L'Intégration Juridique en Afrique : L'exemple de l'UEMOA et de l'OHADA( Télécharger le fichier original )par Samba DIOUF Université Cheikh ANTA Diop de DAKAR Ecole Doctorale Régionale Africaine (EDRA) - DEA en Droit de l'Intégration et du système OMC 2005 |
SECTION II : La portée normative des normes communautaires de l'UEMOA et de l'OHADAAprès avoir exposé le premier aspect du régime juridique des actes communautaires, c'est-à-dire la forme relative à l'introduction des normes, il convient maintenant de mettre l'accent sur l'aspect matériel, c'est-à-dire la place que le droit communautaire occupe dans l'ordre interne des Etats. A ce niveau il ressort de la jurisprudence européenne codifiée par les Traités des deux organisations, l'affirmation du principe de la primauté du droit communautaire (Paragraphe I), et l'applicabilité directe des normes communautaires (Paragraphe II) PARAGRAPHE I : La primauté du droit communautaire Il s'agira de voire à ce niveau : l'affirmation et l'étendue du principe dans les deux communautés (A), ainsi que les conséquences logiques de l'application effective du principe (B) A : L'affirmation et l'étendue du principe par les deux entités institutionnelles La primauté du droit communautaire est la résultante logique du principe cardinal de la supranationalité, qui sous tend et garantit toute la dynamique d'Intégration Juridique, et la distingue de la simple coopération. En effet l 'UEMOA et l'OHADA veulent aujourd'hui faciliter l'application des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats, et c'est à cet égard que les bases légales du principe sont posées dans les textes institutifs de ces deux institutions. Mais tout d'abord avant de les énoncer, il convient de préciser la signification technique du concept. La primauté du droit communautaire signifie simplement que les normes communautaires, doivent prévaloir sur les normes nationales antérieures ou postérieures. En d'autres termes, elles jouissent d'une valeur juridique qui leur permet de surplomber toutes normes nationales. Autrement dit, la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux implique que son insertion invalide toute norme nationale existante ou postérieure. En réalité la situation contraire aurait été paradoxale, car si une telle force n'était pas octroyée aux droits communautaires, l'intégration resterait simplement un voeu pieux. En effet que resterait il des normes communautaires, si on les subordonnait aux lois nationales ? L'application uniforme du droit communautaire dans tous les Etats, serait presque impossible. Il serait également impossible à l'Union ou à l'Organisation de remplir les missions qui leurs sont assignées. Ce qui fait que le fonctionnement de leurs communautés serait compromis, et la construction d'une Afrique que l'on voudrait unie, d'abord à travers les cercles concentriques, porteuse de grands espoirs serait minée. Car malgré les déclarations de bonnes intentions, les Etats jaloux de leur souveraineté, seraient plutôt tentés de faire prévaloir les normes nationales pour faire égard aux nécessités nationales. Ainsi considéré ce principe vaut pour l'ensemble des sources du droit communautaire, et il s'applique à toutes les sources de droit interne. Par conséquent un Etat ne peut pas invoquer une règle de son droit interne, même constitutionnelle pour empêcher l'application d'une norme communautaire, à condition toute fois que celle-ci soit entrée en vigueur. Cela est expressément consacré dans les différents Traités institutifs de l'Union et de l'Organisation. Il est affirmé d'une part par l'article 10 du Traité OHADA, selon lequel : « les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure. » et d'autre part, par l'article 6 du Traité de l' UEMOA qui stipule que : « les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. » La cour de justice de l' UEMOA a eu à confirmer cette primauté dans deux avis en date du 27 Juin 1999 n°003/2000 et du 18 Mars 2003 n°001/2003. Quant à l'OHADA, c'est par un Avis de la CCJA (Avis du 30 Avril 2001), sollicité par la Côte d'Ivoire, par lettre en date du 11 Avril 2000 que cette primauté a été affirmée. En effet à cette occasion la CCJA a retenu que : « l'article 10 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires contient une règle de supranationalité par ce qu'il prévoit l'application directe et obligatoire dans les Etats parties des Actes Uniformes et institue, par ailleurs leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures et postérieures... ». Si l'on s'en tient à cet avis, c'est dire qu'il consacre la supranationalité des Actes Uniformes, la quelle qualité emporte une portée abrogatoire sur les normes internes contraires. Mais à coté de cet Avis, une jurisprudence très réconfortante, qui peut être considérée comme un Arrêt de principe, a été rendue par la haute Cour juridictionnel de l'OHADA. C'est l'arrêt dit des époux Karnib du 11Octobre 200113(*) . A cette occasion la CCJA a cassé et annulé l'ordonnance de suspension d'exécution d'un jugement de condamnation, rendue sur le fondement des articles 180 et 181 du code de procédure civile ivoirien. Car elle a estimé que c'est plutôt l'article 32 de l'AUPS qui doit s'appliquer, au détriment des articles visés. Par conséquent cet Arrêt met fin à toute interprétation hasardeuse de l'article 10 du traité de l'Organisation, et par ricochet ayant entraîné l'abrogation des articles 180 181 du code de procédure civile ivoirien, cela implique l'abrogation future de toute normes contraires aux actes uniformes, qui sont en vigueur dans le cadre interne et sur les quelles les juges avaient l'habitude d'asseoir leurs jugements. De ce qui précède , c'est dire que les deux communautés de manière non équivoque, ont aménagé une place de choix à leur production normative , qui prime sur le droit interne des Etats membres. Et ce principe de la primauté, devient un élément essentiel de l'ordre public communautaire, dans la mesure où il assure à chacune des organisations, la cohérence de leurs ordres juridiques. En effet le postulat de la primauté, répond également aux impératifs d'uniformité et d'efficacité du droit des affaires ou droit économique, les quels impératifs constituent des exigences de tout ordre juridique d'Intégration. Dans l'hypothèse contraire, l'ordre juridique se décomposerait en une série de systèmes normatifs partiels, autonome, et donc divergents. On peut illustrer sans conteste cette position, pour ce qui concerne le droit dérivé des deux institutions avec notamment, les règlements de l'UEMOA, et les actes uniformes de l'OHADA, qui jouissent d'une place super législative. Si en droit africain le principe de la primauté du droit communautaire a fait l'objet d'une juste affirmation dans les textes, en droit européen, il s'est agit plutôt d'une construction prétorienne à travers l'arrêt COSTA/ ENEL du 15 Juillet 1964. En l'espèce, il s'agissait d'un conflit entre diverses dispositions du Traité de la Communauté Economique Européenne (CEE) l'actuelle Union Européenne (UE), et la loi italienne de nationalisation de l'électricité du 6 Septembre 1962. La Cour était confrontée à un conflit mettant en scène le droit communautaire et la loi nationale postérieure. La juridiction Constitutionnelle italienne qui s'était déjà prononcée sur ce même conflit, l'avait résolu dans le cadre de la thèse « internationaliste » et par l'application de la conception dualiste italienne des rapports entre le droit international et le droit interne, au profit de la norme la plus récente c'est-à-dire la loi nationale. Ayant été saisie d'une question préjudicielle, la Cour communautaire, dans son raisonnement fondé sur le système des Traités, a souligné la spécificité du droit communautaire par rapport au droit international ; elle a retenu deux constatations à cet effet : Elle a affirmé que d'une part les Etats membres ont transféré définitivement les droits souverains à une communauté, qu'ils ont créée, et ils ne peuvent revenir ultérieurement sur ce transfert par des mesures unilatérales incompatibles avec le concept de communauté. D'autre part, la Cour a considéré qu'un pays membre ne peut porter atteinte, à la particularité du droit communautaire, celle d'être valable sur l'ensemble de la communauté. Un tel raisonnement a par ailleurs reposé sur trois arguments complémentaires. Le premier argument dégagé par la cour, c'est qu'elle a estimé que l'applicabilité immédiate et directe du droit communautaire resterait lettre morte, si l'Etat pouvait se soustraire, par un acte législatif opposable au texte communautaire. Comme second argument, l'instance juridictionnelle communautaire a considéré que l'attribution de compétence à la communauté, limite de manière correspondante les droits souverains des Etats. Enfin la cour a considéré que l'unité de l'ordre juridique communautaire, c'est-à-dire l'indispensable uniformisation du droit communautaire, serait fortement altérée. De ce qui précède, il résulte que le droit communautaire a la primauté sur toute disposition contraire à lui dans l'ordre juridique des Etats membres. Cela vaut pour les législations qui lui sont antérieures et ultérieures. La conséquence juridique de cette prééminence, c'est qu'en cas de conflit de lois, la disposition nationale cesse d'être applicable, et aucune autre disposition nationale ne peut être introduite si elle n'est pas conforme