Paragraphe 2 : Difficultés de mise en oeuvre
des stratégies
Il serait faut de dire que les stratégies
définies plus haut sont facilement mises en oeuvre. En effet, plusieurs
causes enfreignent la mise en oeuvre des stratégies. Certaines sont
intrinsèques aux multinationales elles-mêmes, d'autres sont
extrinsèques.
a) Difficultés intrinsèques aux
multinationales.
Dans le processus d'exploitation du
pétrole, qu'elle soit offshore ou on shore, la protection de
l'environnement n'y fait pas partie. C'est lorsque, pour la plupart des temps
qu'on a terminé les différentes phases que l'on pense aux actions
de protection de l'environnement. Il s'agit alors de la gestion des
déchets ou de la réhabilitation ou de la remise en l'état
des sites. Comme on peut le constater, toutes ces opérations
n'interviennent qu'à la fin des opérations. Cette
déconnection de la protection de l'environnement au processus
d'exploitation fait que malgré la volonté de protéger
l'environnement, les multinationales reviennent peu sinon pas en arrière
pour gérer les questions d'environnement. L'idéal serait que la
protection de l'environnement soit inclus dans le processus et que les
études d'impact sur l'environnement soient bien menées en amont
afin que les problèmes qui se posent en aval ne connaissent pas
difficile pour traitées.
Il est souvent difficile dans ces conditions de redonner
à la nature tout ce qu'elle avait de naturel sans qu'il n'y ait pas de
ratés.
Les multinationales pétrolières
sont des acteurs commerciaux internationaux. La protection de l'environnement
est une question qui nécessite la mobilisation de beaucoup de fonds.
Pour se faire, les multinationales doivent soit prelever à chaque
étape de l'exploitation des pourcentages en vue de la protection de
l'environnement. Ce fait n'arrange pas les opérateurs que sont les
multinationales. Car tout opérateur économique ne poursuit qu'un
seul but : le profit.
Ces dépenses colossales pour les questions
environnementales font que les multinationales ne prêtent pas toujours
attention aux problèmes d'environnement ou quand elles le font, les
solutions apportées ne sont pas à la hauteur des
problèmes. Ainsi, Total Congo par exemple, comme nous l'avons
évoqué plus haut, a dépensé en 2003 et pour le seul
site de la rivière rouge, 1,5 millions d'euros. Et tous les ans, Total
Congo emploie entre 3 et 4 milliards d'euros pour la protection de
l'environnement, alors que l'Etat congolais ne consacre que 362 millions de
francs CFA soit 550000 euros48.
En dehors de la protection de l'environnement par des
actions préventives, il y a également un autre volet lié
la réparation des accidents. La réparation des accidents
environnementaux peut même entrainer la faillite d'une entreprise. En
effet, la réparation des accidents n'est chiffrée qu'en millions
ou même en milliards selon les cas.
En 2001 par exemple, le filet d'un bateau de pêche
s'accroche à la vanne de la bouée où les cargos viennent
s'amarrer au large pour être chargés. 15000 barils
s'échappent, l'amende est fixée à 150 millions de francs
CFA.
Cette difficulté à laquelle sont
confrontées les multinationales se trouve réconforté ou
même favorisée par une opinion publique qui n'accorde pas une
attention particulière aux « préoccupations
d'environnement ».49
b) Difficultés extrinsèques
Plusieurs causes extrinsèques aux multinationales
pétrolières expliquent la difficulté de mise en oeuvre des
stratégies définies.
D'abord la notion même de l'environnement, si
elle intègre aujourd'hui les politiques des multinationales
pétrolières, elle demeure encore male comprise d'elles et des
populations de l'Afrique centrale. En effet, le droit de l'environnement ou
l'environnement lui-même font l'objet de beaucoup
d'interprétations. Ce foisonnement des définitions et des
interprétations de la législation environnementale crée
une confusion au niveau des multinationales. Aussi, dans leurs chartes, leurs
codes de conduite ou même dans leurs déclarations, elles ne font
état que de l'aspect lié au respect de l'environnement. Ainsi,
il n'est pas rare de lire dans leurs codes de conduite « ....veille
au respect des environnements »50 des pays dans lesquels
elles sont implantées.
Par contre, elles délaissent l'aspect du droit
à l'environnement. Faute de cette connaissance, les actions en faveur de
la protection de l'environnement sont menées en dehors de la
considération de la vie humaine donc du droit à
l'environnement.
48 - Voir Budget d'investissement de l'Etat congolais exercice
2003
49 - Loi française N°76 - 629 du 10 juillet 1976
relative à la protection de la nature, art 2 al 1er
« Les travaux et projet d'aménagement qui
sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent
une autorisation ou une décision d'approbation ainsi que les documents
d'urbanisme doivent respecter les préoccupations
d'environnement ».
50 - voir le code de conduite de TotalFinaElf, le principe
10.
Ensuite, l'absence d'une bonne connaissance des
milieux dans lesquels elles opèrent constitue un handicap pour la
protection de l'environnement. Les actions qui sont menées ne concernent
que l'environnement immédiat, alors que la destruction de
l'environnement a des effets différés ou à long terme
très graves pour la santé humaine ou les milieux physiques. Tel
en est le cas de l'effet de serre. Car l'interdépendance est l'un des
critères du droit de l'environnement. Un incident environnemental
produit en Afrique centrale peut avoir des répercutions dans le reste
du monde. La mobilisation pour la protection des forêts amazoniennes et
celles du bassin du Congo illustre bien cet aspect de chose.
Enfin, l'environnement n'est pas une abstraction ou
une création de l'homme. Quelque soit cette volonté de le
protéger, l'action de l'homme ne lui donnera qu'un aspect artificiel.
Dans ces conditions, la vraie protection de l'environnement devrait se faire
par des actions préventives de sensibilisation ou de mobilisation contre
des atteintes dont-il est victime. D'où la difficulté des
multinationales pétrolière à appliquer les
stratégies définies, au motif qu'elles ne sauraient
décider à la place de l'autorité politique détenue
par les Etats eux-mêmes.
Cependant, l'environnement est une notion male
comprise tant par les populations que par les Etats d'Afrique centrale. En
Afrique centrale, l'environnement est un concept qui fait partie des mots
savant lorsqu'on emploie auprès des populations. Il est
réservé aux têtes bien faites alors que les
conséquences de sa dégradation touchent surtout les
défavorisés qui sont exposés aux impacts tant
environnementaux que socio sanitaire.
L'action de protection de l'environnement est une action
laissée à l'initiative des quelque ONG encore à la
recherche d'identité et d'affirmation. La population pour elle s'en
remet à l'Etat à qui, selon revient l'initiative de protection de
l'environnement. Les populations ignorent leur droit à l'environnement,
cela est d'autant plus vrai par le simple fait que rares sont les cas de
saisine du juge pour atteinte à l'environnement.
Au niveau de l'autorité politique cependant
plusieurs initiatives louables ont été prises. La signature des
accords sous régionaux en est un exemple.51
Ces accords, faute d'une application effective dans
chaque pays deviennent du « droit dormant » 52.
Ce droit dormant n'incite pas les multinationales pétrolières
dans le sens de la protection de l'environnement. Pourtant dans d'autres
continents, notamment l'Europe et l'Amérique ce sont ces accords ou ces
conventions cumulés avec l'action des ONG qui incitent les
multinationales à oeuvrer pour la protection de
l'environnement.53
51- ces accords ont donné naissance aux institutions
comme la COMIFAC, ECOFAC et bien d'autres initiatives
52 - Voir Maurice KAMTO précité.
53 - voir le travail de Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM
précité.
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