Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte( Télécharger le fichier original )par Charlotte Mouillerac Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007 |
7.4 ADAPTATION AU MONDE INSTITUTIONNELLa maladie mentale occasionne toute une série de pertes (de repères, de contrôle...) et de ruptures (sociale, familiale,...) pour la personne touchée. Elle se retrouve dans un monde angoissant et hostile, en proie à une grave crise identitaire. L'hospitalisation, qui vient la précipiter dans un environnement qui lui est étranger, ajoute à cette impression, d'autant plus si elle a été imposée contre le gré du sujet. « La maladie, l'hospitalisation peuvent revêtir ce caractère traumatique puisque ces événements impliquent la plongée du sujet dans un monde qui ne s'avère pas d'emblée intégrable à une réalité psychique préexistante et échappent, dès lors, à toute mise en représentation. »61(*) A l'hôpital psychiatrique, la phase d'initiation n'est pas toujours prise en compte. On attend parfois du patient qu'il adopte tout de suite le " bon comportement ". L'inventaire, la remise du livret d'accueil, le premier entretien d'accueil sont supposés suffire. Le patient se doit d'« adopter pour lui-même les positions normatives d'autrui »62(*). Etre hospitalisé en psychiatrie pour la première fois nécessite de s'habituer à un environnement entièrement nouveau, avec des règles parfois surprenantes. Il s'agit de renoncer à son environnement habituel, d'accepter de se soumettre à un règlement intérieur aux règles parfois asilaires. Il faut aussi apprendre à être "dans le groupe", à vivre au sein d'une communauté. Les premiers contacts avec l'hôpital psychiatrique donnent une impression d'étrangeté et d'insécurité. Le patient nouvellement hospitalisé arrive avec ses propres représentations, souvent négatives et effrayantes, issues des reportages ou des films qu'il a vu, de ce qu'il a lu dans les journaux, de ce qu'on a pu lui raconter... Les premiers patients qu'il croise dans les couloirs sont souvent les plus étranges, chroniques qui errent sans but, aux faciès souvent abîmés par des années de maladie et de neuroleptiques. Ce n'est qu'après un certain temps que l'on se rend compte qu'il y a aussi des " gens normaux ", des " gens comme soi " hospitalisés dans le service. On peut entendre que ce soit une expérience difficile pour tout un chacun, et que cela le soit d'autant plus pour un patient en crise. Antonin Artaud disait notamment : « La cohabitation avec les malades, l'atmosphère d'asile même réduit au minimum, m'impressionne et m'enlève mes dernières forces. 63(*)» La plupart des mises en CI ont lieu en début d'hospitalisation. Il est important d'entendre la difficulté de ce qui est demandé au patient (s'intégrer au service) et d'aménager ce temps d'accueil en conséquence. Parfois la CI joue ce rôle de sas d'entrée vers le soin, mais il faut alors que ce temps d'isolement soit vraiment entendu comme un temps de soins intensifs, qui permette réellement au patient de lier des liens de confiance avec l'équipe. Il faut sans doute faire une différence entre les patients " habitués " du service (ceux qui savent) et les nouveaux arrivés. Leur appréhension de la chambre d'isolement est différente. Les nouveaux arrivés ne connaissent rien du service dont l'idée du fonctionnement est laissée à leur imagination. Ils ne savent que ce qui leur a été expliqué par les soignants et ce que leur culture personnelle a pu leur apprendre de la psychiatrie. Ils sont dans le flou concernant ce qui est attendu d'eux et sur ce qui se passera ensuite. Les " habitués " ont peut-être déjà fait un séjour en CI, ou ont pu parler à d'autres patients isolés. Selon que cette première expérience aura été positive ou négative, cette nouvelle mise en CI sera plus ou moins angoissante. Même si l'on a parfois l'impression de " tout recommencer à zéro ", le patient a déjà vécu une expérience similaire. La question du rapport de force avec les soignants peut être au premier plan. (Cette fois, c'est moi qui mène le jeu...). Pour les nouveaux arrivants, ce peut être un choc assez violent, prolongé par l'incertitude de retrouver ensuite une vie normale : combien de temps cela va-t-il durer ? * 61 Olivero, A. (2003) Informer le patient en psychiatrie. Paris. Masson. p 129 * 62 Lanteri-Laura, G.
(1996) Le voyage dans l'anti-psychiatrie anglaise.
L'évolution psychiatrique. n° 61- 3. * 63 Roumieux, A. (1996) Artaud et l'asile 1. Paris. Ed. Séguier, p 70 |
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