Le Forum de Trajan à Rome. Templum Divi Traiani. Etat de la question et tentative d'interprétation. I. Commentaires et analyse( Télécharger le fichier original )par Claire Richard Université Catholique de Louvain (Belgique). Faculté de Philosophie et Lettres. Département d'Histoire de l'Art et d'Arché - Licence en Histoire de l'Art et Archéologie 2005 |
D. TENTATIVES D'ATTRIBUTION MONÉTAIRENous allons maintenant en revenir aux deux monnaies énigmatiques présentées préalablement dans le premier chapitre et essayer d'avancer des tentatives d'attribution. Pour rappel, le premier type d'aureus illustrait une structure similaire à un arc à un fornix et possédait comportait la légende FORVM TRAIAN(I) (fig. 80). Daté du règne de Trajan, les premières études l'avaient identifié comme l'entrée monumentale du complexe insérée dans le murus marmoreus. Le second type comportait un temple octostyle entouré d'une galerie ouverte avec la légende SPQR OPTIMO PRINCIPI au champ et en exergue SC (fig. 81). Ces émissions sont également datées du règne de l'empereur et la littérature archéologique a voulu y voir une figuration du Templum Divi Traiani. Toutefois, nous avons pu dégager des nouvelles données archéologiques que ces attributions monétaires ne sont plus valides. Il faut donc s'en retourner aux analyses. Serait-il possible qu'une de ces deux émissions illustre notre secteur méridional ? Dans un premier temps, si l'on nous observonse la reconstitution de R. MENEGHINI, il semblait plausible d'établir un rapprochement entre l'édifice octostyle du second type monétaire et la façade d'accès à l'aula (fig. 82). Toutefois certaines observations infirment cette hypothèse. Si dans les deux cas, on nous nousse retrouvonse face à une construction centrale octostyle, sur la monnaie, elle est surélevée par un podium imposant de quatre ou cinq marches, alors que, dans notre cas, la continuité entre la place et l'aula caractérise la façade. Aussi, la couverture en fronton est présumée par l'archéologue149(*). Il l'a présuppose par volonté de correspondance architecturale avec le propylée au nord du site (nous y reviendrons), bien qu'elle pourrait être d'un tout autre type. Concernant les figures d'acrotères (personnage central portant une lance entouré de deux Victoires tenant des trophées) ou le relief du tympan assimilé à Jupiter accompagné de deux figures agenouillées, nous ne pouvons, par faute d'un manque de données archéologiques, en confirmer ou infirmer leur présence. Les deux portiques latéraux présentent sur certaines émissions six colonnes, tout comme notre objet d'étude, mais sur d'autres quatre, le nombre de colonnes semble donc aléatoire. Au champ des monnaies, ces portiques s'assimilent plus à de simples galeries couvertes d'une toiture à double pan surmontée d'acrotères qu'à un entablement à décrochements appuyé sur un mur plein constitutif d'une galerie interne voûtée en berceau. Dans le même ordre d'idée, on est en droit de s'interroger sur l'éventuelle présence d'une sorte d'autel devant le podium comme l'illustrent certaines émissions (fig. 81). Notons aussi que la légende n'implique pas nécessairement que cette construction s'insère dans le complexe trajanien : elle signale essentiellement que c'est sur la base d'un senatus consultum voulu par le Sénat et le peuple romain que la construction a été programmée. Par conséquent, l'effigie au champ de l'émission monétaire nous ferait plus espérer un temple colossal qui se dégage des portiques latéraux par son ampleur. Aussi, la mise en scène des portiques ne répond pas nécessairement au schéma innovant que l'on retrouve pour notre secteur. L'ampleur Une tellede la construction centrale aussi imposante se rapproche de monnaies illustrant des temples canoniques tel que celui d'Antonin et Faustine débuté en 141 apr. J.