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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Paragraphe 2 : La généralisation du droit musulman

Introduite par l'ordonnance de 198331(*), la reforme des année 1980 avait pour but principal de généraliser le droit musulman, supposé plus adapté aux aspirations de la société, et d'unifier les institutions judiciaires sous la bannière de cette généralisation. Elle procède ainsi à l'abolition du dualisme judiciaire en mettant en place un appareil judiciaire qui comprend le tribunal départemental, le tribunal régional, la cour d'appel et la Cour suprême. Au sein des juridictions, on ne trouve plus la distinction entre les juges de droit moderne et ceux de droit musulman. Les magistrats forment désormais un corps unique et ne statuent théoriquement que sur la base du droit musulman. Cette reforme, intervenue sous l'impulsion des nouveaux dirigeants militaires, qui ont pris le pouvoir le 10 juillet 1978, est marquée par des choix politiques qui sont l'arabisation et l'islamisation du pays. Elle dispose dans son article 1er que : « la justice est rendue sur le territoire mauritanien par : les tribunaux départementaux, régionaux, les tribunaux du travail, les cours criminelles, une cour spéciale de justice,les cours d'appel et une cour suprême ». La distinction entre formation de droit musulman et formation de droit moderne est supprimée ; les juridictions cadiales et les tribunaux d'instance, prévus par les anciennes lois, disparaissaient. Ce sont des tribunaux départementaux et des tribunaux régionaux qui prennent le relais. Ces juridictions doivent juger « suivant la règle de droit musulman »,et la justice n'est plus rendue au nom du peuple mais « au nom d'Allah le Tout Puissant ».

Mais parallèlement à l'unification de l'appareil judiciaire, la reforme de 1983 a consacré le rôle de la Cour spéciale de justice comme juridiction à part entière. De plus, les matières relevant des compétences de la cour iront en s'élargissant à tel point que la cour spéciale de justice, conçue au départ comme une juridiction d'exception, va apparaître comme une juridiction spécialisée dans le contentieux économique, dans celui des assurances et plus généralement dans l'application du droit? profanes?. En fait, l'importance grandissante de cette cour, en marge des juridictions de droit commun, témoignerait de l'échec de l'unification réalisée par l'ordonnance de 1983. La cour Spéciale de justice sera supprimée dans la réorganisation judiciaire de 1993 qui vise à ajuster le système judiciaire au niveau de processus democratique?

Paragraphe 3 : Les reformes de l'ère démocratique

C'est la loi n° 93.010 du 21 janvier 1993 qui va réaliser cette réorganisation. L'innovation principale réside dans la suppression de la cour spéciale de la justice, juridiction d'exception qui ne peut avoir de place dans un contexte démocratique institué par la constitution du 20 juillet 1991 . Ses compétences sont dévolues à une nouvelle chambre civile et commerciale créée au niveau du tribunal régional, dorénavant dénommé tribunal de la willaya. Il subit également d'autres réaménagements du fait du transfert de son ancienne chambre civile vers la cour d'appel. La cour d'appel est composée d'une chambre civile et d'une chambre mixte respectivement compétente en appel des décisions du tribunal départemental, devenu tribunal de la Mouwatalli. La cour suprême a connu des réaménagements importants, originairement composé d'un président,de deux vice présidents et des conseillers, elle est désormais organisée en quatre chambres (civile et commerciale ,administrative,criminelle et sociale.

Cette reforme qui en gros n'était de reforme que de nom, car la mauvaise volonté politique des pouvoirs à l'époques empêche toute forme d'application du droit et la mise en place d'un système juridiques.

Cependant depuis la prise du pouvoir par le CMJD32(*) le 3 août 2005 on assiste à une refonte du droit judiciaire Mauritanien opéré par les autorités de transition dirigées par Ely Ould Mohamed VALL

Cette réforme ambitieuse dont la clé a été le choix des hommes qui en seront les premiers responsables, mais qui ne s'est pas forcément entourée des moyens humains nécessaires pour sa mise en oeuvre. Mais elle est en définitive la plus grande réalisation du gouvernement de la transition.

