2.3 Rattachement administratif à la
Guadeloupe
Ce n'est qu'en 1763 que Saint-Martin fut rattachée
administrativement à la Guadeloupe. Entre 1775 et 1784, la population
blanche passa de 300 habitants à 500, mais la masse servile,
essentiellement noire, déversée par le commerce ou amenée
des îles voisines (surtout des Anguillais anglophones) s'éleva
brutalement de 1 000 à 2 500.
Des embryons d'administration coloniale furent
installés dans les îles du nord et le régime juridique
applicable en Guadeloupe y fut rendu théoriquement applicable. La partie
française de Saint-Martin n'est dotée que d`une administration
succincte, le garde champêtre, le maire et son conseil municipal, le
juge, le gardien de prison, le greffier / notaire venu de la Guadeloupe, le
percepteur et le facteur [38].
Le conseil privé de la Guadeloupe adopta le 11
février 1850, à la suite d'un débat très nourri et
étonnamment proche des problématiques contemporaines, un
arrêté « qui concède à la
dépendance de Saint-Martin de nouvelles immunités commerciales
ainsi que des faveurs nouvelles pour encourager l'exploitation de ses
salines », alors seules richesses de l'île. Cet acte peut
être considéré comme le point de départ historique
de nombreuses décisions des autorités françaises qui ont
dessiné, au cours des décennies suivantes et jusqu'à la
période contemporaine, les contours des régimes juridiques
spécifiques de Saint-Martin [89].
Le 9 octobre 1862, le gouverneur de la Guadeloupe, investi des
pouvoirs de l'autorité coloniale, prit plusieurs arrêtés
(11 février 1850, 9 octobre 1862, 16 décembre 1881, 14 août
1882, 19 janvier 1891) qui ont doté Saint-Martin, en quelques
années, d'un régime de très large franchise commerciale,
douanière et fiscale.
C'est au cours de cette même période qui furent
optées les premières délibérations du Conseil
Général de la Guadeloupe faisant bénéficier
Saint-Martin d'une part des recettes d'octroi perçues en Guadeloupe
[90].
A partir de 1864, sous l'impulsion du maire protestant Dormoy
et du secrétaire de mairie Lambert, un instituteur et une institutrice
de la Guadeloupe ont imposé une instruction laïque aux petits
écoliers de Marigot et de Grand-Case [31].
2.4 Installation tardive de
l'administration
La mise en place de ce régime économique
(bénéficier d'une part des recettes d'octroi) spécifique
fut cependant suivie d'une attitude administrative dont la situation actuelle
porte encore les marques [90].
Saint-Martin, longtemps considérée comme
relevant de l'archipel guadeloupéen, a été traitée
avec distance par l'Etat Français. L'administration française fut
en effet quasi absente de Saint-Martin
Ainsi, de 1880 au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale,
l'administration coloniale reste quasiment absente de l'île. Lors de la
Seconde Guerre Mondiale, les Américains devinrent le fournisseur unique
de toute l'île, car l'administration française de l'île
avait reconnu officiellement le gouvernement français de Vichy et, de ce
fait, avait subi le blocus des forces alliées.
Dès 1943, Washington fit de Juliana (aéroport de
la partie néerlandaise) une base aérienne importante et un
élément-clé de son dispositif de lutte contre les
sous-marins allemands. La guerre contribua ainsi à américaniser
et angliciser grandement la population de Saint-Martin et Sint Maarten
[143].
C'est ainsi que, par la carence de l'administration coloniale,
s'est développée localement une culture d'auto-administration qui
s'est traduite par un mélange de règles coutumières
locales, de vides juridiques et de pratiques importées de
l'étranger [86].
Le déclin économique força de nombreux
Saint-Martinois français et néerlandais à l'exil ;
beaucoup émigrèrent vers les îles d'Aruba et de
Curaçao, attirés par les raffineries de pétrole que la
Dutch-British Shell Oil Company avait installées dans les
années 1919-1920. Les historiens signalent une baisse de 18% de la
population de l'île de Saint-Martin. En 1939, la France et les Pays-Bas
abolirent les droits de douane et les contributions indirectes entre les deux
zones(néerlandaise et française), ce qui permit de
développer sans entraves les relations commerciales entre les deux
parties de l'île [143].
Lors de la départementalisation en 1946, Saint-Martin
est rattachée au régime juridique de la Guadeloupe, sans que son
nouveau statut de communes d'un département d'outre-mer prenne en compte
ses particularités. Ce fut plus par automatisme que par volonté
réelle que le régime juridique applicable à la Guadeloupe
a été étendu à l'île de Saint-Martin.
Ce n'est qu'en 1963 avec la création d'un
arrondissement des îles du Nord, avec une sous-préfecture
installée à Saint-Martin, que l'administration française a
témoigné son intention de rompre avec presque un siècle
d'absence. Il faut toutefois attendre le début des années 1970
pour que la mise en place de cette administration devienne effective [69].
En 1986, la loi PONS donne une impulsion économique. La
défiscalisation porte principalement sur des terrains qui avaient
été vendus à des opérateurs extérieurs
depuis les années soixante. Le tourisme est devenu l'unique moteur de
l'économie insulaire [138].
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