Section II. Crise d'endettement et Programme
d'ajustement structurel
II.1. Crise de l'endettement
II.1.1 Genèse de la crise
L'origine de l'endettement peut être fixée aux
environs de la deuxième moitié des année 1 960.Certains
pays en développement sont d'ailleurs nés endettés comme
la République Démocratique du Congo (R.D.C) qui hérita des
dettes de l'ancienne colonie Belge envers la métropole.20 Le
phénomène s'est déclaré dés 1970 et son
intensification à partir de 1975 s'est exacerbée dans les
années 1980.21
Le début des années 1980 fut
caractérisé par la crise de la dette qui éclata dans la
plupart des pays débiteurs d'Amérique Latine et d'Afrique Sub
saharienne. Avant toute chose, voyons les principales caractéristiques
de la dette des deux continents synthétisées dans le tableau ci-
dessous
Tableau 1 : Structure et coûts de la
dette
|
Amérique Latine
|
Afrique Sub saharienne
|
1) Structure en (%)
|
|
|
- Créanciers privés
|
68
|
25
|
- Créanciers Public
|
20
|
61
|
- Multilatéraux
|
12
|
24
|
2) Service annuel de la dette (en % des exportations)
|
38,10
|
20,21
|
|
Source : ZAKI LAIDI (1989) , Enquête
sur la Banque Mondiale, cité par MOKONDA .B,Op.cit,p.72
20 . Raffinot,M,. Op.cit. p.45
21 . MOKONDA Bonza, Op.cit. p.72
La structure comparée de la dette dans les deux
continents montre d'une part que les pays de l'Amérique latine sont plus
endettés vis-à-vis des créanciers privés, tandis
que pour les pays de l'Afrique Subsaharienne ce sont les Etats qui ont
été les plus gros prêteurs. D'autre part, le service de la
dette représente 38,10% des recettes d'exportation des pays de
l'Amérique latine contre 26,21% pour ceux de l'Afrique subsaharienne.
II.1.2. Les causes
Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et les
déficits courants
En octobre 1973, la guerre éclata entre Israël et
les pays Arabes. Pour protester contre l'appui donné à
Israël par les Etats - Unis et les Pays- Bas, les membres arabes de
l'organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) imposèrent
un embargo sur les livraisons de pétrole à ces deux pays. Dans la
crainte d'une désorganisation plus générale des
expéditions de pétrole, les acheteurs firent augmenter les prix
sur les marchés pétroliers en essayant de s'assurer des stocks de
production.
Encouragés par ces développements sur le
marché du pétrole, les pays membres de l'OPEP commencèrent
à relever les prix qu'ils pratiquant à leurs principaux
acheteurs, les grandes compagnies pétrolières.
Le prix du pétrole connut une forte augmentation. En
mars 1974, le prix du pétrole avait quadruplé par rapport
à son prix d'avant-guerre, passant de 3 USD à 12 USD le baril.
Get accroissement des prix du pétrole eu comme effet immédiat
d'augmenter de 10 fois le surplus courant des principaux pays producteurs de
pétrole et de creuser en même temps les déficits courants
des pays non producteurs.22
22.Raffinot,M.,Op.Cit, p.775.
Tableau n° 2 : Balance courante des principaux pays
exportateurs de pétrole, des pays en développement et des pays
industrialisés entre 1973-1986 (en milliards de USD)
Année
|
Principaux Exportateurs
|
Pays en développement
|
Pays Industrialisés
|
1973
|
6.7
|
-11.3
|
20.3
|
1974
|
68.3
|
-37.0
|
-10.8
|
1975
|
35.4
|
-46.3
|
19.8
|
1976
|
40.3
|
-32.6
|
0.5
|
1977
|
29.4
|
-29.6
|
-2.4
|
1978
|
-1.3
|
-33.2
|
14.6
|
1979
|
56.8
|
-49.7
|
-25.6
|
1980
|
102.4
|
-74.4
|
-61.8
|
1981
|
45.8
|
-95.0
|
-18.9
|
1982
|
-17.8
|
-73.2
|
22.2
|
1983
|
-18.0
|
-40.9
|
-23.0
|
1984
|
-10.0
|
-25.0
|
-64.2
|
1985
|
-5.5
|
-28.7
|
-54.2
|
source : FMI, Perspectives de l'économie mondiale,
1983,1985,1986
En 1973 et 1974, la balance courante des pays en
développement non producteurs de pétrole passa de -11,3 à
-37 milliards de dollar. Par contre celle des pays industrialisés passa
de 20,3 milliards à - 10,3 milliards de USD.