-C. (fig. 83). Néanmoins, la scénographie du champs est d'autant plus similaire à celle adoptée pour un complexe plus tardif : le temple de Matidia (fig. 84). L'édifice a été dédié par Hadrien à sa belle-mère après sa mort en 119, il devait s'agir d'un périptère octostyle de dimensions colossales posté au milieu d'une place à portiques avec des colonnes de giallo antico et qui s'ouvrait d'un côté en un arc monumental. Un médaillon d'Hadrien daté de 120 nous permet d'en connaître l'aspect (fig. 85), la représentation est particulièrement proche de la monnaie de l'époque de Trajan. Il faudrait donc s'attendre pour cette dernière à une construction analogue, ce qui est contraire à ce que nous avons sous les yeux. Toutefois, dans l'éventualité où cette interprétation demeurerait valide, la statue assise présentéeait dans l'entrecolonnement de l'édifice central renverrait à la niche de l'aula. Il est de la plus haute importance de préciser que cette effigie est assimilée traditionnellement à Jupiter, de même cette divinité serait représentée sur le tympan150(*). Mais rappelons que le mur de délimitation de la galerie est continu, il est donc invraisemblable qu'on puisse observer de l'area forensis la statue, le champ visuel étant rompu, or c'est précisément l'inverse qui est illustré ici. Dès lors, l'identification ne peut être acceptée. Par contre, la première émission monétaire est d'autant plus pertinente (fig. 86). La légende FORVM TRAIAN(I) implique immanquablement une liaison avec le Forum. Toutefois, les études ont interprété tendancieusement la structure avec un arc voté par le Sénat pour célébrer la victoire de Trajan face aux Parthes et ont donc proposé son insertion dans le murus mamoreus. Cette édification nous est mentionnée par Dion Cassius. « Kai\ oi{ me\n a{vi~da au}t+~ tropaiofo/ron pro\j polloi~j a@lloij e}n au}t*~ t*~ a}gor&~ au}tou~ pareskeu/azon, kai\ h{toima/zonto w{j porrwte/rw a}panth/sontej ei} e}pani/oi. » Dion Cassius, Histoire Romaine, LXVIII, 29, 3 « On lui érigea, sans compter plusieurs autres, un arc de triomphe sur son Forum, on se disposait à aller aussi loin que possible au-devant de lui à son retour. » Traduction d'e E. GROS et V. BOISSÉE151(*) De même, sur certaines émissions, la mention SC était apposée en exergue et confirmait la construction sur la base d'un consultum du Sénat. Cependant, cette décision est datée en 116/117 apr. J.-C. (victoire parthe), c'est-à-dire après la dédicace du Forum. , Oor le murus marmoreus ne peut dater de cette époque, puisque l'aula présente la titulature de Trajan de son vivant. C'est pourquoi pour certains comme L. RICHARDSON et J. C. ANDERSON, il aurait seulement pu être remodelé à cette date152(*). Ce qu'il n'exclut pas, par conséquent, sa présence préalable au sein du site. De plus, les émissions monétaires le représentant se situent dans une tranche chronologique entre 112 et 117 apr. J.-C.. Le terminus post quem est fixé sur la base de la titulature impériale citée au droit : IMP TRAIANO AVG GERM DAC PM TR P COS VI PP. Trajan en est donc à son sixième consulat, c'est-à-dire en 112 apr. J.-C... SubséquemmentPar conséquent, quand bien même le nouveau schéma n'autorise plus d'y voir un arc monumental d'entrée, il reste envisageable de maintenir la situation de cet édifice au sud du Forum. Nous pourrions alors très bien l'assimiler à la façade à décrochement pour y voir un raccourci de cet agencement. Un tel procédé pourrait être signalé par la structure de l'attique. Le fornix central est surmonté d'une large bande rectangulaire qui se dégage du fond. Sur cette dernière, pourrait très bien être apposée une inscription rappelant l'acte du Sénat et par la suite l'épigraphe de dédicace d'Hadrien exhumée dans ce secteur. De part et d'autre, des structures