Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte( Télécharger le fichier original )par Charlotte Mouillerac Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007 |
8.2 EFFETS THÉRAPEUTIQUES DE LA CHAMBRE D'ISOLEMENTL'isolement est une pratique reconnue pour ses effets thérapeutiques depuis les débuts de la psychiatrie. Esquirol disait à ce sujet :« L'isolement des aliénés, séquestration, confinement, consiste à soustraire l'aliéné à toutes ses habitudes en l'éloignant des lieux qu'il habite, en le séparant de sa famille, de ses amis et de ses serviteurs, en l'entourant d'étrangers, en changeant toute sa manière de vivre. L'isolement a pour but de modifier la direction de l'intelligence et des affections des aliénés c'est le moyen le plus énergique et ordinairement le plus utile pour combattre les maladies mentales. [...] L'isolement est une vérité pratique, dont la nécessité et l'utilité sont mieux senties surtout si l'on est persuadé que l'aliéné n'est privé ni de sensibilité, ni d'intelligence. »73(*) 8.2.1 PRÉ-REQUIS À UNE BONNE UTILISATION DE LA CHAMBRE D'ISOLEMENTL'utilisation de la chambre d'isolement devrait toujours être pensée en terme de bénéfice/risque : Ø Risque que l'on prend en n'isolant pas (de rupture de soin, d'aggravation des troubles, de passage à l'acte auto ou hétéro agressif, de transmission de l'angoisse...). Ø Risque que l'on prend en isolant (de rupture de l'alliance thérapeutique, de majoration de l'angoisse...) Ø Bénéfice à isoler (pour l'équipe, pour le patient) Ø Bénéfice à ne pas isoler... Pour J.P. Vignat, l'isolement doit respecter des règles essentielles : Ø Une chimiothérapie doit permettre de réduire l'excitation et l'angoisse ; Ø Le patient doit recevoir une information claire et précise ; Ø L'équipe soignante doit être convaincue que l'isolement est une mesure thérapeutique et au clair avec ses contres attitudes envers le patient et la notion d'isolement. 8.2.2 DIFFÉRENTS POINTS DE VUED'après J.P. Vignat74(*), l'isolement renvoie à certains acquis théoriques : Ø L'isolement est une mesure thérapeutique ; Ø Le rôle, l'attitude des soignants, les procédures de surveillance et de soins ont plus d'importance que le cadre matériel lui-même ; Ø « L'isolement a un effet protecteur, en offrant au patient un écran vis-à-vis des interactions maléfiques liées à la persécution délirante. L'effet contenant réduit la dispersion des contenus psychiques et le morcellement paranoïde ». Ø La baisse des stimulations et la présence des soignants ont une fonction de pare excitation ; Ø Le patient est isolé des autres patients mais pas de l'équipe soignante ; Si Line LeBlanc, Ph.D. du département de psychoéducation et de psychologie de l'université du Québec, recensant une quarantaine d'articles, principalement nord-américains, conclut qu'un consensus existe sur la nécessité de réduire le recours à l'isolement thérapeutique en psychiatrie, ce consensus est dénoncé par certains auteurs. Il serait le fait d'une levée de boucliers contre la CI suite au décès d'un patient aux Etats-Unis en 1998. Selon Ziegler et Silver75(*), le politiquement correct en vigueur depuis cette date a donné trop de relief aux critiques subjectives, aux dépens de recherches sérieuses sur l'efficacité thérapeutique de l'isolement et de la contention. Les questionnaires adressés aux patients et au personnel ne s'intéressent qu'à leurs impressions concernant le dispositif et ignorent leurs impressions concernant le résultat obtenu. Une étude de Binder et Mac Coy76(*) de 1983 révèle que 50% des patients qui affirmaient avoir eu une mauvaise expérience de la contention reconnaissaient cependant qu'elle avait été "nécessaire ». Certaines opinions fréquemment citées pour démontrer l'aspect nocif de ces méthodes n'ont aucun support scientifique. Selon eux : Ø Contrairement à ce que