7.7 DONNER DU SENS
À LA VIOLENCE
La violence n'est pas que destruction. C'est au contraire le
début de quelque chose : la violence appelle à une
réaction / interaction.
Tout dépend de ce qui sera entendu et de la
réponse qui sera apportée. Le risque est en effet d'entrer dans
un cercle vicieux : violence / CI / violence / CI...
« L'oppression des uns pour la
tranquillité et le bien-être des autres... 68(*)»
La violence pose donc la question de l'agir et du sens de ce
que montre le patient.
Quand les passages à l'acte se répètent,
il devient important de changer de perspective et, plutôt que de
répondre aux actes par d'autres actes, de s'arrêter et
réfléchir.
Il arrive souvent que l'acte remplace une parole qui n'a plus
sa place (à cause de la maladie, et/ou du cadre institutionnel). Il
s'agit alors de voir la violence comme un acte qui a un sens et qui veut
dire quelque chose.
Ce peut être une façon pour le patient de
demander que l'on pose pour lui des limites quand tout en lui déborde
(ses pensées, son angoisse, son délire, sa colère...).
En attaquant le soin, qu'attaque-t-on en
réalité ? L'institution, le désespoir et la perte, la
maladie, la famille, la vie, les traitements, les effets secondaires...
Le patient violent obtient avec la CI des
bénéfices secondaires : illusion de toute puissance,
attention de l'équipe et des autres patients, mais aussi exclusion et
rejet, et donc illusion de tranquillité.
Mais la violence a aussi des conséquences à long
terme. Les passages à l'acte restent dans les dossiers et se
transmettent dans les équipes, valant au malade une réputation
qui le précède partout.
Pour sortir de la tentation du punitif vers laquelle nous
entraîne le patient violent, la CI doit devenir le médiateur d'un
véritable soin intensif, fruit d'une réflexion
d'équipe.
Des alternatives doivent être également
systématiquement recherchées, particulièrement en
matière de prévention et de formation des personnels à la
gestion de la violence.
Il est intéressant de se souvenir des mots de Balint,
quand il nous dit que le malade arrive dans le cabinet du médecin avec
une offre : il propose des idées de maladies. Il s'agit alors
d'entendre ce que propose le patient, ou bien il trouvera un autre moyen de
le dire au risque d'une escalade de symptômes et de passages à
l'acte.
8 INDICATIONS,
THÉORIES, POLÉMIQUES
8.1 INDICATIONS
L'ANAES donne une liste de 5 indications à la chambre
d'isolement :
8.1.1 PRÉVENTION D'UNE VIOLENCE
IMMINENTE DU PATIENT ENVERS LUI-MÊME OU AUTRUI ALORS QUE LES AUTRES
MOYENS DE CONTRÔLE NE SONT NI EFFICACES OU NI APPROPRIÉS.
Même si l'agressivité et la violence ne sont pas
le propre de la maladie mentale, certains symptômes tels que la
dissociation, les hallucinations, le délire de persécution, les
angoisses de mort ou de morcellement, un état maniaque... sont des
éléments qui peuvent conduire à des
phénomènes de violence tels qu'en connaît
régulièrement la psychiatrie.
Nelly Derabours souligne que « les
schizophrénies apparaissent classiquement comme un groupe
à risque, en particulier les délirants paranoïdes et les
héboïdophrènes. Les moments délirants féconds
et le début de la maladie constituent les moments les plus
risqués. L'acte apparaît généralement
immotivé, incohérent et non prémédité.
L'indifférence et la froideur affective persistent après l'acte
violent, il n'y a pas de culpabilité dans
l'après-coup. »69(*)
La tonalité des hallucinations est la plupart du
temps angoissante : voix qui disent des insultes, pensée
imposée, sensations corporelles étranges... Le monde est
perçu comme hostile et la personne peut se percevoir comme étant
en danger. Un patient agressif est souvent un patient qui pense devoir
défendre sa vie ou qui se sent harcelé et intrusé. Dans de
rares cas, l'expérience hallucinatoire peut être
considérée par le patient comme agréable car peu
envahissante, n'interférant pas avec son comportement, de contenu
positif ou mystique...
Les idées
délirantes, et particulièrement le délire de
persécution, sont parmi les symptômes qui conduisent le plus
souvent à une indication de CI.
Le délire de persécution constitue souvent le
ressort essentiel de la violence. Dans certains cas, particulièrement
dans les psychoses hallucinatoires chroniques, le passage à l'acte est
annoncé par des injures, des menaces et un début
d'exécution. Dans d'autres cas, un retrait du patient, qui cherche
à se protéger de sa propre violence, sera le signe d'une
dangerosité à ne pas prendre à la légère.
Ainsi en était-il pour ce patient, rencontré
dans un service de psychiatrie adulte, qui, persuadé que sa vie
était menacée, s'était barricadé dans sa chambre,
préparant tout un système d'auto défense avec les
éléments à sa disposition (lavabo, portemanteau, faux
plafond...) ainsi que de quoi mettre fin à ses jours au cas où
ses ennemis supposés donneraient l'assaut.
Une thématique mystique dans le cadre d'un syndrome
d'influence, un délire érotomaniaque, un délire
interprétatif dans le cadre d'une psychose paranoïaque...
peuvent faire craindre un passage à l'acte meurtrier.
Les manifestations d'agressivité des patients
psychotiques sont presque toujours liées à une majoration de
l'angoisse.
Même si elle ne permet pas le diagnostic de psychose du
fait de sa non spécificité, l'angoisse est habituelle et peut
prendre des proportions majeures.
Elle est souvent liée au vécu
d'étrangeté que rapportent les patients, confrontés
à des sensations effrayantes de changement corporel, d'hallucinations
auditives, de persécution...
Le sentiment de persécution peut mener le patient
à se sentir menacé, traqué, acculé, à
craindre d'être empoisonné, au point de devoir se défendre
physiquement.
Dans les accès maniaques, le risque de passage
à l'acte violent peut exister pour peu que l'on cherche à stopper
de manière trop radicale ses débordements psychomoteurs.
Le risque suicidaire ne doit pas être
négligé. Le risque suicidaire dans le cadre d'une pathologie
psychiatrique est associé majoritairement à la dépression,
mais aussi à la schizophrénie et aux troubles graves de la
personnalité.
La chambre d'isolement est souvent utilisée pour mettre
une personne à l'abri d'elle-même, en permettant une surveillance
plus rapprochée dans un environnement sécurisé.
* 68 Pépier,
I. (1992) A propos de l'utilisation des chambres
d'isolement dans l'institution psychiatrique. Thèse de
médecine. Faculté de Dijon. p 81
* 69 Derabours N.
(1998-1999) Violence en psychiatrie, violence de la psychiatrie,
ce qui fait violence à l'hôpital Sirocco. Maîtrise
d'ingénierie de la santé, recherche clinique, Université
Paris Val de Marne, Ecole Supérieure Montsouris
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