a- La collecte et la gestion
Beaucoup d'actions concernant la précollecte sont
menées par les ONG et associations dans différents quartiers de
la ville. Nous nous sommes approchés des trois acteurs majeurs de la
précollecte dans la ville de Yaoundé, il s'agit des associations
Sarkan Zoumountsi du quartier Briqueterie, de Tam-tam Mobile du quartier Melen
et du GIC Jevolec du quartier Mendong ;
L'association Sarkan Zoumountsi est née en 1995 et a
bénéficié dès octobre 2003 d'un financement de la
Coopération Française et de la CUY dans le cadre du programme
d'assainissement urbain, qui avait pour souci d'expérimenter le
système de collecte à travers les centres de regroupement.
Exerçant dans le quartier Briqueterie, arrondissement de Yaoundé
II avec 3800 ménages pour 26600 habitants, cette association
bénéficie également de la contribution journalière
de 50 F CFA/ménages. Les déchets précollectés sont
stockés dans des centres de regroupement et ensuite acheminés
vers la décharge contrôlée par les camions de HYSACAM.
L'association Tam-tam Mobile quant à elle exerce au
quartier Melen 3 et 4, arrondissement de Yaoundé VI. Créée
en 1997, cette association travaille pour le compte de 915 ménages pour
6090 habitants. La contribution par ménage s'élève
à 500 FCFA pour les familles de 01 ou 02 personnes et 1000 FCFA pour les
familles de plus de 02 personnes. A l'aide des pousse-pousse, des brouettes,
des sacs en fibres de 100 kgs, des râteaux, des pelles, des tridents, des
houes et des pioches, 03 tonnes en moyenne de déchets sont
précollectées par jour et déversés dans les bacs
à ordures de HYSACAM. Mais comme beaucoup d'associations de
précollecte, Tam-tam Mobile exerce dans de conditions difficiles
liés notamment à la faiblesse des contributions des
ménages.
Quant au GIC JEVOLEC, crée le 05 mai 1997, il assure la
précollecte des déchets auprès de 300 ménages au
quartier Mendong dans l'arrondissement de Yaoundé VI. Le montant des
contributions mensuelles par ménage s'élève à
500FCFA et 1000 FCFA en fonction de la taille du ménage. Les
quantités de déchets produits par les ménages varient
entre 2 et 10 kgs/jour. Il est lui aussi confronté aux mêmes
difficultés que connaît le service de précollecte des
déchets ménagers dans les quartiers.
Comme nous l'avons déjà souligné, les
structures de précollecte soufrent d'énormes problèmes de
financement ce qui pose le problème de pérennité du
service de précollecte qui ne bénéficie pas d'un ancrage
institutionnel.
L'une des actions les plus pertinentes menées sur la
précollecte reste le projet réalisé en septembre 2002 par
l'ONG Environnement Recherche Action au Cameroun (ERA-CAMEROUN) intitulé
<< Mise en place des structures de précollecte et de traitement
des déchets solides urbains dans une capitale tropicale : cas de
Yaoundé, Cameroun>. Ce projet s'inscrivait dans le cadre du programme
de << gestion durable des déchets et de l'assainissement urbain
> financé par le Ministère Français des Affaires
Etrangères (convention n° 2001 00123 00).
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L'objectif général de cette action pilote
était de contribuer à l'optimisation de la mise en place et du
suivi d'opérations de précollecte. Pour atteindre cet objectif,
la méthodologie développée visait à
améliorer le taux de couverture des services de collecte des ordures
ménagères dans les quartiers spontanés ou les zones
périurbaines en créant un cadre de concertation et une
complémentarité entre les petits opérateurs locaux et
HYSACAM. En ce qui concerne l'action menée proprement dite, deux
prestataires ont été retenus pour l'action, à savoir
l'association Tam-tam Mobile et le GIC Jevolec.
