L'Intégration Juridique en Afrique : L'exemple de l'UEMOA et de l'OHADA( Télécharger le fichier original )par Samba DIOUF Université Cheikh ANTA Diop de DAKAR Ecole Doctorale Régionale Africaine (EDRA) - DEA en Droit de l'Intégration et du système OMC 2005 |
CHAPITRE III : LE REGIME JURIDIQUE DES DIFFERENTS ACTESCOMMUNAUTAIRESA ce niveau il convient de mettre l'accent succinctement sur l'applicabilité du droit unifié (Section I), et sur la portée normative des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats parties (Section II) SECTION I : L'applicabilité du droit unifié dans les deux organisationsinternationales africainesL'applicabilité du droit unifié renvoie à la forme utilisée pour l'introduction du droit communautaire dans l'ordre interne. Elle diffère selon qu'il s'agisse du droit primaire qui est la norme suprême au sein de l'OHADA et de l'UEMOA, ou du droit dérivé qui est la production normative des organes, en application du Traité. En effet si le droit primaire obéit à une procédure d'application médiate (Paragraphe I), le droit dérivé est soumis à un régime d'application immédiate (Paragraphe II). PARAGRAPHE I : L'application médiate du droit primaire Une règle assez originale en droit international, veut que l'application d'une norme d'origine conventionnelle soit subordonnée à sa réception par les organes étatiques compétents. Cette règle respecte le principe de la souveraineté des Etats. Elle est fondée sur l'idée d'une reconnaissance de la règle d'origine internationale par le droit interne. La réception de la règle d'origine internationale par le droit interne passe normalement par trois étapes principales. Tout d'abord la première correspond à la conclusion de la convention qui inclut la négociation et la signature de cette convention, à moins qu'il ne s'agisse d'adhérer à une convention déjà existante. Quant à la seconde phase, elle est celle de la Ratification, qui émane du Parlement de l'Etat. Et enfin la phase qui ponctue la procédure est relative à la publication. C'est uniquement après une telle procédure, que les conventions internationales devenues comme des règles internes, font l'objet d'une publication qui le plus souvent conditionne la force obligatoire de ces conventions internationales. Justement, même si parfois le droit communautaire porte atteinte aux dogmes du droit international classique, c'est cette procédure d'application médiate qu'épouse aujourd'hui les droits Unifiés de l'OHADA, de l'UEMOA, et de la CEMAC. En effet les Traités institutifs de l'UEMOA, de l'OHADA, obéissent aux règles du droit international conventionnel classique. C'est-à-dire que les Traités sont négociés et signés, ils sont ensuite soumis à une autorisation de ratification, puis à la ratification effective par les Parlements nationaux, et enfin à la publication au journal officiel des Etats parties . Une telle procédure diffère fortement de celle qui est utilisée pour le droit dérivé. PARAGRAPHE II : L'application immédiate du droit dérivé. A l'exception de la Directive UEMOA dont l'application est médiate, du fait que les Etats membres sont en vertu du Traité, appelés ou invités, à prendre des mesures d'ordre interne pour leur application. Le Droit dérivé de façon générale aussi bien dans la CEMAC, dans l'UEMOA, que dans l`OHADA, est d'une applicabilité immédiate. La règle de l'applicabilité immédiate veut dire que les normes communautaires pénètrent immédiatement dans l'ordre juridique des Etats sans le secours d'aucune mesure d'introduction au plan interne. De manière concrète cette règle technique de l'applicabilité directe signifie que les dispositions communautaires, bien qu'élaborées à l'échelle supra étatique, sont applicables dès leur publication au journal officiel de l'UEMOA, ou lorsqu'il s'agit des Actes Uniformes, au journal officiel de l'OHADA. S'il en est ainsi c'est dire qu'avec la règle de l'application immédiate, la disposition communautaire ne passe nullement par le truchement d'une loi écran. Le dégrossissement de la norme, ou encore sa traduction au plan interne, d'habitude requise dans la logique du droit international classique, est écarté lorsqu'il s'agit du droit communautaire. De cette règle on peut tirer comme conséquence un effflûtement de la souveraineté des Etats, qui à vrai dire ne constitue qu'une