L'accroissement du déficit courant de ces deux groupes de
pays correspondit à l'accroissement du surplus courant des principaux
producteurs de pétroles.
Le surplus a augmenté de plus de 10 fois entre ces deux
années (6,7 milliards à 68,2 milliards de USD) témoignant
ainsi d'un transfert de revenu des premiers vers les seconds. D'après le
modèle développé dans la première section, ce
déficit courant des pays en développement devait les amener
à s'endetter en vue de desserrer les contraintes financières
nées de ce choc pétrolier.
En effet, incapables de modifier, à court terme, leurs
dépenses respectives, les pays membres de l'OPEP vont transférer
cette manne pétrolière dans les banques commerciales des pays
riches pour la fructifier. Ces banques, à leur tour,
prêtèrent massivement aux pays du sud pour financer leurs
déficits courants et cela sans aucune règle de prudence en cette
matière.
Quels sont les facteurs qui étaient à la base
du mouvement de ces pétrodollars du Nord vers le Sud ?
Premièrement, la réduction de l'activité
dans les pays de l'OCDE et la chute des taux de profit vont faire chuter la
demande de crédits (situation conjoncturelle due au choc
pétrolier). Il en résultera une concurrence interbancaire de plus
en plus vive qui conduira les banques commerciales à s'intéresser
étroitement aux possibilités de « vendre » du
crédit aux pays en développement et, plus
particulièrement, à ceux qui sont relativement plus
riches.23
Deuxièmement, il faut noter que jusqu'au moment
où a eu lieu le premier choc pétrolier, les exportations des pays
en développement étaient très confortables du fait d'une
relative stabilité des cours mondiaux des matières
premières. En plus, ces économies ont connu, jusqu'au
début des années 70, une croissance rapide .Tout semblait
indiquer que ces pays seraient capables de faire face à leurs
engagements extérieurs.
Troisièmement, face à un environnement mondial
marqué par une forte inflation, la rémunération
réelle de ces prêts était faiblement positive voire
même négative. Aussi, les pays en développement trouvaient
que l'emprunt était si peu coûteux qu'il aurait été
peu judicieux de refuser les prêts offerts.
En 1976, les bons de trésor à 3 mois aux Etats
-Unis rapportaient 4,9% l'an alors que l'indice de prix à la
consommation s'accroissait de 6,7%. Ce qui revient à dire que si une
banque américaine accordait un prêt intérieur en 1976, elle
aurait eu un taux de rendement réel de -1 ,8%.24
L'intérêt que les banques percevaient sur leurs prêts aux
pays en développement était lié aux taux interbancaires
sur le marché de Londres, le LIBOR (London Inter Bank Offered
Rate).
23.Raffinot,M , Op.cit., p.37
24.Krugman, P.R.et Obstfeld,M., (1996),Economie
Internationale,
2è éd .De Boeck, Bruxelles,p.776
Nous avons esquissé ci- dessus les difficultés
extérieures liées à la gestion de la dette. Or, il s'est
avéré qu'entre 1970 et 1980, trois facteurs conjugués ont
eu une incidence négative sur l'évolution de la dette :
- la hausse des taux d'intérêt ;
- la diminution des recettes d'exportation ;
- et l'effondrement des transferts financiers en faveur des
pays débiteurs.
Les taux d'intérêts furent la goutte d'eau qui
fit déborder le vase. Au cours de la période susvisée, les
créanciers, en l'occurrence les banquiers recyclant les
pétrodollars accumulé, faisaient du crédit à un
taux réel négatif, justifié par le fait que le taux
nominal du crédit était inférieur au niveau de l'inflation
en vigueur dans les pays occidentaux.
Les banquiers à la recherche des clients,
concédaient des prêts à des taux négatifs dans
l'espoir sans doute que les efforts déployés par leurs
gouvernements pour maîtriser l'inflation finiraient par donner des
résultats escomptés. Il va sans dire que si cette situation
avaient perduré , ce sont les débiteurs qui auraient tiré
leur épingle du jeu ; le coût du crédit étant plus
abordable. En fin 1979, malencontreusement, la décision des Etats -Unis
de libéraliser la fixation des taux d'intérêt eut comme
conséquence directe le relèvement au-delà de 10% du
Libor.25 En plus , la désinflation des économies
occidentales (6,2% en 1982 contre 13,5% en 1980) rendit aussitôt positif
le taux au point que même avec la baisse du Libor au niveau réel,
le taux parut encore élevé. La nouvelle donne issue de la
combinaison de la hausse de taux d'intérêt et de la
désinflation se traduit pour les pays du Tiers Monde par un bond des
taux d'intérêt réels de 20% entre 1978 -1979 et 1980
-1981.
Cette situation dramatique ajoutée à la
modicité des recettes d'exportation, résultat combiné de
la détérioration des termes de l'échange et de
l'inélasticité de la demande des matières
premières dans les pays industrialisés, entraîne
une augmentation du coût de remboursement de la dette qui ne pouvait que
provoquer une grave crise. Déjà en 1979, vingt- deux pays,
incapables de faire face au service annuel de la dette, se sont vus dans
l'obligation de reporter à l'année suivante le paiement de
l'ordre de 5,1 milliards de USD. Il faut alors souvent recourir à des
crédits de court terme qui vont asphyxier très rapidement
beaucoup de pays. Le Brésil accumulera, en 1982 12milliards de USD de
crédits nouveaux à court terme pendant que le Mexique totalise 80
milliards de USD. Le Nigeria n'a pas trouvé mieux que d'expulser un
million d'émigrés croyant ainsi résoudre ses
problèmes26 .
25.MOKONDA BONZA , Op.Cit.p.72 26.MOKONDA
Bonza , Op.Cit.p.75
II.1.3. Les conséquences
La crise de l'endettement a été suivie de fortes
conséquences nuisibles pour les PED dont la croissance reposait
essentiellement sur l'afflux des capitaux extérieurs. D'une façon
globale, cette crise a induit l'inflexion du financement extérieur.
Ainsi, il a été observé 27:
- l'effondrement des flux de financement privés ;
- la réduction des flux multilatéraux ;
- la stagnation de l'aide publique au développement ;
- le fléchissement des investissements directs vers les
PED.
Par ailleurs, il convient de remarquer que pour un pays, le
fait d'être très endetté et insolvable a de lourdes
conséquences sur son développement économique. Insolvable,
il ne peut recevoir des prêts de la part des prêteurs privés
et sa capacité d'emprunter auprès des prêteurs officiels
est très faible.
Très endetté, il doit souvent faire d'importants
remboursements du capital emprunté. Et surtout, il doit payer
annuellement des intérêts qui représentent plus de 15% de
ses recettes d'exportation de biens et services et souvent plus de 4% de son
PNB, même s'il n'assure pas la totalité de ses obligations. Il
doit limiter ses importations de biens de consommation, mais aussi de
matières premières et de biens d'équipements
destinés à l'activité de production. Dans de nombreux cas,
la charge de la dette effectivement assurée, remboursement du capital et
versement des intérêts, excède l'aide reçue. Il y a
donc un transfert net de ressources du PED vers les pays
prêteurs.28
Aujourd'hui, l'ensemble de la dette des PED est estimé
à 2400 milliards de USD, c'est environ moins de 4% de toutes les dettes
du monde.
27.Raffinot,M ,Op.Cit, pp.49-54.
28.Auverny-Bennelot,P. (1991), « La dette du
tiers- monde : Mécanisme et enjeux », in Notes et études
documentaires, n°4940, Ed. La documentation française,
paris,p.68
Avec 80 milliards de USD selon les estimations du
Secrétariat Général du Comité pour l'Annulation de
la Dette, on peut éliminer l'extrême pauvreté de la
planète. Lorsque cette somme est étalée pendant dix ans,
elle peut suffir pour éliminer les besoins en eau potable, pour avoir
une alimentation décente et des soins de santé essentiels avec
une éducation primaire pour tous.29
La crise de l'endettement témoigne de l'existence de
déséquilibres, par la dette extérieure. La crise de 1982
se présente comme une crise financière classique marquée
par une rupture des flux de financement privés. Elle frappe de plein
fouet l'Amérique Latine, contrairement aux pays de l'Afrique
financés par un nombre croissant de capitaux publics. Les pays
d'Amérique du sud font donc face à une situation de surajustement
en ce sens qu'ils doivent en plus compenser la réduction du flux de
financement privé.
La nécessité de faire face à des
remboursements élevés et à des transferts négatifs,
pèse sur la croissance du fait des sorties de devises liées au
services de la dette, de la pression à la baisse des prix dans les pays
débiteurs, d'une limitation de la production des agents privés
par anticipation d'une hausse de la fiscalité.
L'évolution économique des pays du tiers monde
dans les années quatre-vingt a été pour l'Amérique
Latine et l'Afrique, et à la différence de l'Asie, les
années marquées par un effondrement des taux de croissance, les
revenus étant fortement touchés et les firmes
étrangères fermaient leurs filiales et multipliaient les
désinvestissements. De plus, l'ajustement achoppait souvent sur la
réduction du déficit budgétaire et sur la balance des
paiements. Toutefois, on a assisté, dans un second temps, à une
réduction du déficit de la balance courante permettant un
ajustement extérieur. Il est cependant difficile de déterminer si
ces évolutions sont les résultats de l'endettement
extérieur ou de l'ajustement structurel imposé.
Au regard de toutes ces conséquences, il s'avère
indispensable pour les pays prêteurs de mettre en place des
mécanismes à même de leur permettre de suivre
l'évolution de l'endettement et de prendre ainsi des mesures
estimées adéquates pour éviter des situations de crises et
insérer les flux de dette dans le processus de croissance. Pour ce
faire, il a été mis au point des indicateurs quantitatifs afin de
permettre une bonne gestion de la charge de la dette.
29.Millet D.,(2004), Document radio phonique : Radio
France Internationale ;
Secrétariat Général du Comité pour
l'Annulation de la Dette (SGCAD) ; Paris.
II.2. L'ajustement structurel
Les conséquences de l'endettement extérieur des
pays de l'Afrique subsaharienne ne se limitent pas à la menace de
déstabilisation du système financier international ; elles sont
également internes et se situent au coeur même de leur processus
de développement et de la croissance de leurs économies, dans la
mesure où le poids de cet endettement est devenu un obstacle
difficilement surmontable.30
L'obligation des pays Africains d'honorer les
échéances d'une part et la limitation ou le tarissement des flux
nouveaux de capitaux extérieurs d'autre part entraînent une
moindre croissance et un prélèvement sur les maigres ressources
disponibles. Dans certains cas, les rééchelonnements successifs
du capital emprunté et des intérêts aboutissent, par un
effet « boule de neige » c'est- à- dire une
augmentation de volume, à un accroissement de l'encours nominal, alors
même que le pays concernés ont accepté de mener pendant des
années des politiques d'austérité de
rigueur.31
Devant cette crise, ni même la Communauté
Mondiale, ni les pays Africains ne sont restés indifférents. Au
contraire, les prises de positions se sont multipliées, entraînant
recherches de causes et propositions de politiques. Mieux, certaines mesures de
redressement ont commencé à être appliquées.
De façon assez logique , la première
réflexion d'ensemble a été menée en Afrique
même .En Avril 1980, les chefs d'Etats et de gouvernements de l'OUA
,réunis à Lagos dans une conférence , ont
élaboré et adopté un plan d `action en vue de la mise en
oeuvre de la stratégie de Moronvia pour le développement
économique de l'Afrique.
Parmi les recommandations de cette stratégie de
croissance économique, deux sont mises en évidence :
l'intégration régionale et la politique d'autonomie, il faut dire
le rapport, préparer la voie à l'établissement
ultérieur d'un marché commun Africain, prélude à
une Communauté Economique Africaine et , sans faire fi de toutes les
contributions extérieures il importe que les gouvernements
privilégiaient les efforts internes de développement sans rupture
d'avec le marché mondial.
Ultérieurement, en 1985, à Addis - Abeba, les
chefs d'Etats et de gouvernement se sont à nouveau réunis pour
faire le point sur la mise en oeuvre du plan d'action de Lagos. Il a fallu
constater que les recommandations avaient connu peu de suivi. Mais cette
évolution est surtout perceptible dans le programme qui a
été adopté en juin 1986 lors de la session extraordinaire
des Nations - Unies, consacrée à l'Afrique. Dans ce programme
d'action des Nations- Unies pour le redressement et le développement de
l'Afrique (PANUEREDA), les idées qui prévalent sont celles d'une
part, de la responsabilité divisée de l'Afrique et de la
communauté internationale face à la crise et d'autre part, de la
nécessité de mener conjointement toute politique de
redressement.32
30.Duruflé,G. (1998),L'ajustement structurel
en Afrique , Ed KARTHALA, Paris,p.14
31 . Duruflé ,G. ,Op. Cit.,p.15
32 . Norro, M. ,Op.Cit,p.24
Les mesures prises sont reparties en :
- mesures prises par les pays Africains;
- par la communauté internationale ;
- et les mesures prises par le système des Nations
Unies.
Que faut -il penser ?
IL est claire que l'Afrique n'est pas sortie de la crise : les
changements , si changements il y a eu ,faibles et fragiles, on est loin
d'être certain que les politique d'ajustement, telles qu'elles ont
été conçues et menées , aient constitué des
réponses adéquates.
En raison du caractère excessivement serré des
contraintes financières, ce qui est annoncé comme un processus
d'ajustement tend à devenir une gestion de l'enlisement dont on ne voit
pas le terme. Cette conclusion est malheureusement une des constantes de
l'analyse que , pour des raisons compréhensibles , mais non sans
hypocrisie , les bailleurs de fonds , eux - même confrontés au
caractère statutairement limité de leurs ressources et aux
exigences de leur conseil d'administration, tentent d'escamoter. Tous les
programmes d'ajustement de la BIRD se doivent assortis d'un scénario de
sortie de crise où, moyennant une enveloppe de financement
extérieur fixée ex-ante, on dessine un scénario
macroéconomique de retour progressif à l'équilibre des
finances publiques et extérieures accompagné d'un taux de
croissance au moins égal à celui de la population. Aucun de ces
scénarios ne résiste vraiment à une analyse serrée
, et de fait , année après année , les besoins de
financement dépassent les prévisions, tandis que les pays
s'installent dans la stagnation voire dans la récession et le
désinvestissement .
Il a fallu attendre la crise financière mexicaine, puis
le plan Baker, pour que les pays créanciers reconnaissent
officiellement, pour les pays endettés et en particulier pour l'Afrique,
le besoin urgent d'un desserrement des contraintes financières et d'un
apport substantiel d'argent frais. Encore ne l'ont -ils fait que du bout des
lèvres .Les banques commerciales ont suivi, avec réticence, pour
le Mexique et le Brésil, qui faisaient peser les plus fortes menaces sur
le système financier international et, depuis, n'ont cessé de se
couvrir et de se dégager. Quant aux pays Africains, de
rééchelonnement en rééchelonnement , on ne fait que
leur maintenir la tête hors de l'eau , tout en leur imposant des
programmes d'austérité qui contreviennent à toute autre
perspective de croissance et de développement et qui se traduisent par
une dégradation souvent dramatique des conditions de vie de couches
importantes de la population .33
33. Duruflé, G ;Ibidem
II.2.1. Les programmes d'ajustement : des aspects
dogmatiques
Le débat sur l'efficacité des mesures
d'inspiration libérale, de restructuration de l'économie
introduit par la Banque Mondiale est fortement hypothéqué par ce
que l'on vient de dire sur les contraintes financières. Dans bien des
cas, il est presque dérisoire d'en appeler à la vigueur de
l'investissement privé et aux vertus des forces du marché dans le
climat de déflation qui prévaut. Ces incantations masquent alors
bien mal un quasi dégagement sans contrepartie de l'Etat et un pur et
simple désinvestissement En revanche , les critiques qu'à bon
droit suscite ce processus d'ajustement déflationniste dont on ne voit
pas le terme, avec toutes les conséquences que cela implique pour les
conditions de vie des populations, ne doivent masquer ni la justesse d'une
partie des diagnostics portés par la Banque Mondiale sur la faiblesse de
la gestion et les erreurs de la politique économique du passé ,
ni certains effets positifs de tous les efforts de réorganisation , de
rationalisation , de remise en ordre de la gestion des finances publiques ,
menés sous la férule du FMI et de la Banque Mondiale et avec leur
appui technique .34
Sur les orientations de fond : ouverture de l'économie
et articulation du système de prix intérieur sur le
système des prix internationaux, désengagement de l'Etat,
privatisation, application généralisée du principe de la
vérité des prix et priorité donnée aux forces du
marché , les termes généraux du débat sont
connus.
Par rapport à ce débat , s'il est une chose que
font ressortir les différentes études de cas , c'est la faible
pertinence des positions systématiques : bien des oppositions de
principe aux réformes proposées par la BIRD ne font que
défendre un statu quo dont la mauvaise gestion et les
conséquences économiques néfastes sont
indéfendables et sans issue . Dans bien des cas, les analyses de la BIRD
ont au contraire le mérite de s'attaquer à des problèmes
laissés dans l'ombre pour des raisons politiques, mais auxquels des
solutions doivent être trouvées . A l'inverse, dans de nombreux
cas, les a priori systématiques du FMI et de la Banque Mondiale en
faveur des solutions libérales ou bien ne se justifient pas après
étude, ou bien semblent relever plus de la croyance que de l'approche
pragmatique de la situation. Il en est ainsi de la recherche
désespérée d'un taux de change d'équilibre, de la
libéralisation du prix du riz ou du système d'allocation des
devises à Madagascar, de certains programmes de privatisation (cas
de la Sodesucre en Cole d'Ivoire), ou encore de cette conviction
affichée que, dans un contexte plus libéral , l'investissement
privé national et étranger suffira à assurer une
croissance soutenue du secteur industriel, comme si celui -ci se composait d'un
tissu homogène dépourvu des blocages et des discontinuités
qu'une analyse concrète met en évidence35.
34. Duruflé, G. ;Op.cit ,p.15 35 Ibidem, p.16
II.2.2. Le plan BAKER
Le Plan BAKER a été annoncé lors de
l'Assemblée Annuelle du Fonds Monétaire International et de la
Banque Mondiale qui s'est tenue à Séoul du 08 au 11 octobre 1985,
par le Secrétaire d'Etat au trésor des Etats - Unis. Ce plan a
proposé que les banques de développement multilatérales
prêtent un montant supplémentaire de 9 milliards de dollars au
cours de la période 1986-1988 pour favoriser l'adoption par les pays
endettés des politiques axées sur les marchés et aussi que
les banques privées s'engagent à donner un montant total de 20
milliards de dollars sous forme de nouveaux concours net au cours des 3
années à venir pour appuyer les programmes d'ajustement. On
retiendra que 58 banques privées qui avaient consenti des prêts
aux pays en développement, se sont réunies à Washington
D.C. le 28 octobre 1985 et ont donné leur accord de principe à la
stratégie de la dette proposée par Baker.36
En ce qui concerne particulièrement l'Afrique
subsaharienne, ce plan a prévu de consentir de nouveaux prêts
à partir d'un fonds spécial de 2,7 milliards de USD
alimenté par les remboursements des prêts accordés à
la fin des années 60 aux pays de l'Afrique au Sud du Sahara . Ce fonds
consentirait des crédits aux pays africains les plus pauvres, à
des taux bas et avec de longues périodes de remboursement.
Le plan Baker prévoyait aussi de fournir 1,2 milliard
de USD environ par an aux pays Africains les cinq prochaines années .Il
faut signaler que les montant proposés étaient nettement
inférieurs aux besoins de financement de l'Afrique Subsaharienne ;la
République Démocratique du Congo, à elle seule avait
besoin d'un Financement de l'ordre de 1milliard de USD par an sur les trois
années à venir pour amorcer la relance de son économie.
Par ailleurs , il y a lieu de souligner que selon le document de l'O.U.A.
intitulé « programme prioritaire de redressement économique
de l'Afrique, 1986-1990 », qui a servi de base à une session
extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies
en 1986, le service de la dette Africaine absorberait à lui seul entre
14,6 et 24,5 milliards de dollars par an jusqu'en 1990, pour une dette qui se
situait, selon les estimations , entre 130 et 170 milliards de USD en 1986.
Avec les efforts d'ajustement structurel clairement pensons
-nous qu'il était illusoire et trompeur de parler de sortie de crise par
le haut, ou même plus simplement de sortie de crise dans un horizon
prévisible , étant donné les conditions financières
qui prévalaient , les différents programmes d'ajustement dont
leur remboursement a été imposé par des conditions
socio-économiques strictes par le Fonds Monétaire International
et la Banque Mondiale sans tenir compte des difficultés qu'avaient les
différents pays .Il y a parfois d'incompatibilité dans la
réalisation simultanée de certains de ces objectifs 37.
36. MUTAMBA LUKUSA ,Op.cit, p. 63
37.Idem,p.63
C'est ainsi que les mesures de dévaluation ont rarement
conduit aux résultats attendus en matière d'accroissement de la
production. Plus d'une fois, la limitation des crédits qui accompagnait
la dévaluation a asséché la trésorerie des
entreprises, les empêchant d'accroître ou même de maintenir
le volume des importations d'intrants nécessaires à la
production. Comme le montre Maryse DE HERDT et Ndayambaje dans le cas du
Rwanda, la primauté donnée par le FMI à l'assainissement
des finances publiques n'a pas permis d'améliorer la
rémunération des exportateurs (en l'occurrence la production du
café) freinant la stimulation à la production attendue
38.
Le laminage du fardeau de la dette (d'une façon ou
d'une autre) et l'apport d'argent frais sont des conditions nécessaires
à toute reprise d'une croissance soutenue et plus
équilibrée , et à toute perspective de
développement (infrastructures, éducation , santé
apparition de nouveaux dynamismes économiques...) premièrement.
Mais ces conditions nécessaires ne sont cependant pas à elles
seules suffisantes, comme le montrent la genèse des
déséquilibres dès la fin des années 70, sous
l'effet même de l'apport massif de capitaux extérieurs.
Il faut ajouter aussi l'annulation totale de la dette des pays
en développement, en souhaitant que l'Initiative PPTE apporte une aide
qui viendra en renfort des autres instruments dont dispose la Communauté
Internationale - y compris les crédits aux projets et à l'appui
de réformes, et l'assistance consentie par les bailleurs de fonds, en
vue d'engager les économies sur le chemin d'un développement
durable axé sur la réduction de la pauvreté.
38 · Norro, M. , Op.Cit.,p.248
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