suggère l'expérience clinique, aucune étude ne confirme ou n'infirme la validité des deux indications généralement proposées (isolement ou contention inclus dans un programme thérapeutique et gestion d'un comportement violent). Ø Le support scientifique des recherches concluant à des effets nocifs de ces méthodes se résumerait à des réponses à des enquêtes d'opinion. Ø Dans une étude de 1992, 50% des Etats d'Amérique statuaient que la contention avait une valeur thérapeutique. En 2000, les Etats réfutent tous cette idée sans qu'il y ait eu pour cela de preuve dans un sens ou dans l'autre. Ø L'importance d'une bonne formation des personnels soignants est soulignée par toutes les études. Fisher W77(*), publie, en 1994, dans l'American Journal of Psychiatry, une revue des études publiées depuis 1972 au sujet de la contention et de l'isolement. Il en tire entre autres les conclusions suivantes : Ø Isolement et contention sont nécessaires pour prévenir de possibles blessures et réduire certaines agitations Ø Il est pratiquement impossible de prendre en charge certaines symptomatologies sans utiliser une forme ou l'autre d'isolement ou de contention. Ø Isolement et contention ont des effets pervers physiques et psychologiques sur les patients et sur le personnel soignant. Ces conséquences ont été amplifiées par les mouvements de lutte contre l'isolement et la contention (très actifs depuis 1998) Ø Une formation pointue des personnels soignants en terme de repérage et de prévention de la violence, de self-défense et de méthodologie d'utilisation des matériels de contention et d'isolement, permet de limiter les taux d'utilisation de ces méthodes. La CI agit de différentes manières : Ø Elle a un effet de reconstruction de l'image du corps. Ø Elle permet de structurer l'individu dans sa différenciation de l'autre. Ø Les murs de la CI sont une limite objective, « barrière à l'hémorragie pulsionnelle et narcissique 78(*)». Le cadre imposé est fiable. Il ne doit pas permettre les clivages. Ses règles sont explicites et rassurantes. Ø Elle a une action sédative reconnue. Ø Elle est, pour I. Pépier une « technique de soin par désafférentation, moyen d'une régression transitoire jusqu'à séparation laissant la place à la découverte de cet "être seul avec" »79(*). Selon Isabelle Pépier80(*), le cadre apporte aussi: Ø protection contre les stimuli extérieurs Ø protection contre le sentiment de toute puissance (effet de castration) Ø reconnaissance de la maladie (grâce au soin intensif proposé), ce qui redonne un sentiment d'appartenance à un groupe social (celui des malades), redonne un statut (la question sera ensuite de ne pas s'y perdre) Ø dépendance, dans une relation maternante La CI est ainsi le support d'une régression qui permettra de reconstruire. * 73 http://www.serpsy.org/piste_recherche/isolement/congre_isolement/lanteri.html * 74 Vignat, J.P. Conduites à tenir, Mise en Chambre d'Isolement. Document de travail contenu dans le dossier bibliographique remis par l'ANDEM, " L'audit clinique appliqué à l'évaluation de l'utilisation des chambres d'isolement en psychiatrie d'adultes " * 75 Ziegler, D./ Silver, D. Considering the literature on restraint and seclusion : Is there support that these intervention are harmful ? rccp.cornell.edu/pdfs/Zeigler.pdf * 76 Binder, R.L./ MacCoy, S.M. (1983) A study of patients'attitudes toward placement in seclusion. Hospital and Community Psychiatry. n°34. p 1052-1054 * 77 Fisher W. 1994. Restraint and seclusion: a review of the literature. American Journal of Psychiatry. n° 151. p 1584 à 1591 * 78 Pépier I. 1992. A propos de l'utilisation des chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique. Thèse de médecine. Faculté de Dijon. p 82 * 79 Op.cit. Pépier I. p 83 * 80 Op.cit. Pépier I. p 83 |
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