2.3 PARLER
DE SON EXPÉRIENCE
· Hypothèse 3 : Les entretiens
de recueil du vécu répondent à un besoin des patients de
parler de leur expérience d'isolement.
Il est frappant de constater que 83% des patients n'ayant pas
bénéficié de ces entretiens le regrettent alors que ceux
qui en ont bénéficié n'en voient finalement pas tellement
l'utilité.
Ces chiffres sont en contradiction avec les résultats
obtenus par ailleurs qui montrent nettement que les temps d'élaboration
permettent aux patients d'aller plus loin dans la réflexion et de
prendre de la distance par rapport à leur expérience.
Les réponses des 3 patients qui affirment ne pas se
souvenir de cet entretien sont peut-être à mettre en lien avec
celles des 2 patients qui se sentent intrusés.
Il pourrait en effet s'agir d'une forme de
méfiance envers le psychologue dont on se demande quelles sont
vraiment ses intentions : A quoi servent ces entretiens ? S'agit-il
vraiment d'aider les patients ? De les étudier à leur
insu ? De faire une étude ? A la lecture de la synthèse
réalisée par P. Perret, on constate que les objectifs sont en
effet de plusieurs ordres : évaluation, feed-back à
l'équipe et debriefing du patient. Même si ces entretiens sont
présentés au patient comme un temps d'échange,
peut-être serait-il utile de réinterroger ces objectifs dans une
optique de clarification.
Une autre hypothèse est que, bien qu'extérieur
à la démarche d'isolement, le psychologue est
repéré comme faisant partie de l'équipe soignante et peut
être soupçonné de "collusion". Pour le patient B en
particulier, peut-être est-ce une façon de manifester sa
rancune envers l'équipe qui l'a isolé, en attaquant
l'idéal soignant : "ce que vous faites ne sert à rien".
Cet "oubli" qui ressemble fort à du déni
pourrait aussi être une forme de revendication : il
s'agirait alors de signifier que parler n'est pas suffisant. L'entretien de
recueil du vécu ne vient sans doute pas atténuer le ressenti des
patients et c'est peut-être ce que veulent dire les patients :
"parler du vécu n'empêche pas que l'isolement soit une
expérience pénible".
Les propos des patients qui n'ont pas
bénéficié d'un entretien montrent en tout cas que le
besoin existe véritablement de parler de son expérience.
2.4 EN
BREF
Concernant les 4 points de l'hypothèse
1 :
1a) Les patients ont un ressenti
globalement négatif de leur séjour en CI. L'hypothèse est
vérifiée d'un point de vue descriptif.
1b) Si pour 82% des patients la CI
n'est pas un soin intensif, certains perçoivent cependant l'intention de
soins. L'hypothèse n'est que partiellement vérifiée.
1c) La représentation que les
patients ont de l'utilité de la CI se rapproche de ce que les soignants
auraient eux-mêmes pu en dire. L'hypothèse n'est pas
vérifiée.
1d) Les patients déclarent
à 73% n'avoir pas eu de temps de parole en CI. D'un point de vue
descriptif, l'hypothèse est vérifiée.
Concernant les 4 points de l'hypothèse
2 :
2a) Avoir
bénéficié d'un temps d'élaboration ne diminue pas
la pénibilité du ressenti des patients. Néanmoins il
semble que les patients sont mieux à même de donner du sens
à leur expérience. L'hypothèse n'est pas
vérifiée.
2b) Les patients ayant
bénéficié d'un temps d'élaboration semblent mieux
percevoir les caractéristiques du soin en CI. L'hypothèse est
vérifiée d'un point de vue descriptif.
2c) Les patients ayant
bénéficié d'un temps d'élaboration cernent mieux
les objectifs de la CI. L'hypothèse est vérifiée d'un
point de vue descriptif.
2d) Alors que 73% des patients disent
ne pas avoir eu de temps de parole en CI, les patients ayant
bénéficié d'un temps d'élaboration semblent
être plus conscients des difficultés des soignants.
Les résultats vont dans le sens de
l'hypothèse.
Concernant l'hypothèse 3
(complémentaire)
Alors que les patients du groupe TE- sont en demande de ce
type d'entretien, les patients TE+ disent ne pas en voir l'utilité, ce
qui est en contradiction avec les résultats précédents. Si
l'on considère ces réponses comme une forme de déni, les
résultats vont dans le sens de l'hypothèse.
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