rectangulaires allongées en retrait alternent avec d'autres en relief, cette disposition pourrait correspondre aux décrochements successifs de l'entablement. Celui-ci, subséquemment, ne serait plus destiné à soutenir un fronton, mais diverses effigies : Trajan au commande d'un seiuges seiuges est couronné par une Victoire ailée ; deux personnages non identifiables, peut-être des soldats, entourent le char ; enfin, aux extrémités, des Victoires dédicacent des trophées ( ?). Comme nous l'avionsl'avons préalablement mentionné, les arcs formés par les colonnes viendraient répondre à des niches creusées dans le mur de délimitation de la galerie. Ces cavités renfermeraient des statues (divinités153(*)) et seraient closes par des frontons triangulaires, eux-mêmes surmontés d'imagines clipeatae (portraits des généraux de Trajan154(*)). Il est aussi tout à fait logique que l'intérieur du fornix central soit vide, puisque l'axe visuel est brisé entre la place et l'aula par la présence d'un mur. Toutefois, sur certaines émissions plus détaillées, une petite barre horizontale semble être apposée environ aux deux tiers de la hauteur de l'arcade centrale (fig. 87). Aussi, la portion inférieure pourrait indiquer la profondeur de la galerie interne et la partie supérieure un fragment du mur de délimitation cachant l'aula. Dans ce sens, il est probable que la clé de voûte conservée au Palazzo dei Conservatori du Capitole surmonte le fornix (fig. 88)155(*). En son centre, une personnification de la Dacia Capta156(*) est assise dans une atmosphère générale de tristesse. Derrière elle, un amas d'armes et d'armures renvoie à la défaite dace. Amas qui annonce peut-être celui des butins tirés de cette débâcle conservés dans l'aula. Un telle image se retrouve aisément sur les monnaies de Trajan : uUn Dace (fig. 89) ou Dacia (fig. 90) assis sur des armes avec en exergue la légende DAC(IA) CAP(TA). Parallèlement, si l'on opte pour cette interprétation, cette même technique du raccourci se retrouve sur les émissions monétaires illustrant la devanture de la Basilica Ulpia (fig. 91). Les trois avant-corps sont aussi réduits en une sorte d'arc avec leur rampe d'escaliers respective. Leurs attiques se dégagent du fond et ils devaiient soutenir les inscriptions reprenant la titulature impériale du commanditaire des lieux. Aux parties supérieures, on nous retrouvonse cette fois un quadrige pour le segment central et des biges pour les latéraux (dans certains cas, on y retrouve aussi des quadriges). L'empereur est également couronné par une Victoire. Le char central est accompagné de chaque côté par un soldat romain lance en main. Cette lecture monétaire n'entrave ne en rien l'interprétation fonctionnelle du secteur auquel la structure donnerait accès. Au contraire, elle en renforce l'hypothèse par l'exaltation d'une iconographie telle que des trophées, des Victoires, des soldats ou encore des chars dont la symbolique renvoie aussi à une glorification des exploits militaires de l'Optimus Princeps. Une telle reconstitution de la façade tripartite consolide également, de par sa thématique iconographique, le rattachement aux principia et permet de rejoindre la gamme décorative des autres pourtours de la place. * 149 MENEGHINI R., 2001, p. 259. * 150 COHEN H., 1882, T. II, Trajan, 549-551, p. 75; HILL Ph. V., 1970, p. 211; MATTINGLY H. M. A., 1926, vol. II, Trajan, 577-578, p. 241. * 151 Sur http://www.mediterranees.net/Empereurs/Dion/Index.html * 152 ANDERSON J. C., 1984, p. 142; RICHARDSON L., 1992, p. 176. * 153 DE MARIA S., 1988, p. 127. * 154 ZANKER P., 1970, p. 508. * 155 STUART JONES H. S., 1926, p. 17-18. * 156 L'identification est basée sur des comparaisons avec des Dacia au même type de robe sur la Colonne Trajane. |
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