La réforme de la justice et du droit, en vue du renforcement et de la promotion des libertés fondamentales, figurait au rang des trois priorités des autorités de la transition instaurée au lendemain du renversement du régime de Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya.
Pour donner un contenu concret à ce vaste chantier de remise aux normes d'un appareil judiciaire réduit à sa plus simple expression, un outil répressif au service des lobbys les plus puissants, garantissant l'impunité totale à tous les membres du «milieu», les nouvelles autorités ont pensé à l'ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, maître Mahfoudh Ould Bettah, militant connu des droits de l'homme et quelque part  «bête noire» du pouvoir déchu.
Au bout de 19 mois de transition, celles-ci se sont traduites par de nombreuses réalisations concrètes, sous forme d'adoption de plusieurs textes venus donner un contenu réel à l'indépendance de la justice, à la réforme du droit, au renforcement des ressources humaines et à la mise en place de nombreuses infrastructures pour moderniser le cadre du travail. Ces mesures et réalisations représentent une avancée notable, probablement la plus importante de notre appareil judiciaire et dans le cadre de la gestion de nos libertés collectives et individuelles, mêmes si elles n'ont pu épuiser l'immense chantier qui aura forcément besoin de continuité dans l'action pour accompagner efficacement le développement du pays.
Pour donner un poids réel au jugement dans le cadre de la mission délicate de traitement des affaires à la fois au niveau pénal et au contentieux civil, interdiction formelle a été faite à la chancellerie d'interférer dans les dossiers pendants devant les juridictions. L'ouverture de l'année judiciaire 2006, la première sous l'ère de la transition, a été également consacrée au thème de l'indépendance du juge, histoire de signifier clairement la volonté de réforme des nouvelles autorités. Dans le même souci, plusieurs dispositions légales limitant l'autonomie des magistrats ont fait l'objet de révision, en plus de l'institution du serment sur le Coran. Par ailleurs, une autre innovation astreint les magistrats à une déclaration de patrimoine (souci de transparence) au moment de l'entrée en fonction (prestation de serment).

Quant aux compétences disciplinaires dans le cadre de la gestion des magistrats, elles sont désormais exclusivement dévolues à une instance du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) au sein de laquelle ne siègent que leurs collègues, ce qui exclut d'office le président de la République (et président du CSM) et le ministre de la justice. Une amélioration substantielle de la rémunération des juges a été décidée et un code de déontologie mis au point. Ces différentes actions de réhabilitation du rôle du magistrat par une indépendance réelle ont été par ailleurs accompagnées d'une réorganisation de l'Inspection Générale de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire (IGAJP), grâce notamment à un renforcement de ses moyens matériels et humains qui a permis de mener plusieurs inspections auprès des juridictions à Nouakchott et dans les régions.

Les avancées les plus notables du chantier de cette réforme résident à coup sûr dans l'adoption de plusieurs textes d'avant-garde, pour la protection des mineurs, grâce à une justice spécifique et  adaptée, à l'aide juridique, au nouveau statut des magistrats, à la nouvelle organisation judiciaire (complément indispensable du statut), aux réformes des codes de procédure pénale, civile, commerciale et administrative, à celle du fonctionnement des greffes, à la révision de la loi organisant la profession d'avocat, à un statut pour le personnel de l'administration pénitentiaire, à la révision de la loi relative à la charge notariale...

De manière concrète, le nouveau statut des magistrats, adopté en juillet 2006, a permis le recrutement à titre exceptionnel de professionnels du droit parmi les avocats, les juristes d'affaires et les professeurs de l'enseignement supérieur. Dans le cadre de la poursuite des efforts visant à approfondir l'esprit de réforme et sa globalisation, une nouvelle organisation judiciaire a été adoptée en février 2007. Le fait marquant de cette loi est la création des fonctions de secrétaires généraux au niveau des cours d'appel (le pays en compte trois: Nouakchott, Nouadhibou et Kiffa). Ces derniers assument des fonctions de gestion administrative et financière avec pour mission la rationalisation des moyens. La nouvelle organisation judiciaire a eu aussi pour conséquence «l'extension des compétences de certaines juridictions afin de garantir la célérité du traitement des affaires».

Autre nouveauté induite par la réorganisation, la création de tribunaux de commerce à Nouakchott et Nouadhibou. Le transfert des compétences des tribunaux départementaux des capitales régionales (à l'exception de Nouakchott) aux chambres civiles des tribunaux régionaux, l'introduction de la collégialité effective à partir du second degré (de nature à renforcer les garanties procédurales), la consécration de l'appel en matière criminelle représentent autant d'acquis issus de la nouvelle organisation judiciaire.
Quant à la réforme de la procédure pénale, elle consacre «l'enracinement des garanties constitutionnelles relatives aux procès équitables, la séparation des autorités chargées de l'instruction et du jugement et la présomption d'innocence».

Pour garantir les libertés constitutionnelles, il fallait obligatoirement  renforcer le rôle de la justice dans la surveillance et l'évaluation du travail de la police judiciaire. Une action accompagnée d'une amélioration des conditions humaines de la garde à vue. Ainsi, la visite de la famille et l'assistance de l'avocat sont désormais formellement autorisées pour éviter les effets néfastes d'un véritable trou noir marqué par la solitude d'un détenu face à la toute puissance d'une police judiciaire dont l'action, souvent musclée pour arracher des «preuves», a souvent berné les juges ici et ailleurs, aboutissant régulièrement à des drames sous forme d'erreurs judiciaires qui ont conduit certaines de leurs victimes à l'échafaud.

