Section III. Mécanisme PPTE, genèse et
concept
Les deux premiers sections nous ont permis de faire un constat
: le niveau d'endettement de l'Afrique subsaharienne est intolérable
pour un grand nombre des pays. Ce qui se traduit par une contraction de
l'activité économique et par un renforcement de la
pauvreté.
L'endettement et la croissance s'auto-entretiennent et
piègent le développement économique Un niveau
élevé du service de la dette sape les efforts pour une croissance
économique réelle, et une croissance ralentie ne permet
évidemment pas de générer suffisamment de revenu pour
faire face au service de la dette. L'une des hypothèses retenues dans ce
travail est que , la solution , à court terme , passe par une
réduction significative de la charge de la dette pour créer un
environnement propice à la relance de la croissance.
Depuis les temps où les premières
difficultés de la dette sont apparues, beaucoup des mesures ont
été prises dans ce sens. Bien que louable, l'ensemble des ces
actions posées n'ont eu que des effets très limités sur
l'encours de la dette de ces pays. La communauté internationale a depuis
lors pris conscience des effets néfastes sur la croissance et la
pauvreté d'un service de la dette élevé, surtout pour les
pays qui sont au départ très pauvres.
En réponse à cette situation, un consensus se
dégage aujourd'hui autour de la vision qui tente à
dépasser le cadre des mécanismes classiques d'allégement
de la dette pour une approche plus globale et étendue. L'initiative
PPTE, que nous nous approprions dans ce travail, est la traduction, dans les
faits, de cette volonté commune. Nous affirmons que cette initiative
constitue manifestement une avancée significative dans la volonté
de restructuration de la dette des pays pauvres. Son originalité tient
à son articulation avec les politiques de lutte contre la
pauvreté.
Nous allons tacher, dans cette troisième section,
d'explorer les pistes de résorption de . La crise de la dette à
travers l'initiative PPTE. Si la réduction de la dette dans le cadre de
l'initiative offre aux pays la possibilité de sortir du cycle de
rééchelonnement, cependant pour que le niveau d'endettement reste
tolérable, il est indispensable de remédier aux causes
sous-jacentes du problème de sa dette. L'initiative en elle - même
est un vaste chantier qui inclut des reformes et des ajustements à forte
potentialité de relance de la croissance économique. Si la
réduction de la précarité des exportations dont elle
préconise pour le maintien de la dette à un niveau
tolérable il devrait s'inscrire dans un cadre élargi de
l'ouverture extérieure de ces économies qui ne peut être
possible que si les contraintes qui y pèsent sont réduites.
III. 1. Mécanisme PPTE : Concept
Les pays d'Afrique subsaharienne ont affiché des
résultats économiques décevant dans les années 80
et au début des années 90, la plus grande partie de la
région se montrant incapable de rompre avec un scénario de
croissance faible ou de recul du revenu par habitant, de forte inflation et de
difficultés de balance des paiements.
Entre 1995 et 1997, toute fois, les performances se sont
améliorées et le revenu réel par habitant a
commencé à progresser dans certains pays qui ont maintenu une
croissance rapide au cours des deux dernières décennies. Si le
redressement des termes de l'échange y a aussi contribué, cette
embellie a été possible avant tout parce que de nombreux pays se
sont engagés à mener des politiques macroéconomiques
saines, à s'ouvrir d'avantage sur l'extérieur, à mieux
gérer leurs économies et à relever le formidable
défi économique et social lancé à l'ensemble de la
région.
Là où les autorités ont tenu ce cap, la
croissance s'est accélérée et la pauvreté a
reculé. Souvent, cette nouvelle politique a été
adoptée dans le cadre des programmes à moyen terme appuyés
par le FMI et la Banque Mondiale. En dépit des progrès
récents, la croissance reste fragile, les niveaux de vie sont toujours
très bas et la pauvreté est endémique. Les indicateurs
d'éducation et de santé demeurent médiocres et, dans
certains pays, le rythme des créations d'emplois ne parvient pas
à suivre celui de la population active. Les économies restent
à la merci des aléas climatiques (sécheresse, inondations)
et sont toujours fortement tributaires des aides extérieurs
concessionnelles. La région n'a pas été capable de tirer
pleinement profit du processus de mondialisation.39
L'idée d'un engagement plus actif de la
Communauté Internationale se heurte, dans la plupart de ces pays,
à une série d'obstacles : l'insuffisance des infrastructures et
les carences de l'administration fiscale et du recouvrement de l'impôt;
des politiques fiscales et d'investissement soumises davantage au bon vouloir
de quelques fonctionnaires qu'à des règles transparentes;
l'accès limité aux technologies de l'information; le manque
d'équipements de communication ;l'état encore embryonnaire des
services financiers et la faiblesse de l'appareil judiciaire.40
Enfin, plusieurs conflits armés assombrissent les
perspectives économiques de la région et, dans de nombreux pays,
la propagation du SIDA/VIH abaisse la productivité de la main -
d'oeuvre. Ce survol de la situation régionale trace les grandes lignes
des politiques susceptibles d'améliorer les chances
d'accélération durable de la croissance et de recul de la
pauvreté en Afrique subsaharienne.
39.F M I (2002), Finance et
développement ;
publication trimestriel, Washington , septembre,p.29
40.FMI (2000) , Accélérer la croissance et
réduire la pauvreté, role du FMI , publication trimestriel,
Washington Décembre,p.2
Il est essentiel, en effet, que la croissance
s'accélère durablement si l'on veut relever les niveaux de vie et
réduire la pauvreté, car la faiblesse du revenu par habitant est
telle dans la région que la redistribution ne modifiera guère,
à elle seule, la situation de pauvreté actuelle.
Outre la stabilité macroéconomique, sur laquelle
il faut continuer à mettre de l'accent en menant des politiques
budgétaire, monétaire et de change appropriées, des
réformes structurelles doivent être réalisées pour
améliorer l'efficience des marchés .
IL est largement reconnu que l'endettement extérieur
d'un certain nombre de pays à faible revenu, Africains pour la plupart,
est devenu extrêmement difficile à gérer.
Même l'arsenal complet des mécanismes classiques
de rééchelonnement et de réduction de la dette ,
allié à des apports continus de financement concessionnel et
à la poursuite des politiques économiques saines, ne suffisent
pas pour ramener l'endettement extérieur de ces pays à un niveau
supportable, dans des délais raisonnables et sans le
bénéfice d'un complément de soutien
extérieur41. L'image contrastée et dramatique qu'offre
l'humanité aujourd'hui est celle d'une extrême pauvreté de
masse qui côtoie l'opulence indescriptible d'une minorité. Cette
triste réalité choque les esprits les plus lucides du fait de son
ampleur : près de 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2
dollars par jour et sont quotidiennement soumises à des dures
épreuves.
Les recherches et les engagements sans espoir se multiplient
sur le plan international. La déclaration du millénaire s'est
assignée, dans ses objectifs de développement, la tâche
ambitieuse de réduire de moitié le nombre de pauvres d'ici 2015.
Le doute est permis à ce sujet : des dizaines de ces engagements se sont
avérés, dans le passé, comme des simples
déclarations d'intention. Différentes acceptions que
présente la pauvreté et la non explication de celles-ci peut
conduire les observateurs non avertis à des erreurs
d'interprétation. Lorsqu'on évoque 10% ou 20% des pauvres dans
les pays occidentaux, les lecteurs de l'annuaire 2001 de la Banque Mondiale sur
la pauvreté ne retrouvent aucun de ceux-ci sur ces statistiques.
La confusion vient de la différence qu'il y a entre
pauvreté relative (terme employé en occident) et pauvreté
absolue (utilisé dans les pays en développement). La
première acceptation désigne un indicateur
d'inégalité : est pauvre ce lui qui n'a pas accès aux
biens consommés par la grande majorité de ses concitoyens. Celui
- ci n'est pas nécessairement pauvre en terme absolu. Pour l'autre
acception, est pauvre ce lui qui est incapable de satisfaire ses besoins
fondamentaux. Si pour un habitant de l'Europe Occidentale, manquer une voiture
ou un poste téléviseur est un signe de pauvreté, mais ces
biens ne sont pas nécessaires pour la survie d'un individu comme le
serait l'accès aux soins de santé et à la nourriture.
41.KAZADI,J. et AREND KOUWENAAR.A,(2003),
Soutenabilité de la dette et ressources PPTE ,
Ministère du Plan de la RDC, Kinshasa ,p.3
Aussi lorsque la Banque Mondiale publie les statistiques sur la
pauvreté basées sur le seuil de 1 ou 2 dollars par jour, les
pauvres de l'Occident ne sont donc pas concernés.
Devant cette réalité et sous la pression de la
Société Civile Internationale sur les pays riches ou (G7), la
Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont lancé un
programme d'allégement de la dette des pays pauvres très
endettés connu sous le nom de l'initiative en faveur des pays pauvres
très endettés (Initiative PPTE).
Il s'agit d'un cadre d'action conçu pour fournir une
assistance spéciale aux pays pauvres très endettés qui
mettent en oeuvre des programmes d'ajustement et de reformes avec l'appui de
ces deux Institutions, mais pour qui les mécanismes classiques
d'allégement de la dette ne suffisent pas. Cette initiative vise
à garantir qu'aucun pays ne soit confronté à une charge
d'endettement intolérable.
Il s `agit , en outre , de garantir les programmes sociaux,
surtout en matière de santé et d'éducation de base parce
que ayant compris que les investissements dans la mise en valeur des ressources
humaines sont indispensables à la fois pour accroître la
rentabilité du travail et promouvoir la mobilité sociale.
Après un examen exhaustif de l'initiative , un certain nombre de
modifications ont été approuvées en 1999 à la
réunion du G7 en Cologne afin d'octroyer plus vite un allégement
plus important et d'une portée plus large et de renforcer les liens
entre l'allégement de la dette , la réduction de la
pauvreté et la politique sociale.
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