à la norme communautaire. S'il en est ainsi, il va sans dire qu'à la suite de la construction jurisprudentielle européenne, codifié dans l'article 189 du Traité de la CEE, le principe de la primauté , est aujourd'hui posé dans les textes de base de nos deux institutions communautaires par souci de pragmatisme. En effet la primauté selon PESCADORE est une « condition existentielle » du droit communautaire, qui ne saurait exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas pouvoir être mis en échec par le droit des Etats-membres. La norme communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d'être commune, or comme le souligne encore Guy ISSAC ; à défaut d'être commune, elle cesse d'exister et il n'y a plus de communauté. Nous retenons donc que le droit communautaire s'applique sur toute l'étendue du territoire des Etats-membres au même titre que les droits nationaux, avec de surcroît cette qualité supplémentaire qui le hisse, en haut de l'ordonnancement juridique. Ce qui ne sera pas sans effets. B : Les conséquences du principe de la primauté du droit communautaire Le principe de la primauté, s'il faut le rappeler n'a pas toujours fait l'unanimité. En effet si l'on prend l'exemple de la France, contrairement à la cour de cassation14(*), le conseil d'Etat français, a refusé pendant longtemps, de reconnaître la primauté du droit communautaire sur une loi postérieure aux Traités15(*). Puis dans un premier temps, en se fondant sur l'article 55 de la constitution, il a admis la primauté des dispositions du traité CE sur les lois nationales postérieures16(*) . Par la suite, il a étendu cette jurisprudence aux règlements et aux directives communautaires17(*). Mais aujourd'hui, l'application sans conteste du principe suggère la mise à l'écart de toute norme nationale contraire, au profit de la norme communautaire. C'est la raison pour la quelle le juge national chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes. Il doit faire fi de toute disposition contraire de la législation nationale, postérieure ou antérieure au droit communautaire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative, ou par tout autre procédé constitutionnel. L'abrogation expresse est souhaitable pour des motifs de sécurité juridique, et peu même être obligatoire. Cela n'est pas le cas en droit international, où il n'existe aucune garantie, aucune procédure internationale permettant d'annuler la norme nationale illicite. Cette valeur suprême du droit communautaire, a également entre autres conséquences, celle de conférer aux justiciables un droit à un contrôle juridictionnel effectif. En effet ils doivent pouvoir faire valoir par voie juridictionnelle, les droits qu'ils tirent du droit communautaire, et toute infraction des autorités nationales doit par conséquent être sanctionnée. Les exigences procédurales des Etats membres de l'UEMOA, ou de l'OHADA, qui demeurent non unifiées, ne doivent pas rendre impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. En outre les autorités nationales, doivent s'employer à effacer les conséquences dommageables résultant d'une violation du droit communautaire. Au regard de tout ce qui a été dit, il apparaît que le droit communautaire prime sur les normes nationales. Mais toute fois la question qui s'impose à nous, est celle de savoir quelles sont les catégories de normes nationales qui sont sous la coupole du droit communautaire. Les chartes fondamentales des Etats membres, en l'occurrence leurs Constitution sont-elles hiérarchiquement subordonnées au droit communautaire ? Une telle question demeure à l'heure actuelle sans réponse certaine, surtout au regard de la controverse doctrinale dont elle fait l'objet. Pour certains, compte tenu du fait que la plupart des Constitutions des Etats africains contiennent des dispositions prévoyant qu' un engagement international doit être ratifié, nonobstant des dispositions contraires à la constitution. Cela autorise à affirmer que la norme internationale conventionnelle est supérieure à la norme Constitutionnelle. Dans la mesure où c'est à la constitution de s'adapter au traité et non le contraire. De plus la nature même du droit international qui requiert l'accord et l'engagement de plusieurs Etats peut impliquer la supériorité de celui-ci sur l'ensemble des particularismes étatiques, y compris les dispositions Constitutionnelles. En effet, l'efficacité du droit international serait gravement compromise si elle était conditionnée par la conformité de la règle internationale à la règle Constitutionnelle. Mais l'affirmation de cette solution est délicate dans les Etats comme ceux de l'OHADA et de l'UEMOA, qui ont une histoire relativement brève dans l'édification de l'Etat de droit, entraînant une sacralisation de la Constitution. C'est dans cette optique que les partisans de la thèse négative se situent lorsqu'ils affirment que les actes du droit dérivé comme ceux du droit primaire se situent au-dessus des normes de caractère législatif ou réglementaire, mais au-dessous de la Constitution. En effet, ils considèrent d'une part que c'est la Constitution elle-même qui, classiquement prévoit la supériorité des Traités sur les lois internes et non un principe général de droit international. Enfin et surtout, il faut tenir compte du fait que les autorités habilitées à signer et à ratifier les Traités, tiennent leur pouvoir de la Constitution et ne peuvent donc agir que dans les limites fixées par celle-ci. Mais en tout état de cause, il résulte des Traités de l'UEMOA et de l'OHADA, une affirmation certaine de la prééminence du droit communautaire dans tout l'espace communautaire. De plus étant donné que les Traités n'ont pas de manière expresse, bornés cette primauté sur les seuls textes législatifs. C'est dire que la Constitution non plus, n'est pas affranchie de la domination du droit communautaire. Par ailleurs nous ne manquerons pas de mettre en exergue, l'autre aspect évident qui caractérise les rapports entre le droit communautaire et le droit national. PARAGRAPHE II : L'effet direct des normes communautaires En droit international le principe traditionnellement admis est que les traités conclus entre les Etats, ne sont pas eux-mêmes sources de droit interne à moins qu'ils ne résulte clairement des Etats signataires que ceux-ci, entendent créer des droits ou obligations dans la personne des particuliers. Cependant dans le droit communautaire de l'OHADA et de l'UEMOA, l'application directe est un principe (A), et il obéit à un certains nombre de modalités (B) A : La consécration du principe de l'effet directe A l'analyse des traités de base de l'UEMOA et de l'OHADA, il apparaît sans conteste que l'applicabilité directe du droit communautaire est un principe sacro saint. En effet dans l'Union il est reconnu de manière expresse une faculté d'application directe au droit dérivé (article 43). Et la même affirmation est notable dans l'Organisation, car l'article 10 précise que les Actes Uniformes sont directement applicables. L'effet direct du droit communautaire signifie que ce droit crée dans le chef des particuliers, des obligations et des droits qu'ils peuvent invoquer devant les autorités ou les juridictions nationales. S'il en est ainsi, c'est dire que les sujets du droit communautaire sont non seulement les Etats membres, mais aussi leurs ressortissants. Le droit communautaire produit des effets au niveau inter étatique, et il pénètre plus avant pour produire directement des effets à l'égard des particuliers. Mais étant donné que l'application directe est le résultat d'une construction jurisprudentielle, il ne serait pas sans intérêt de rappeler le débat théorique, au terme duquel un tel principe est né. En effet c'est sous la plume du célèbre juge Marshall, que la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu pour la première fois en 1829 dans l'affaire Foster et Elam, que les dispositions conventionnelles du droit international peuvent avoir valeur directe en droit interne américain, sans l'aide d'une législation de réception ou d'application. A cette occasion la Cour a posé les critères de ce qu'il convenait d'entendre par traité directement applicable dans l'ordre interne. C'est ainsi que la cour a retenu que le traité visé est celui qui se suffit à lui-même pour assurer son application, son exécution dans l'ordre interne. Par ailleurs la Cour de justice de l'Union européenne qui a inspiré aujourd'hui la Cour de justice de l'UEMOA et de l'OHADA, s'était attelée à affiner les critères dégagés par la jurisprudence américaine. En effet lors même que le traité de Rome ne contenait aucune indication sur les critères de l'immédiateté du droit communautaire, dans la célèbre affaire Van Gend et Loos18(*), la Cour de Luxembourg fixe les grands principes de l'effet direct du droit communautaire. Pour la Cour une disposition du droit communautaire d'effet direct est destinée à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers. En outre elle a posé un certain nombre de critères. Tout d'abord elle estime que la formulation de la norme communautaire « immédiate »doit être claire. Ensuite elle doit être de type inconditionnel, en ce sens que la mise en oeuvre de la norme ne doit être subordonnée à aucun autre acte d'accompagnement , soit communautaire, soit de droit positif interne . En résumé l'obligation en cause pesant sur les Etats et qui a valeur juridique