Dans le même souci de modernisation par la réforme de la règle de droit en vue d'une meilleure assurance et d'une meilleure protection des libertés constitutionnelles, on peut noter la limitation de la durée maximale de la détention préventive, venue comme complément du principe de la présomption d'innocence.

L'institutionnalisation du contrôle judiciaire comme alternative à la même détention préventive vient encore donner plus de contenu à cette orientation protectrice des droits et libertés.
L'institution d'une chambre d'accusation auprès de la cour d'appel, qui aura à jouer un rôle central dans les décisions relatives à la détention préventive et en matière de contrôle de l'instruction répond au même désir de modernisation des règles de procédure pénale. L'importance du rôle du ministère public auprès des juridictions d'appel a été aussi renforcée. En matière de justice civile, on note une modification de certaines règles de procédure (CPCCA) visant «l'affirmation du principe du contradictoire et de l'obligation de son respect  par le juge».

Du coup, le législateur a été contraint de redéfinir les compétences des différentes juridictions en matière civile, y compris les nouveaux tribunaux de commerce. Une démarche qui a abouti à une définition rigoureuse de la forme que doivent revêtir les requêtes introductives d'instance, l'association légale du ministère public à la procédure civile dans les affaires commerciales, la réduction de certains délais de comparution, la sanction de l'abus de droit d'ester en justice par des amendes civiles, l'abandon du pourvoi dans l'intérêt de la loi au profit du seul recours pour excès de pouvoir...

Pour introduire les réformes de la transition, un diagnostic sans complaisance a permis d'identifier la faiblesse des ressources humaines (personnel mal formé - et c'est un euphémisme) comme véritable maladie de notre système judiciaire. Une plaie au double niveau quantitatif et qualitatif. Pour trouver un début de solution à ce casse tête, les nouvelles autorités ont imaginé la mise en place d'un cadre légal. D'où un nouveau statut des magistrats ouvrant la voie de la profession par concours direct et un recrutement par sélection professionnelle de praticiens du droit.

Un statut particulier pour le personnel des greffes (véritable cheville ouvrière dans le cadre du fonctionnement des juridictions) a été adopté. Il a été également institué un corps de surveillants des établissements pénitentiaires pourvu d'un statut particulier.
Dans le même souci d'assurer un réservoir important en matière de ressources humaines, un décret de révision a transformé l'École Nationale d'Administration (ENA) en École Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM).

Pour une meilleure planification, le ministère de la justice a conçu un plan de formation avec la création d'un Centre de Formation et de Documentation Judiciaire. Celui-ci a réalisé plusieurs actions de formations portant sur des thèmes variés: déontologie, protection des libertés, procès équitable, le référé en justice... dans le courant de l'année 2006 au profit de nombreux magistrats et auxiliaires de justice.

Le plan de formation décliné ci-dessus est accompagné d'un plan de carrière. Ainsi, au titre de l'année 2006, 26 magistrats sur 49 à sélectionner par la voie professionnelle ont été déjà intégrés au corps par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Un recrutement direct de 50 magistrats (en cours de formation) a été aussi opéré. 110 auxiliaires de justice (personnel des greffes: greffiers en chef, greffiers, secrétaires de greffes et parquets) ont aussi été recrutés. Cette action de promotion des ressources humaines a été accompagnée d'une stratégie de modernisation des infrastructures: équipements, informatisation, constructions de nouveaux édifices...

Une réalité dont la parfaite illustration est fournie par quelques chiffres relatifs à l'année 2006. En effet, vingt-deux marchés sur appel d'offres et 16 consultations ont été initiés par le ministère de la justice pour un montant global légèrement supérieur à 800 millions d'ouguiya. Cette enveloppe a permis l'acquisition de matériels et mobiliers de bureau, de véhicules et moyens de transport, de travaux et réparations de bâtiments, d'équipement de la nouvelle maison d'arrêt de Dar Naim... Des progrès incontestables ont été réalisés, même si le chantier reste encore largement ouvert dans la mesure où 19 mois de transition ne pouvaient permettre de réparer plusieurs dizaines d'années de sabotage organisé de l'appareil judiciaire.

* 31 Ordonnance n°83.144 du 23 juin 1983 portant réorganisation de la justice, JORIM du 29 juin 1983 , p. 376 et s

* 32 Comité militaire pour la justice et la démocratie

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon