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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Première partie :

Les fondements de l'indépendance de la justice

Chapitre préliminaire : Aperçu sur l'évolution de la justice en Mauritanie

La Mauritanie a été colonisé pendant plusieurs années par la France dont les administrateurs ont, à plusieurs reprises, tenté vainement de supprimer les institutions judiciaires mauritaniennes traditionnelles héritées de la religion musulmane. En effet, s'étant très tôt rendu compte que la ténacité du système judiciaire autochtone, les Français devaient opter pour l instauration d'une colonie de territoire au lieu de celle des peuplements,instituée dans toute l'Afrique occidentale française (AOF).Par cette politique, la justice de «droit musulman » ou justice autochtone conserve son champs d'application de prédilection,à savoir les litiges qui relèvent du droit musulman au grand bonheur des population locales qui y voyaient une concession arrachée de haute lutte au colonisateur, la ? justice moderne? ou le droit français se spécialisant dans les conflits de nature économique et ceux concernant l'Administration et les colons1(*).

En Mauritanie, la justice a connu trois périodes nettement distinctes au cours de laquelle elle a épousé les contours des forces au pouvoir. Il s'agit, notamment,de la justice précoloniale de type traditionnel (Section 1), de la justice coloniale mise en place par les autorités françaises pendant la colonisation (Section 2) et de la justice postcoloniale mise en place par les pouvoir publics mauritaniens dès l'accession du pays à l'indépendance jusqu'à ce jour avec les différents changement que celle ci a pu connaître (Section 3)

Section 1 : La justice précoloniale

La structure précoloniale de la Mauritanie ne la prédestinait pas à l'organisation d'un système judiciaire centralisé de type moderne. Composée de tributs nomades connues pour leurs migrations chroniques. Elle avait justifié un modèle de justice simplifié (paragraphe 1) dont le fonctionnement connaîtra des imperfections (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Présentation du système judiciaire précoloniale

Dans la Mauritanie précoloniale,on peut distinguer deux phases dont la conversion à l'islam est la cause. Avant le début du 11ème siècle, en Mauritanie comme partout en Afrique,les litiges étaient réglés dans le cadre d'une justice coutumière (A) dont le fonctionnement connaîtra des imperfections (B)

A. La justice coutumière

La justice coutumière est générée par une société essentiellement nomade, dans laquelle le groupe est la référence première, où l'individu est très fortement intégré dans les structures familiales ou claniques2(*).La règle de droit émane du groupe par consensus pour être intériorisée et pratiquée. Le droit a pour fonction de garantir le statut quo en maintenant la paix sociale par la référence à des normes, la plupart du temps, coutumières. Lorsque le litige survient entre les membres du groupe, on a recours à un juge qui se veut, avant tout pacificateur3(*). Ce dernier doit utiliser toutes ses qualités humaines pour remplir sa mission qui fait de lui la conscience morale de la société4(*).

La procédure, dans le cadre de la justice de l'époque,est orale et informelle,fondée sur une méthode dialectique. De la libre discussion sur le juste partage et la bonne conduite se dégage la solution de droit. Le droit de chaque partie au procès est prouvé au terme d'un échange d'opinion qui conduit au prononcé d'une décision soumise à l'approbation des membres du groupe5(*). La conversion du pays à l'islam au début du 11ème siècle et la création de l'empire Almoravide en 1038 allaient constituer le début de la transformation des rapports entre les citoyens et par conséquent, le mode de règlement des litiges.

B. La justice cadiale

La conversion de la Mauritanie à l'islam par les Almoravides devait permettre l'instauration d'une justice fondée sur un cadi omnipotent (1) dont les limites se manifesteront à travers le déclin de son autorité causée par l'affaiblissement du pouvoir central musulman (2)

1. L'omnipotence du cadi :

L'histoire de la période des Almoravides reste encore mal connue, surtout en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques, administratives et judiciaires. Cette situation est due,sans doute,au manque des documents écrits,car la civilisation était caractérisée par l'oralité. C'est pourquoi,pour reconstituer l'histoire de la Mauritanie, on a recours au dépouillement des notes,rapport et essais des premiers explorateurs européens. Une autre source non négligeable, est constituée par les témoignages recueillis auprès des anciens gardiens de la tradition orale. Il est certain que le récit des événements recueillis par cette méthode ne peut pas rendre fidèlement compte du fonctionnement des institutions de cette époque,il doit être pris avec réserve, car le risque de dénaturation est possible. La preuve en est que la version mauritanienne et marocaine sur la création de l'empire des Almoravides n'est pas la même6(*). En tout état de cause,malgré le flou qui entoure cette période, une chose est sûre, le règne de cet empire n'a pas duré longtemps, du moins en Mauritanie. Il s'est effondré à la fin du même siècle par la mort d'Aboubekr ben Amer7(*). Depuis lors et jusqu'à la pénétration des français dans le pays au début du XXème siècle, la Mauritanie n'a jamais connu le règne d'un pouvoir qui incarnait l'existence d'un Etat au sens juridique du terme8(*). La tentative de création d'un tel Etat faite, par l'imam Nacerdine, s'est soldée par un échec provoquant sa mort dans la célèbre guerre de « Charbabou » au XVIème siècle, et qui a permis le partage du pays en provinces par les tribus de Béni Hassan vainqueur de la dite guerre pour aggraver une telle situation de désordre. En dépit de toutes ces mutations, la juridiction du cadi, instituée depuis la création de l'empire et exercée par son chef spirituel9(*),a pu continuer d'exister comme la seule et unique instance de règlement de différents. Cette juridiction constitue la base de l'organisation judiciaire dans la majorité des pays musulmans. Elle est fondée sur le cadi qui est en principe, un homme honnête et pieux connaissant des règles de droit musulman dégagées par la doctrine du rite malékite10(*) dont se réclame le peuple mauritanien.

Le cadi est un homme auquel la société confère la fonction de la judicature. Arbitre et juge, il est aussi un notaire, un protecteur des incapables et un contrôleur de l'exercice du culte11(*). Il juge seul, en principe, tous les litiges sans appel. Par respect des consignes de la religion, les jugements qu'il rend sont exécutés par les parties12(*). Plus qu'un simple juge dans le sens actuel du terme, le cadi est un « super juge » dont l'autorité et l'ascendant moraux découlaient directement des principes religieux. Pour cela, il était religieusement convaincu du bien fondé de la valeur de ses jugements ; les justiciable l'étaient aussi bien que lui par le fait de l'union spirituel existant entres eux. Eu égard à l'importance de ses attributions, la doctrine exigeait par sa nomination dans les anciens empires musulmans,certaines conditions. Il devait avoir de grandes connaissances en matière de droit musulman ainsi que la capacité d'élaborer des règles juridiques, c'est-à-dire « Moudjahid ». A partir du VIème siècle de hégire, cette dernière qualité n est plus exigée.

En raison de la qualité de moudjahid (créateur de la règle de droit), exigée pour être nommé cadi et l'inexistante des règles codifiées de droit musulman, car ce droit n'étant pas au début de son élaboration, les cadis jugeaient librement et selon leur conviction personnelle tout en observant les principes fixée par le coran et la sunna. Leur jurisprudence sera souvent citée par les auteurs musulmans pour appuyer leur doctrine. La plupart des maîtres doctrinaux de droit musulman ont exercé la fonction de cadi au moins pendant un certain temps. Cependant avec l'évolution du monde et des moeurs les pratiques cadiales deviennent inadaptées aux réalités actuelles surtout sous l'influence du droit moderne et au fur et à mesure qu'on s'éloigne des premiers siècle de l'islam, l'on se rend compte que l'autorité du cadi n'est plus aussi importante qu'avant.

2. Le déclin de l'autorité du cadi

Au début de la révélation de l'Islam, en raison du caractère religieux de la fonction de la judicature, les jugements que rendaient les cadis étaient considérés comme l'expression de la volonté religieuse et, a ce titre, leurs exécutions constituaient une obligation religieuse13(*). C'est ainsi qu'aux premiers siècles de l'islam,où l'attachement à la foi était encore fort, l'exécution des jugements que rendaient les cadis se faisait volontairement et sans l'intervention des contraintes. Plus tard, après l'expansion de l'Etat musulman et la disparition temporelle du calife, l'édifice juridictionnel à essence religieuse se trouva déséquilibré. Le cadi n'a plus la force qui lui permettait de faire exécuter ses décisions. L'esprit religieux de la justice ne correspond plus d'ailleurs aux tendances de la nouvelle monarchie musulmane. Comme dans d'innombrable contrées musulmanes14(*), la justice dans la Mauritanie précoloniale, était rendue par les cadis et des « foughahas ». Mais cette justice comportait une double limite. D'une part, en raison de l'organisation sociale, beaucoup de litiges trouvaient leur solution en dehors du droit, par la concertation ou la conciliation entre les différentes tribus. Les rapports communautaires étaient en effet, largement dilués dans le cadre tribal de telle sorte que la société était dominée par des rapports collectifs et communautaires. Dans les litiges entre tribus, on privilégie généralement la concertation ou l'affrontement plutôt que le recours à une quelconque juridiction. D'autre part, et dans le prolongement de cette situation  il n'y en avait pas d'autorité politique centrale suffisamment forte et organisée pour rendre obligatoire l'exécution des jugements rendus par le cadi. En l'absence de cette autorité politique (représentée par le guide spirituel des croyants désignés sous le non d'imam par référence à la place qu'il occupe au sein de la société en dirigeant la prière) qui délègue le pouvoir de juger au cadi, les décisions de ce dernier n'avaient aucune force contraignante. Des raisons propres à l'histoire de la Mauritanie15(*).

* 1 MM.Y. ABDELWEDOUD : ?Le système judiciaire mauritanien avant l'indépendance?RJPIC n° 1,2001, p.88 et ss

* 2 J. ARNAUD : ?La Mauritanie?, PUF 1975 , Coll. Que sais-je ?p.15 et ss

* 3 Cf. C.A.AHMED BABOU : ?Le système judiciaire mauritanien?, Thése, Orleans 2001, p.21 et s

* 4 M KAMTO : ?Pouvoir et droit en Afrique noire, essai sur le fondement du constitutionnalisme dans les états d'Afriques noires francophones?, Paris LGDJ 1987, p.19 et s

* 5 G.POULET : ?les maures de l'AOF? , Paris,Pedone 1984,p.19 et s

* 6 Voir en ce sens R. CORNEVIN : ?Histoire de l'Afrique noire francophone et l'importance des sources orales? cahier de l'histoire, Paris 1969 , n°66, p.127 et s

* 7 Cet homme est le fondateur politique de l'empire. Il a hérité du commandement après ma mort de son frère en 1056, voir dans ce sens A.CHEIKH  Colloque sur les Amoravides, Université de Nouakchott du 12 au 16 mars 1998 ; B. COULIBALY : Les biens publics en républiques Islamique de Maurtitanie ? Thèse Orleans 1985, ou l'auteur a reservé un chapitre à l'histoire de la Mauritanie dans lequel il a traité le debut de l'éffondrement de cet empire.

* 8P. PIQUEMOL : ? La république Islamique de Mauritanie? , CNRS 1969, p.7 et s.

* 9 Abdallah Ibn Yacin, voir en ce sens M.E. SAAD : ?L'histoire de la jidicature mauritanienne de l'ére des almoravides à l'indépendance? éd IMRS Nouakchott 1997, p12 er s

* 10 G SURDON : ?Precis élémentaire de droit musulman de l'école malekite d'occident? Tanger-Fès 1935, p20 et s

* 11 I. GOLZIHER : ? La tradition musulmane? Paris Maisonneuve et Larose 1984,volume 1 p 47

* 12 B. BOITIVEAU ? Loi islamique et droit dans les sociétés arabes? Paris Kartala 1993. p.28 et s

* 13 L. MILLOT et F. P. BLANC : Introductions à l'étude du droit musulman? ,op. cit. p. 542 et s :E. TYAN : ?L'histoire de la jidicature en pays de l'islam? op. cit.p.146 et s

* 14 Voir TYAN : ?Histoire de l'organisation judiciaire en pays d'islam?, 2ème ed. 1961 . p 17 et s

* 15 Aux relations notament( entre autres) qui existaient entre guerriers et gens du livre , voir en ce sens J.L BALANS op. cit. p. 30 et s et Ph MARCHESIN op. cit. p21 et s.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery