I-1-2 Les conséquences sur l'économie
L'incertitude, mieux l'instabilité du politique a
inévitablement déteint sur l'économique. Hormis les
entreprises rentrant dans le domaine public français et britannique, qui
devaient, quelque temps après changer de nationalité
(Electricité du Cameroun, Power Cameroon, Imprimerie Nationale,
Régie des Chemins de Fer, Cameroon Development Corporation ...),
très peu d'entreprises furent créées entre 1960 et 1969.
Le tableau ci-dessous retrace un peu le rythme de création des
entreprises publiques sur cette période.
Tableau II-1 Entreprises publiques
créées entre 1960 et 1969 par secteur
Entreprise
|
Secteur d'activité
|
Année de création
|
Société Sucrière du
|
|
|
Cameroun (SOSUCAM)
|
Primaire
|
1964
|
Contreplaquées du
|
|
|
Cameroun
|
Primaire
|
1966
|
Société camarounaise des palmeraies
(SOCAPALM)
|
Primaire
|
1968
|
Crevettes du Cameroun
|
primaire
|
1968
|
Equatoriale électrique
|
Secondaire
|
1964
|
Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC)
|
Secondaire
|
1967
|
Parc national de génie civil
|
Secondaire
|
1967
|
Banque camerounaise de développement (BCD)
|
Tertiaire
|
1962
|
Société Nationale d'Investissement (SNI)
|
tertiaire
|
1963
|
Source: L'auteur à partir des informations
contenues dans Tedga P.J-M., (1990).
Au total, l'Etat n'avait pu créer qu'une dizaine
d'entreprises publiques en dix ans d'indépendance. La situation
était autrement pour les pays comme la Côte-d'Ivoire et le
Sénégal ; les autorités n'y ont eu pour seul souci que le
développement économique et social de leurs jeunes nations
certainement favorisé par ce calme qui prévalait sur le plan
politique.
Avant d'entamer le volet des actes qui ont vraiment
contribué à créer le secteur public camerounais, il est
une société qui mérite qu'on s'y attarde un peu, parce que
constituant le symbole de l'Etat camerounais investisseur.
I-1-3 La Société Nationale
d'Investissement (SNI)25
La SNI constitue un véritable holding26 pour
l'Etat camerounais. En effet, quand on parle de l'Etat investisseur, c'est
surtout au regard de la place prépondérante que la SNI occupe
dans l'économie de notre pays. Ce rôle va être mis en valeur
successivement en déclinant l'identité de cet outil et dans une
autre mesure en présentant dans le détail les moyens dont elle
dispose pour atteindre ses objectifs.
I-1-3-1 Les objectifs de la SNI
Mobilisation, fixation et orientation de l'épargne
nationale en vue de favoriser, par des moyens appropriés, les
opérations d'investissements d'intérêt économique et
social, dans les domaines industriel, agricole et commercial, sont les
maître-mots de l'objectif assigné à la SNI dès sa
création en 1963. La volonté de l'Etat de faciliter
l'émergence d'un secteur industriel national, non pas dans l'optique de
la création d'un capitalisme étatique, mais pour suppléer
temporairement à une insuffisance des investissements privés
nationaux est la clé de voûte de l'existence de la SNI.
Ses actions concrètes au sein de l'économie
camerounaise se dévoilent ainsi qu'il suit :
25 Cette partie a été réalisée
grâce aux informations fournies en grande partie par la SNI
elle-même.
26 Une société holding est par
définition, une société dépourvue d'activité
industrielle ou commerciale propre, détenant des participations dans
d'autres sociétés en nombre important, pour pouvoir se
réserver le droit d'exercer un contrôle politique sur elle.
- Elle participe à l'éclosion de la grande
industrie, mais aussi et surtout de la petite. Depuis l 'échec de la
stratégie des industries industrialisantes27, la SNI a
recentré ses activités dans la création des PMI/PME.
Néanmoins, certains secteurs lourds ne peuvent se passer des concours de
l'Etat. Il revient de ce fait à la SNI d'investir et de gérer les
intérêts de la nation quand une telle opportunité se
présente.
- Elle intervient également aux cotés de l'Etat
et assiste les entreprises. Elle participe, avec l'Etat, à
l'élaboration de la politique industrielle mais elle est en même
temps l'opérateur chargé de sa mise en place effective.
Si ces missions sont louables sur le plan du
développement économique du Cameroun, il reste cependant que l'on
peut s'interroger sur les moyens dont dispose la SNI pour parvenir à
concrétiser ses ambitions.
I-1-3-2 Les moyens de la SNI sur le plan
économique et financier
Sur le plan financier donc, le capital de la SNI est fort
révélateur de son importance. En effet, le capital social de la
SNI s'élève à 7 milliards de F CFA, un chiffre
supérieur à celui de la défunte banque camerounaise de
développement, institution de financement rivale.
Ses ressources sont composées de ses réserves
mais aussi et surtout de bons d'équipement. Il s'agit d'une sorte
d'emprunt forcé auquel toutes les institutions financières sont
obligées de souscrire périodiquement pour financer des
investissements dans l'industrie et l'agro-alimentaire. La SNI rembourse avec
un taux d'intérêt fixé par le gouvernement.
La SNI peut aussi s'endetter auprès des organismes
internationaux de financement ou auprès des banques regroupées
dans le cadre du financement d'une opération commune. Elle autofinance
aussi certains projets.
