Section 2 : Les stratégies externes
Dans le but de protéger les environnements dans
lesquels elles opèrent, les multinationales pétrolières
sensibilisent le public sur cette question (Paragraphe 1) et appuient les
actions sous régionales de protection de l'environnement (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La sensibilisation du public
La sensibilisation du public aux questions environnementales
découle de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès
à l'information, la participation du public au processus
décisionnel et l'accès à la justice en matière
d'environnement.
a) La notion de public
La définition de la notion de public diffère
à travers les textes.
La convention d'Aarhus introduit une distinction entre les
notions de « public » (art 2 - 4°) et de
« public concerné » (art 2 - 5°).
Le public selon ladite convention,
« désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales, et,
conformément à la législation ou à la coutume du
pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces
personnes ». Quant au public concerné, il est formé par
« le public qui est touché ou qui risque d'être
touché par les décisions prises en matière d'environnement
ou qui a un intérêt à faire valoir à l'égard
du processus décisionnel ». Toutefois, une présomption
d'intérêt est posée au bénéfice des
« ONG qui oeuvrent en faveur de la protection de l'environnement et
qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit
interne » : elles sont « réputées avoir
un intérêt »37
Le public est donc entendu très largement38,
mais on peut ne pas être absolument convaincu par l'opportunité de
distinguer entre « public » et « public
concerné ». En effet, une redondance est nette entre le
« public concerné » de forme associative
réputé avoir un intérêt du paragraphe 5 de l'article
2 et les « associations, organisations ou groupes
constitués », « personnes (...) morales »,
du paragraphe 4 du même article. Tout au plus peut-on inférer que
le « public concerné » désigne les personnes
physiques ou morales plus directement affectées matériellement ou
à l'égard de leurs buts par les décisions
environnementales, mais sans que le régime institué
ultérieurement par la convention n'établisse de privilège
net en sa faveur au plan de la procédure administrative non
contentieuse.
37 - voir la contribution de Gérard MANEDIAIRE au
Séminaire International de Droit de l'Environnement : Rio + 10,
sous le thème Mondialisation et Droit de l'Environnement, Page 33.
38 - voir en particulier le paragraphe 9 de l'art3 de la
convention (Dispositions générales) qui exclut toute condition de
nationalité, de citoyenneté, de domicile pour les personnes
physiques, et fait de même, mutatis mutandis, pour les personnes
morale.
La directive communautaire de 2001 quant à elle est
beaucoup plus lapidaire dans sa définition du public. Selon l'article 2
(Définitions), le public désigne « une ou plusieurs
personnes physiques ou morales, ainsi que, selon la législation ou la
pratique nationale, les associations, organisations et groupes rassemblant ces
personnes ».
b) Les moyens de sensibilisation.
Plusieurs moyens sont employés à cet effet pour
informer le public. Il peut s'agir de la sensibilisation de proximité
lors surtout des études d'impact, de la sensibilisation à travers
les médias, les séminaires et les ateliers, les forums ou encore
les journées portes ouvertes.
TotalFinaElf a depuis longtemps compris la
nécessité de sensibiliser le public sur ses activités.
Ainsi, à travers sa fondation, le Group a développé une
mission d'informer et de sensibiliser le public sur les enjeux de la
biodiversité et l'utilisation rationnelle des ressources naturelles. Le
Groupe informe également le public sur la dangerosité de
certaines installations.
Sans attendre l'élaboration de la loi,
certaine entités ont déployé des programmes d'action
volontaires pour améliorer l'information du public et des acteurs locaux
(élus, écoles, entrepreneurs voisins, etc.). Ainsi, Atofina,
pôle chimie du Groupe, a lancé en juillet 2002 la démarche
« Terrains d'Entente« qui a donné lieu déjà
à des actions d'information variées et originale : visite
d'élus, échanges avec les écoles, etc.
Depuis plusieurs années, les sites
industriels du Groupe que ce soit en France ou à l'international,
mettent en oeuvre de nombreuses actions d'information de proximité.
L'usine Atofina (branche chimie du Group Total) de Crosby au Texas (Etats-Unis)
est très impliquée dans les organisations économiques ou
sociales. Elle édite des brochures et un journal d'information à
destination des riverains et organise une coopération très active
avec le milieu enseignant. A Feluy en Belgique, la mise en service d'une
nouvelle unité de production de polypropylène (PP3) a
été accompagnée par des journées portes ouvertes.
Un film original «PP3 : l'enquête« a permis d'aborder avec
les riverains et les employés du site les impacts de cette
réalisation sur la sécurité et l'environnement.
Considéré en Afrique centrale cependant,
ce principe connaît beaucoup de limites malgré l'affirmation des
déclarations en ce sens39.
39 - voir à ce sujet la déclaration de
Brazzaville du 30 mai 1996 qui évoque « la
nécessité d'impliquer d'avantage les populations autochtones, les
collectivités locales, les organisations non gouvernementales.....dans
la conservation et la gestion des écosystèmes »
(Paragraphe 9, Déclaration issue de la CEDHAC)
Voir aussi la Déclaration de Yaoundé des chefs
d'Etats du 17 mars 1999 qui précise la volonté des Etats
d'Afrique centrale de renforcer les actions visant à accroître la
participation rapide des populations et des autres acteurs dans le processus de
gestion durable et de conservation des écosystèmes forestiers
Le public ou le public concerné selon les cas n'est pas
effectivement sensibiliser. Cela s'explique par plusieurs raisons et notamment
de l'organisation de ce public en occurrence les ONG. Ces ONG sont
limitées dans leurs missions. Cela tient à certaines entraves
intrinsèques mais aussi à d'autres extrinsèques.
Des faiblesses intrinsèques résultent
entre autre aux finances et aux ressources humaines.
Qu'il s'agisse des ONG nationales ou internationales
présentes dans la région, l'on note d'une manière
générale que l'absence ou l'insuffisance des moyens financiers ou
matériels constitue leur faiblesse majeure, d'où une
dépendance poussée à l'égard des financements
extérieures.
Beaucoup d'ONG en Afrique centrale qui sont nées
dans la mouvance des années 1990 répondaient plus à un
besoin d'opportunisme qu'à une connaissance réelle des
problèmes environnementaux. Aussi, ces ONG sont-elles souvent de
« petits cercles d'amis » sans aucune qualification.
Par ailleurs, le personnel des ONG est également
flottant et instable tantôt il s'agit des fonctionnaires de l'Etat
déjà très occupés, tantôt des
étudiants en quête d'un travail temporaire, tantôt encore
d'hommes d'affaires pour qui la gestion de l'ONG ne constitue qu'un passe
temps40.
Des faiblesses extrinsèques sont dues
à la marginalisation.
Les ONG nationales sont très peu impliquées et
consultées lors des activités de gestion de l'environnement.
Elles ne sont pas considérées comme partenaires efficace ni par
l'Etat qui déjà les redoute, ni par les bailleurs de fonds moins
encore par les ONG internationales41.
En dehors de cet aspect, lorsque le public arrive
quand même à être informé et consulté, cas
très rares d'ailleurs, son avis est difficilement, sinon pas pris en
compte.
Ainsi par exemple, les dénonciations faites au
consortium en charge de la construction de l'oléoduc sus cité
entre le Tchad et le Cameroun par le public n'ont jamais été
prise en compte et la population et l'environnement en sont victimes. Il en est
de même pour les activités pétrolières des terminaux
de Djeno, de Kribi et du champ de Gamba ou les timides dénonciations
faites ne retiennent jamais l'attention des pétroliers.
Faute d'une population sensibilisation effective enfin,
les populations n'hésitent pas à fréquenter et à
circuler aux alentours des installations dangereuses. C'est ainsi qu'au mois de
juin 2007 un incendie a été déclaré sur les
installations de TotalFinaElf à Pointe-Noire causant la mort à
deux pêcheurs.
40 - Selon Elena CORSI, Intervention à l'atelier de l'OCDE
sus cité, cela s'explique aussi par le fait que « les liens
forts entre le secteur public et multinationales du pétrole
marginalisent dans certaine mesure les communautés locales et la
société civile, souvent males organisées et
divisées ».
41 - voir Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM, mémoire sur le
thème «Les ONGO et la protection de l'environnement en Afrique
centrale, sous la direction de Gérard MONÉDIAIRE
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