masse grasse de l'organisme en fonction du poids de l'individu et de sa
taille au carré [7].
De plus, lors de la croissance, la surveillance de l'IMC est
intégrée aux abaques du carnet de santé et l'enseignant
d'EPS pourra s'y référer pour connaître la dynamique de
croissance et les risques potentiels de son enseignement
[13].
1.3.3.2. - Estimation de la masse musculaire
[3, 4, 20]
Excrétion de la créatinine de la
3-méthylhistidine. La créatinine est un métabolite de la
créatine, dont le début urinaire des 24H reflète le pol
total de créatine, situé à 98 % dans le muscle. La
3-méthylhistidine est un acide aminé présent dans les
protéines myofibrillaires, qui n'est pas recyclé après
protéolyse, et est ex...té directement dans les urines.
L'excrétion journalière est donc proportionnelle à la
masse musculaire.
L'épaisseur des plis cutanés est
déterminée. Leur somme est introduite dans des équations
prédictives, en fonction de l'âge et du sexe, afin d'estimer la
densité corporelle [4, 5, 20].
Tranches d'âge (ans)
|
Homme
|
Femmes
|
17 - 19
|
Dc = 1,1620 - 0,0630
(log S)
|
Dc = 1,1549 - 0,0678 (log S)
|
20 - 29
|
Dc = 1,1631 - 0,0632
(log S)
|
Dc = 1,1599 - 0,0717 (log S)
|
30 - 39
|
Dc = 1,1422 - 0,0544
(log S)
|
Dc = 1,1423 - 0,0632 (log S)
|
40 - 49
|
Dc = 1,1620 - 0,0700
(log S)
|
Dc = 1,1333 - 0,0612 (log S)
|
= 50
|
Dc = 1,1715 - 0,0779
(log S)
|
Dc = 1,1339 - 0,0645 (log S)
|
S est la somme des quatre plis cutanés exprimée
en mm : bicipital, tricipital, sous-scapulaire, supra iliaque.
Outre les problèmes liés à la mesure des
plis cutanés (difficile voire impossible chez les sujets
présentant une obésité sévère), cette
méthode présente plusieurs limites :
- celle conceptuelle liée à la mesure de
densité totale qui va en propager les erreurs voire les
amplifier ;
- celles liées à la localisation des plis
cutanés et à leurs relations à la masse grasse totale.
Les quatre plis décrits ci-dessus ne prennent pas en
compte le tissu adipeux de la partie inférieure du corps et ont tendance
à sous-estimer l'obésité gynoïde.
La méthode estime mal le tissu adipeux profond et a
tendance à sous-estimer l'obésité viscérale.
La détermination des plis doit être
effectuée avec une pince spécialement calibrée
(adiposomètre) permettant de mesurer l'épaisseur du pli sans
écraser le tissu adipeux sous-cutané.
La mesure doit être réalisée par un
opérateur entraîné (coefficient de variation personnelle
inférieur à 5 %) [21].
|