directe dans l'ordre juridique des pays, doit être complète et juridiquement parfaite. Sous cet éclairage historique, on peut dire que nos deux institutions africaines, ont fait sienne l'expérience jurisprudentielle européenne et américaine. Puisqu'elles consacrent aujourd'hui la supranationalité des normes unifiées du droit des affaires, en référence au degré d'effets juridiques qu'elles peuvent produirent. S'agissant de l'OHADA comme énoncé plutôt, le problème est clairement résolu par l'article 10 « Les Actes Uniformes sont directement applicables ... dans les Etats parties ». Dans l'UEMOA le fondement de l'applicabilité directe des normes communautaires se trouve dans le traité et particulièrement à l'article 4 qui cite l'objectif de « la création entre les Etats membres d'un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens et des services, des capitaux, et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un TEC, et une politique commerciale commune ». On en déduit que les Etats entendent reconnaître le principe de l'applicabilité directe des normes harmonisées, comme la conséquence logique et inhérente au marché commun, dont les règles sont directement destinées aux sujets de droit établis dans leurs limites géographiques. Sous ces éclairages, si on devait comparer l'applicabilité directe dans l'UEMOA et dans l'OHADA, on peut sans aucun doute affirmer que le souci de substitution d'un droit uniforme des affaires ou droit économique, au droit interne existant, est plus explicite dans l'Organisation qu'au sein de l'Union. L'applicabilité directe est très étendue en ce qui concerne l'OHADA, en raison du domaine potentiellement couvrable par les Actes Uniformes, mais aussi de leur portée abrogatoire. La perspective offerte par l'UEMOA est plus restreinte, car ce droit est en grande partie du droit public, intéressant notamment les Etats membres et leurs administrations, seule une partie de la réglementation UEMOA intéresse le droit des affaires, ou droit économique, et les sujets de droit privé que sont les entreprises individuelles ou sociétaires. Au demeurant, après avoir mis en exergue le principe de l'effet direct, dans sa teneur, et dans son étendue au sein des entités institutionnelles, il convient de mettre l'accent à présent, sur la faisabilité du principe, c'est-à-dire son application compte tenu de la variété parfois notée des normes communautaires. B : Les modalités de l'applicabilité directe Le principe de l'effet direct n'est pas d'une application uniforme, en effet selon la nature de la norme en présence des variations sont notées, ce qui est source de contrariétés doctrinales, et de contreverses dans la jurisprudence des juridictions communautaires. En effet mis à part les règlements auxquels l'applicabilité directe est expressément attribuée par les traités, et qui par conséquent ne posent aucune difficulté majeure. La jurisprudence applique aux autres normes communautaires des solutions différentes. S'agissant tout d'abord des règlements, ils constituent un type de norme composée, par ce qu'ils se distinguent à la fois du point de vue organique et du point de vue matériel. Du point de vue matériel les règlements se distinguent par leurs auteurs. C'est ainsi que l'on distingue aux termes de l'article 42 du traité, les règlements du Conseil des ministres de l'Union et ceux qui émanent de la Commission. Du point de vue matérielle les règlements sont catégorisés entre règlements de base et règlements d'exécution. Cette distinction correspond à l'attribution par le conseil à la commission, de compétences pour l'exécution des missions aux quelles elle est destinée. Mais malgré cette différence qu'il était nécessaire de relever, les règlements possèdent de manière générique une qualité qui consiste à les appliquer de manière directe. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 43 du traité alinéa 1, selon lequel : « les règlements ont une portée générale ; ils sont applicables dans tout Etat membre. ». Quant aux décisions qui constituent une autre catégorie de normes dans l'Union, leur applicabilité directe a donné lieu à une contreverse. Des arguments d'effectivité et de textes ont été avancées, à ceci près cependant que les décisions ne nécessitent pas l'existence d'un droit national d'exécution, soit que le destinataire n'est pas un Etat, soit en tant qu'Etat, les obligations qui lui sont imposées ne concernent pas les particuliers. Pour ce qui est des directives communautaires, un débat de principe est né avec l'affrontement de deux thèses. La première qui est d'ordre exégétique se fonde sur plusieurs arguments formels. Elle suppose que le traité ne mentionne pas la qualité de l'applicabilité