Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte( Télécharger le fichier original )par Charlotte Mouillerac Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007 |
7.5 LE CADREAlors que, comme le dit Kaës, « notre civilisation est construite sur la répression des pulsions et sur le renoncement », la maladie mentale fait au contraire ressurgir à grand bruit la pulsion. Contenir la pulsion est ainsi une grande part du travail en psychiatrie. Le "cadre » (cadre de soins, règlement intérieur, lois...) est là pour "encadrer » cette pulsion qui déborde. E. Goffman64(*) souligne que l'institution psychiatrique a des liens de parenté avec le monde carcéral ou concentrationnaire. Le cadre de soin auquel tout patient doit se conformer, peut ainsi être très mal vécu. Le cadre a une grande importance en psychiatrie. Son caractère contraignant y est dit contenant, voire structurant. Il est ce qui permet à une équipe de rester cohérente, et de ne pas céder au clivage. L'élasticité du cadre est ce qui en fait un support thérapeutique. Un cadre trop rigide peut en effet devenir un rempart que les soignants dressent entre eux et la psychose. Même s'il est vrai qu'on ne peut pas laisser faire n'importe quoi dans un espace collectif, il est illusoire et contre productif de vouloir que les patients adoptent un comportement standardisé et d'interdire tout débordement. 7.6 LA CRISELa décision de mettre un patient en CI est souvent liée, plus ou moins directement, à la notion de crise. En effet, une mise en CI est le plus souvent guidée par un souci de sécurité. L'institution doit tenir, faire face, montrer sa force, pour rassurer les individus (patients et soignants) sur sa capacité à maintenir l'équilibre et à les protéger : « ce n'est pas le patient qui commande », « il ne faut pas entrer dans le jeu du malade », « Tu m'insultes, tu me menaces, donc je t'enferme. » Selon Clément, la crise se définit surtout par le fait qu'elle déclenche un certain nombre de réactions inhabituelles au sein du système. « On ne traite pas le fond de la crise, mais les troubles du comportement qu'elle a engendrés »65(*), remarque-t-il. Un événement devient une crise à partir du moment où il déstabilise l'équilibre d'un système, même précaire. C'est l'effet que produit la souffrance sur autrui plus que la souffrance elle-même qui entraîne des réactions. Que ce soit par des menaces de suicide, une agitation ou de l'agressivité, le patient déborde du cadre. Il empiète. L'angoisse est contagieuse, elle agit sur les autres patients et sur l'équipe elle-même. « Dès lors qu'il est question de crise, apparaissent inévitablement en filigrane le spectre de la violence et de l'agressivité telles que perte de contrôle de soi, imprévisibilité, incapacité à gérer ses conflits, à les extérioriser autrement que par le passage à l'acte.66(*) » Le patient que l'on n'arrive pas à aider nous confronte à notre propre incapacité. Une défense contre ce sentiment d'impuissance peut être la projection : contre l'institution (et les supérieurs hiérarchiques), qu'on accusera d'être responsable de tout, mais aussi contre le patient lui-même. L'impuissance ressentie peut ainsi entraîner des mouvements de violence pensée ou exprimée contre le patient tenu pour responsable. Il existe des " espaces-poubelles ", où ces malades peuvent être oubliés : cette CI où un patient attend indéfiniment une place en UMD (unité pour malades difficiles), cette autre dans laquelle un patient fait des séjours de plus en plus fréquents et de plus en plus longs... « L'exclusion de l'institution ou la destruction de l'institution nous confronte à la mort », nous dit Kaës67(*). Une mise en CI ne devrait jamais correspondre à une exclusion du malade de ce lieu même d'exclusion que représente une unité de soins psychiatriques. * 64 Goffman, E. (1968) Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux. Paris. Ed. de Minuit * 65 Clément, P. (2001) La forteresse psychiatrique. Paris. Editions Flammarion-Aubier. p 23 * 66 op. cit. Clément, P. p 23 * 67 Kaës, R. (1987) L'institution et les institutions. Etudes psychanalytiques. Paris : Ed. Bordas. p 31 |
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