Eu égard ces énormes moyens financiers, la SNI a
connu une sorte de piétinement de son activité. Pour s'en
convaincre, observons que l'importance de son porte-feuille est allée
décroissant sur la période 1983-1988. En effet, au 30 juin 1983
la SNI totalisait 77 sociétés dans son porte-feuille contre 59
seulement au 30 juin 1988. Cette situation
27 C'est l'idéologie qui veut que le développement
économique passe par la constitution de grosses entreprises
industrielles.
étant contradictoire à la conjoncture de
l'heure, laquelle faisait état de finances intérieures et
extérieures excédentaires grâce aux recettes
pétrolières. Au fil des ans, la situation ne s'est guère
améliorée, on passe ainsi de 59 entreprises constituant le
portefeuille de la SNI au 30 juin 1988 à 39 entreprises au 30 juin
2001.
I-1-3-3 Les moyens de la SNI sur le plan
politique
Sur le plan politique, l'influence de la SNI s'explique par le
fait que la SNI remplacerait un ministère des entreprises publiques que
l'Etat n'a pas voulu créer pour des raisons de souplesse et un
légitime souci d'éviter la bureaucratie (Tedga, 1990). De par la
liberté des mouvements qui est la sienne, la SNI ne s'apparente à
aucune autre société d'Etat de la place. Par exemple, la SNI peut
initier, financer - y associer des investisseurs privés (nationaux ou
étrangers) - des projets qu'elle a identifiés et jugés
financièrement viables. Le MINDIC peut aussi en faire autant, à
condition cependant de négocier le volet financement avec le
ministère des finances, les banques ou la SNI, ce qui est de nature
à limiter sa marge de manoeuvre.
L'importance de la SNI, sur le plan politique, découle
aussi des enjeux de la politique industrielle du pays. « Le gouvernement
étant incapable de créer de nouveaux emplois, » il revient
à la SNI de le relayer dans cette mission en multipliant les
sociétés d'économie mixte. Cette situation favorise
l'étroitesse des liens entre cette société et la
présidence de la république et accroît par la même
occasion son poids dans la politique de nation.
Tableau II-2 Liste des entreprises
à participation SNI en 2001
Raison sociale
|
Capital social*
|
Pourcentage SNI
|
1- SCT
|
1750
|
66.67
|
2- CICAM
|
1500
|
30,00
|
3- CIMENCAM
|
5600
|
63,07
|
4- SOSUCAM
|
2500
|
7,83
|
5- SOCATRAL
|
750
|
25,02
|
6- SHNC
|
2414
|
57,55
|
|
7- SGHC
|
962,72
|
89,50
|
8- SOCAVER
|
1100
|
35,00
|
|
9-SATC
|
100
|
25,00
|
10- SCS
|
2074,895
|
20,16
|
11- SABC
|
11.083,630
|
15,82
|
12- SONEL
|
30.000
|
ND
|
13- CPE
|
40
|
63,00
|
14- SODEPA
|
375
|
33,33
|
15- CAMSHIP
|
3010
|
30,26
|
16- ECAM PLACAGES
|
950
|
35,00
|
17- SOHLI
|
1000
|
88,98
|
18- SAFACAM
|
1820
|
35,44
|
19- CAMELCAB
|
600
|
40,00
|
20- SONARA
|
17. 800
|
17,00
|
21- ALUBASSA
|
185,42
|
17,26
|
22- SEMC
|
859,680
|
37,50
|
23- SCDP
|
3500
|
11,00
|
24- ALUCAM
|
17.388
|
6,94
|
25- SIC CACAO
|
1147,5
|
15,03
|
26- SHE
|
400
|
23,80
|
27- SCDM
|
1474,8
|
86,89
|
28- CHC
|
10.000
|
14,87
|
29- CAC
|
4850
|
4,12
|
30- TANICAM
|
500
|
10,00
|
31- SCAN
|
900
|
49,00
|
32- MAISCAM
|
3250,006
|
15,00
|
33- MILKY WAY
|
1065
|
34,00
|
34- BLC
|
5
|
9,86
|
35- CELF
|
10
|
10,00
|
36- CACOCOM
|
600
|
25,00
|
37- HUA LONG
|
480
|
10,00
|
|
38- SINOCAM
|
108
|
24,98
|
Source: Construction de l'auteur à partir des
états financiers de la SNI au 30 juin 2001. * lire en millions de F
CFA.
I-2 Les actes constitutifs du secteur public
camerounais
Outre la construction des entreprises publiques, la
constitution du secteur public camerounais s'est faite au moyen de nombreux
textes juridiques. En effet, il est admis avec Tedga (1990) que, à une
certaine période les entreprises publiques se sont trouvées en
difficulté du fait de l'incertitude juridique les caractérisant.
Le gouvernement s'est donc attelé à préciser le cadre
juridique de nos entreprises publiques. Nous voulons ici en retracer les
principaux axes notamment en revenant sur les actes juridiques majeurs de la
vie des entreprises publiques camerounaises. L'accent sera mis sur la loi
n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général
des établissements publics et des entreprises du secteur public et
parapublic. Cependant, avant d'y arriver nous présenterons d'abord la
loi du 11 juin 1968 ainsi que le décret de juin 1986 qui constituent les
prémisses de l'action juridique en faveur des entreprises public au
Cameroun.
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