Globalement, l'action pilote ainsi menée a eu de
résultats satisfaisants dans la mesure où en plus d'un taux
acceptable de participation des ménages, 91 tonnes de déchets
ménagers ont été enlevées tous les mois; environ
50% de ces déchets auraient échoué dans les caniveaux et
cours d'eau. Ce projet a conduit à une amélioration de
l'état de santé des populations due à une
amélioration de l'environnement et de leur cadre de vie, à la
création des emplois pour les jeunes désoeuvrés, à
l'obtention de données nécessaires à la
réplicabilité de cette opération et à la
reconnaissance implicite des rôles des différents acteurs par la
commune. Mais seulement pour assurer la pérennité d'une telle
action le soutient financier de la commune et de HYSACAM s'avère
nécessaire. D'ailleurs pour HYSACAM, l'action menée dans les
quartiers est satisfaisante et devrait augurer un avenir meilleur et une bonne
clarification des rôles des différents acteurs.
Elemva (2001) dans son mémoire d'ingénieur
s'est posée la question de savoir ce qui se passerait dans le contexte
de Yaoundé sous l'angle environnemental si tous les déchets
étaient triés dans leurs différents points de production
avant d'être acheminés à leurs différentes
destinations. Pour cela, l'auteur a mis en exergue les concepts de collecte
traditionnelle et collecte sélective.
La collecte traditionnelle : C'est un système qui
consiste à rassembler les déchets en vrac et à les
acheminer soit aux usines de traitement soit en décharge, elle se fait
à un faible coût. Sous l'angle environnemental, ce système
de collecte est le moins respectueux de l'environnement et ne présente
aucun avantage économique : tel est le cas de Yaoundé.
La collecte séparative quant à elle, est un
système qui consiste à trier les déchets à leur
lieu de production avant d'être acheminés à
l'extérieur pour évacuation. Sur le plan environnemental, la
collecte séparative pollue moins que la collecte traditionnelle. En plus
elle permet de mettre en valeur et de mieux exploiter le pouvoir
économique des déchets (très recommandée pour la
ville de Yaoundé).
Pour Elemva (2001), la gestion des déchets
ménagers à Yaoundé se réduit quasiment à la
collecte en vrac et à la mise en décharge, le pourcentage des
matériaux revalorisés atteignant à peine 5%. Or nombre
d'expériences dans le monde montre qu'une gestion efficace des
déchets passe par leur revalorisation. Une approche économique
consiste donc à les trier à la base. C'est le cas en France
où la collecte sélective fait partie des méthodes de
collecte usuelle.
Un projet pilote mis en place à Yaoundé en 2002
et placé sous la houlette d'un programme d'action piloté par le
Ministère français des Affaires Etrangères, le Programme
de Développement Municipal (PDM) et le Programme Solidarité Eau
(PS-Eau), avait pour thème « Gestion durable de déchets et
de l'assainissement urbain ». Ce programme d'action et de recherche
associait partenaires du Nord et du Sud et principalement d'Asie, l'objectif
principal étant la collecte des déchets dans des quartiers non
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accessibles aux camions de ramassage des déchets.
Regroupant les expériences de bon nombre de pays d'Afrique,
d'Amérique Latine et d'Asie en matière de gestion des
déchets et de l'assainissement urbain, cet ouvrage de 191 pages met bien
évidemment l'accent sur les actions entreprises dans différents
pays. D'ailleurs l'expérience du Cameroun y est largement abordée
avec notamment l'action intitulée << D05 >> de Era-Cameroun
explicitée dans le paragraphe précédent.
Ngnikam (2000) quant à lui se proposait dans ses
travaux de thèse, d'analyser d'un point de vue environnemental et
économique le (les) système (s) de gestion de déchets le
(les) plus adapté (s) au contexte de Yaoundé. Il mettait tout
d'abord en exergue les quatre systèmes de gestion des déchets
cidessous avant de déterminer celui (ceux) qui correspond (ent) le mieux
au contexte de Yaoundé. En fin d'analyse, il estimait que le
système 2 était le plus performant sur les plans
économique et environnemental. Par rapport aux autres systèmes,
il requiert peu d'investissement et son coût de gestion peut être,
dans certaines conditions, plus favorable que le système de
référence. Même dans l'hypothèse où la seule
vente de l'électricité constituerait la source de recettes de
l'unité de méthanisation, le coût de gestion
résultant reste modeste. Le système 4 qui dans les conditions de
Yaoundé, a une performance environnementale acceptable, est
pénalisé par son coût économique.