entrave à l'Intégration du droit unifié dans les systèmes juridiques nationaux. En outre on pourrait dire que les normes unifiées revêtent un caractère transnational du fait de l'automaticité de leur application, en tant que droit positif. L'autre conséquence que notre analyse permet de retenir, c'est l'interdiction de principe de toute transformation de ces règles, et la prescription de toute procédure de réception des normes unifiées. De ce qui précède on peut s'amener à dire que les actes recognitifs ou confirmatifs, sont non seulement inutiles, mais elles sont inadmissibles. Dans le cadre de l'Union c'est l'article 45du Traité qui constitue la base légale de la règle de l'applicabilité immédiate. En effet cette disposition prévoit que « les actes additionnels, les règlements, les directives, et les décisions sont publiées au Bulletin Officiel de l'Union. Ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent ». Dans le cadre de l'OHADA les normes communautaires sont également affranchies de toute mesure interne d'introduction. A ce propos l'article 9 du Traité de base dispose que : « Les Actes Uniformes entrent en vigueur quatre vingt dix jours après leur adoption... Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au journal officiel de l'OHADA... ». Même si cette disposition ne consacre pas expressément la règle de l'application immédiate. La non prévision d'une procédure de réception interne nous autorise à bon droit de soutenir que l'OHADA consacre à l'image de l'UEMOA, l'application immédiate de son droit dérivé. Cependant à la différence de l'UEMOA, dans l'Organisation il est prévu que l'Acte Uniforme peut lui-même imposer des modalités particulières d'entrée en vigueur. Il en est ainsi de l'AUDCG, de l'AUDSC, de l'AUS, en effet bien qu'adoptés le 17 Avril 1997 par le Conseil des ministres, ils sont entrés en vigueur par la volonté délibérée de cet organe, le 1er Janvier 1998, soit neuf mois après leur adoption et trois mois après leur publication au JO de l'OHADA. De même l'AUPC, adopté le 10 Janvier 1998, est entré en vigueur le 1er Janvier 1999. Aussi l'article 919 alinéas 2 de L'AUDSC, reconnaît à chaque Etat partie le droit de maintenir sa législation nationale applicable pour la forme des statuts pendant une période transitoire de 2 ans. Cette règle de l'application immédiate a d'ailleurs connût une illustration très récente au Sénégal dans l'affaire Hussein Habré. L'ancien président tchadien vivant au Sénégal, mais qui fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international, pour avoir été accusé d'actes de tortures sur les populations tchadiennes lors de l'exercice de sa présidence. En effet dans cette affaire, la Belgique avait demandé à l'Etat du Sénégal d'extrader l'ancien président, eu égard au Traité sur la torture que cet Etat Ouest africain avait ratifié. Cependant la demande d'extradition avait été refusée à cause du fait que le Traité dont il s'agit, bien que ratifié, n'est pas d'application immédiate. Il nécessite une modification de la législation sénégalaise en l'espèce, la quelle norme interne n'étant pas encore prise par le Sénégal. Par ailleurs si l'on s'inscrit dans une perspective purement comparative, il y a lieu de noter qu'en France, Etat moniste, l'applicabilité immédiate du droit communautaire n'a posé aucun problème. Le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel ont ainsi admis que les règlements communautaires avaient force obligatoire dès leur publication12(*), sans aucune intervention des autorités nationales conformément à l'article 189 T. CE (nouvelle numérotation art 249 Amsterdam T.CE) En définitive, il est à dire que les deux organisations inter étatiques que sont l'UEMOA et l'OHADA, veulent écarter toute obstacle pour l'introduction des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats. En effet c'est à dessein d'accélérer le processus d'Intégration Juridique que les normes communautaires s'appliquent immédiatement. Par ailleurs un tel principe qui sous tend le régime de l'applicabilité du droit unifié, imprime une portée normative tout aussi puissante aux normes communautaires. * 12 CE 22 décembre 1978, syndicat des hautes graves de bordeaux ; décisions 89 et 77- 90 du 30 décembre 1977 du conseil constitutionnel |
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