I-2-1 La loi n° 68-LF-9 du 11 juin 1968
C'est une loi qui promeut les sociétés de
développement. Comme leur nom l'indique, cette variété
d'entreprise constitue un support de développement du pays en
contribuant au développement de la région dans laquelle elle est
implantée. Il est important cependant de savoir pourquoi cette
démarcation quand on sait que les entreprises créées par
un Etat sous-développé ne peuvent que l'être dans le but de
favoriser le développement. Il convient pour ce faire de recentrer les
idées notamment par rapport à la place qu'occupe l'agriculture
dans notre économie. Ce n'est qu'après cela que pourra se faire
l'analyse da la loi en question.
I-2-1-1 La place du secteur agricole dans
l'économie camerounaise
On peut appréhender l'importance du secteur agricole
dans l'économie camerounaise au travers de la position qu'occupe le
monde rural dans la population totale, du moins pour ce qui est de la
période se rapprochant de l'adoption de la loi que nous étudions.
La population rurale est en effet estimée, en 1984 à 6.67 1.000
habitants par rapport à 11 millions de camerounais vivant sur le
triangle national, soit un taux d'urbanisation de 34%. C'est donc la principale
raison pour laquelle, des investissements relevant du sixième plan
quinquennal (juillet 1986-juin1991) est consacrée au secteur agricole
une importance relative substantielle par rapport aux autres secteurs (26,1%).
En effet, l'Etat à travers ce plan a pour ambition de faire du Cameroun
« le grenier de l'Afrique centrale >>. Cette ambition est cependant
jugulée par d'une part la non mécanisation de notre agriculture,
mais d'autre part aussi par les difficultés liées aux pratiques
économiques malsaines développées par la concurrence
déloyale imposée par les grosses structures
étrangères. C'est cette concurrence qui va entraîner la
fermeture de l'huilerie-raffinerie camerounaise (HURACA) en 1983. C'est pour
remédier à cette situation, et conscient du rôle du secteur
agricole que le gouvernement a fait voter la loi du 11 juin 1968
régissant les sociétés de développement.
I-2-1-2 Les sociétés de
développement
C'est d'abord un instrument de la politique gouvernementale.
Ces sociétés sont la résultante de la confrontation de
deux écoles de pensée ; la première préconisant la
préférence de l'Etat pour les complexes agro-industriels tandis
que la seconde est une plaidoirie en faveur de la « villagisation.
>> C'est cette deuxième école qui va influencer la
création des sociétés de développement à qui
l'Etat avait assigné, en plus des critères de croissance, de
productivité et de rentabilité, celui de la garantie de
l'intérêt social. Pour y parvenir, l'Etat innove en créant
un commissariat pour le contrôle de ces sociétés. La
difficulté de l'exercice de cette fonction et l'impossible conciliation
des objectifs financiers à celui de l'intérêt social ont
conduit la plupart de ces entités à la faillite.
Tableau II-3 Les
sociétés de développement
Raison sociale
|
Date de création
|
Capital*
|
SOCAPALM
|
23 nov. 1968
|
9450
|
SEMRY
|
1971
|
4550
|
ZAPI-EST(dissoute en janvier 1990)
|
1967
|
600
|
SODECAO
|
2 fev. 1974
|
425
|
SODECOTON
|
10 mai 1974
|
4529,4
|
CAMSUCO
|
mars 1975
|
1286,4
|
HEVECAM
|
30 avril 1975
|
16.518
|
CDC
|
28 sept. 1973
|
12.243
|
|
(créée depuis 1947 mais transformée en
société de développement à la date indiquée
dans le tableau)
|
|
SODEPA
|
8 mars 1974
|
375
|
UNVDA
|
29 oct.1970
|
895
|
MIDEBOM (dissoute en 1989)
|
29 nov.1975
|
ND
|
MIDEVIV
|
26 sept.1973
|
ND
|
Source: Construction de l'auteur à partir des
archives du MINDIC. * Lire en millions de F CFA.
I-2-2 La loi n° 99/016 du 22 décembre
1999
Elle fait suite à l'ordonnance n° 95/003 du 17
août 1995. Cette loi vient en effet combler les manquements juridiques au
niveau des organes de gestion. Deux points meubleront notre argumentation. Le
premier est relatif à la clarification du point de vue juridique quant
au secteur public et parapublic, le second sera consacré à la
définition des principes devant caractériser le suivi de la
gestion et des performances des entreprises publiques, leur contrôle et
ainsi que la gestion du personnel.
I-2-2-1 Clarification juridique
Le secteur public et parapublic est essentiellement
constitué d'établissements publics administratifs (EPA), de
sociétés à capital public (SCP) et de
sociétés d'économie mixte (SEM).
Un établissement public administratif est une personne
morale de droit public, dotée de l'autonomie
financière28 et de la personnalité juridique ayant
reçu de l'Etat ou d'une collectivité territoriale
décentralisée un patrimoine d'affectation, en vue de
réaliser une mission d'intérêt général ou
d'assurer une obligation de service public.
Une société à capital public
désigne une personne morale de droit privé, dotée de
l'autonomie financière et d'un capital-actions intégralement
détenu par l'Etat, une ou plusieurs collectivités territoriales
décentralisées29 ou une ou plusieurs autres SCP, en
vue de l'exécution dans l'intérêt général,
d'activités présentant un caractère industriel et
commercial. Il en est de même des SEM à la seule différence
que le capital-actions est détenu partiellement par l 'Etat ou par ses
différentes représentations.
Les SCP et SEM constituent les deux modalités des
entreprises publiques, elles sont créées et exercent leurs
activités selon les principes régissant les
sociétés anonymes. L'ensemble EPA, SCP et SEM est sous la tutelle
de l'Etat. La tutelle désignant la pouvoir dont dispose l'Etat pour
définir et orienter la politique du gouvernement dans le secteur
où évolue l'EPA ou la société publique. On
distingue la tutelle technique et la tutelle financière. La
dernière a pour objet d'apprécier les opérations de
gestion à incidence financière des EPA, et d'examiner à
posteriori les comptes des autres catégories d'entreprises du secteur
public et parapublic. Elle est exercée par le Ministère
chargé des finances pour les EPA, les SCP ayant l'Etat comme unique
actionnaire et les SEM où l'Etat détient au moins 25% du capital.
La tutelle technique elle a pour objet de fixer les objectifs assignés
à l'ensemble des entreprises du secteur considéré et, en
tant que de besoin, d'en assurer la régulation, en vue d'un
fonctionnement normal.
Les actions ainsi détenues dans les SCP et les SEM
appartenant à l'Etat sont confiées au ministère
chargé des finances. Qu'en est-il cependant de leur suivi ?
28 Capacité pour une personne morale d'administrer et de
gérer librement les biens ou immeubles, corporels ou incorporels ou en
numéraire constituant son patrimoine propre, en vue de réaliser
son projet social.
29 Région, commune ou tout autre type de
collectivité territoriale décentralisée
créée par la loi.
I-2-2-2 Suivi de la gestion, des performances, du
contrôle et du personnel L'Etat et ses différentes
représentations assurent et interviennent dans la gestion des
entreprises de leur porte-feuille. Ces dernières doivent adresser au
MINFIB (c'est lui qui assure la gestion des performances) tous les documents et
informations relatifs à la vie de l'entreprise qui doivent être
tenus, en vertu du droit commun, à la disposition des actionnaires ou
des administrateurs. Il s'agit notamment des rapports d'activité, des
rapports des contrôleurs financiers et des agents comptables, des
rapports des commissaires aux comptes, ainsi que des états financiers
annuels et des comptes certifiés. Elles sont aussi tenues de publier au
moins une fois par an, une note d'information présentant l'état
de leurs actifs et de leurs dettes, et résumant leurs comptes dans un
journal d'annonce légale et dans un organe de presse nationale. Le
contrôle lui est assuré par un contrôleur financier pour ce
qui est des EPA, et par un ou plusieurs commissaires aux comptes lorsqu'il
s'agit des SCP et SEM. Dans l'un ou l'autre cas, ces agents sont
désignés par acte du ministre des finances.
Les commissaires aux comptes ont mandat, à l'exclusion
de toute immixtion dans la gestion de l'entreprise de réviser les
comptes, d'en vérifier les valeurs, afin de certifier la
régularité et la sincérité des états
financiers ainsi que des informations contenues dans les rapports des organes
statutaires. Ils sont ainsi chargés d'adresser à
l'assemblée générale des actionnaires et au ministre des
finances au moins une fois par an, un rapport général sur les
comptes et un rapport spécial sur la conformité des actes de
gestion.
Sur le plan de la gestion du personnel, elle relève de
la législation du travail, sous réserve des dispositions des
dispositions du statut général de la fonction publique relatives
à la retraite et à l'avancement.
Voilà comment s'est constitué le secteur public
camerounais. Cependant, les actes juridiques n'en ont pas garanti la saine
émulation notamment sur le plan de la gestion. Nous allons dans ce qui
suit mettre en exergue les manquements relatifs à la gestion des
entreprises publiques camerounaises ainsi que les différentes solutions
qui ont proposées pour y faire face.
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