directe au bénéfice des directives au même titre que les règlements. Dès lors on peut soutenir qu'il la leurs refuse. Même si cette interprétation à contrario peut paraître comme indéterminante pour certains, il n'en reste pas moins que l'application directe est une qualité spécifique qu'il faut stipulée de manière expresse. Quant à la seconde argumentation, elle se déduit du régime des directives, qui selon le traité sont dépourvues de caractère général. Adressées aux seuls Etats membres, elles doivent sans distinction leurs être notifiées. Et à ces Etats la directive n'impose qu'une obligation de résultat, la compétence des autorités demeurant entière quant aux choix des moyens et de la forme pour atteindre ce résultat, de telle sorte qu'elles impliquent bien l'existence d'un droit national d'accompagnement, gouvernant son application. Sur ce, c'est dire que les directives n'atteignent pas directement les particuliers puis qu'ils n'en sont pas les destinataires. Cependant à titre purement comparatif, nous pouvons retenir qu'en Europe la Cour de justice de l'Union avait estimé l'argument contraire, car pour elle l'effet utile du droit communautaire, exige la reconnaissance de l'effet direct aux directives, avec une obligation incombant pour les juges de les appliquer en tant que telle. Elle a relevé ensuite, que si dans la procédure de renvoi préjudiciel, en matière d'interprétation et d'appréciation de validité, il est visé seulement, les actes de l'Union sans distinction entre eux, « il ne faudrait pas non plus distinguer là où la loi ne distingue pas ». Les directives peuvent également être invoquées devant les juges, et par conséquent elles sont susceptibles d'application directe. Au terme de cette contrariété de position, dans l'Union, la règle générale veut que les directives s'appliquent à chaque fois, où elles sont correctement mise en oeuvre , et que leurs effets atteignent les particuliers par l'effet des mesures d'application prises par l'Etat. Dans cet ordre d'idée, lorsqu'un Etat satisfait à son obligation d'exécution, la question de l'applicabilité ne se pose plus, puisque par hypothèse il existe des mesures nationales d'application. La question de savoir si ces mesures constituent ou non une exécution correcte de la directive n'est pas en réalité une question d'applicabilité directe ; mais elle soulève plutôt la conformité du droit national au droit communautaire. La question de la reconnaissance ou non de l'applicabilité directe, n'a donc d'intérêt que dans le cas où une directive ne se transcrit pas dans les délais, ce qui est une hypothèse dans la quelle cette qualité est requise. Après l'analyse de ce premier massif de notre étude, on peut affirmer qu'aujourd'hui la supranationalité constitue la matrice, le soubassement du processus d'intégration, que l'Union et l'OHADA entendent réussir après l'avoir enclenché depuis plus d' une décennie. Les entités inter gouvernementales ont mis sur pied des institutions qui impulsent une allure règlementaire uniforme à leur communauté, et cela est d'autant plus facilité par une qualité super législative qui hissent ces normes émanant de ces organes, en haut du système normatif de tout Etat membre. Aujourd'hui, il apparaît nettement que les communautés ont élaboré un nouvel ordre juridique, dont les sujets sont non seulement les Etats membres, mais également leurs ressortissants. Et partant le droit communautaire fruit de l'intégration juridique, indépendamment de la législation des Etats membres, est destiné à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers, que ceux-ci naissent expressément non seulement lorsqu'une attribution en est faite, mais en raison d'obligation que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers, aux Etats, et aux institutions. Au demeurant c'est après une telle réflexion qui nous a permis de déterminer aussi bien l'orientation, la teneur, ainsi que la signification de l'Intégration, il convient maintenant de s'adonner à son étude pratique. En d'autres termes l'appréciation des normes intégrées par rapport au domaine qu'elles investissent. * 13Jurisprudence OHADA 02 /02/ P24 * 14 Arrêt du 24 mai 1975, société des cafés J. Vabre * 15 Arrêt du 1er mars 1968 « syndicat général des fabricants de semoules de France. Arrêt d'assemblée du 22octobre 1979 « Union démocratique du travail * 16 Arrêt d'assemblée du 20 octobre 1989 « Nicolo » * 17 Arrêt du 24 février 1990 « boisdet » pour les règlements, Arrêt S A Rothmans International France et Philip Morris, pour les directives * 18 CJCE, 5 / 02/ 1963, Van Gen en Loos 26/ 62, Rec., 1963, concl Roemer et G.A I..29 P . 1. |
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