IV- LA VIE DE L'ENFANT NATUREL
Etre un enfant sans père, il n'y a pas douleur plus
profonde, désarroi plus grand, tristesse plus corrosive.
Précarité matérielle et vulnérabilité,
isolement et éloignement, l'enfant naturel est marqué à
jamais dans sa vie.
A- précarité matérielle et
vulnérabilité
Pris en charge par sa mère, qui très souvent ne
dispose d'aucune autonomie financière susceptible de lui donner une
visibilité sur la gestion de leur quotidien en cours et moyen terme, le
couple mère enfant dépend d'aléas sur lesquels il n'a
aucune maîtrise.
Pour les mères qui travaillent, les secteurs dont elles
dépendent ne leur offre aucune stabilité matérielle. Elles
vivent au jour le jour avec de petit métiers informels (femmes de
ménage, vendeuses ambulantes) et très souvent de la prostitution.
Cette précarité matérielle caractérise leur
vulnérabilité.
Exclus, marginalisés, isolés, les bâtards
sont appréhendés comme faisant partie des populations les plus
vulnérables. En effet dépourvus de moyens de subsistance pour
ceux dont les mères ne travaillent pas et ne bénéficient
d'aucune forme d'aide ou de soutien, ils sont exposés à la rue,
à la mendicité et à une prostitution précoce pour
les filles.
Sales, avec des habités déchirés et
surtout sans éducation de base, ces enfants sont isolés et
s'éloignent de la société.
B- Isolement et éloignement
Conséquence sociale de son statut, l'isolement est
aussi psychologique que social. Isolé de la famille en tant que membre,
méprisé et traité de tous les mots ; l'enfant naturel
vit isolé et éloigné du réseau de parenté et
de voisinage dont bénéficient naturellement les enfants.
L'isolement du cercle familial et social, constat amer, souvent
évoqué dans le discours, découvre l'une des facettes du
vécu de l'enfant.
L'éloignement paraît revêtir la forme d'une
auto-exclusion, effectuée par l'enfant et exercée contre
lui-même. Il se dérobe ainsi du regard de l'entourage et des
proches. Il évite tout contact avec ses congénères, qui
d'ailleurs se soldent très souvent par des injures, des bagarres et des
pleurs. Et dans ces situations de conflit, l'on s'en prend toujours à
cet enfant qui n'a que sa mère pour le défendre ; elle qui
d'ailleurs n'est pas à l'abri des injures et des moqueries. L'on voit en
cet enfant l'incarnation du diable qui ne peut que nuire aux autres.
« Ce bâtard là est impossible »
ou encore « comme si ça ne lui suffisait pas qu'on
s'occupe d'elle ; il a fallu qu'elle fasse un bâtard pour
déranger les gens », « retiens ton
bâtard de fils ». Ces expressions rythment le
quotidien de l'enfant et de sa mère, et ces phrases ont l'art de
blesser, et surtout d'inciter à la révolte ; une
révolte qui s'affirme par la violence qui conduit très souvent au
drame. Insulté, marginalisé l'enfant naturel ne peut
s'épanouir et est marqué à jamais.
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