Système 1 :
Système de référence
Elimination des déchets bruts par la mise en
décharge
Système 2 :
Elimination des déchets bruts par la mise en
décharge
Production d'électricité à partir du biogaz
de décharge
Système 3 :
Elimination de la fraction non fermentescible
Production de compost
Système 4 :
Production de compost
Elimination de la fraction non fermentescible
Production d'électricité à partir du biogaz
de digesteur
Dans le souci de limiter la quantité de déchets
ménagers à mettre en décharge et améliorer la
production agricole de village Nkolfoulou, la société HYSACAM, a
en projet d'expérimenter plusieurs filières de traitement dont
une unité de production de compost à partir des déchets
verts et des matières organiques, couplée à une
unité d'expérimentation de production agricole, une unité
de tri sélectif (déchetterie) et une << petite >>
unité expérimentale d'incinération des déchets
hospitaliers. La mise en décharge se présenterait alors comme le
montre la figure 2.1.
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Figure 2.1 : Le système de mise en
décharge des déchets à Yaoundé
Source : HYSACAM
b-La récu
Incinérateur
Déchetterie
Pesage/tri
Compostière
Traitement des lixiviats Collecte du Biogaz
(en projet)
Eaux épurées
Bassins de décantation
Drainage des lixiviats
Déversement
Reprise et réglage
Mise en décharge
Compactage
Couverture finale
Couverture intermédiaire
Drainage gaz (en projet)
Captage
Brûlage
Plantation
Gaz brûlé
Valorisation
Un vaste projet de récupération et de
valorisation des déchets plastiques de la ville de Yaoundé a
été conduit par l'ONG CIPRE en 1999 et porte ses fruits
jusqu'aujourd'hui. En effet, pour cette ONG de recherche et d'action
basée à Yaoundé, une bonne gestion des déchets
ménagers passe par la valorisation voire le recyclage de leur grande
partie dans des conditions économiquement viables. C'est en France que
le vote de la loi imposant un pourcentage minimal de valorisation sur les
déchets d'emballage a suscité l'organisation de la collecte
sélective au niveau des collectivités locales.
L'objectif de l'action était de collecter 350 tonnes
de déchets plastiques dont 80% destinés au recyclage, 2% à
la vente directe après reconditionnement et 18% de déchets
ultimes. Entièrement financée par le FSD à partir de
Juillet 1997 cette action dura 18 mois, avec l'appui technique de l'ONG
française Groupe de Recherche et d'Echanges Technologiques. Pour cela,
La collecte de ces déchets fût organisée dans des points de
regroupement repartis à travers la ville et au besoin à
l'occasion de porteà-porte. Les déchets furent ensuite
triés selon le type de plastique, nettoyés, conditionnés
en sacs et enfin vendus à des industriels recycleurs.
Comme résultats obtenus : L'initiative du CIPRE eut
des répercussions positives tant sur le plan socioéconomique que
sur le plan écologique. Autre effet positif, le rapprochement du secteur
de la récupération des déchets (informel) avec le secteur
industriel. Aujourd'hui encore beaucoup de jeunes camerounais participent
à la collecte et à la valorisation des déchets plastiques
à Yaoundé au CIPRE, antenne d'Etoug-Ebé. Bien au
delà de son impact positif sur la réduction de la
pauvreté, cette action contribue aussi à préserver
l'environnement.
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Fritz (1992), dans son rapport de stage du DEA s'est
proposée d'identifier la situation dans les domaines de la
récupération, du recyclage et du compostage des déchets
solides de Yaoundé et proposer des solutions qui pourraient
améliorer cette situation.
Pour elle, l'urbanisation accélérée des
PVD rend de plus en plus difficile l'organisation des services publics.
Notamment en matière de gestion des déchets solides, les
modèles souvent importés des pays industrialisés sont mal
adaptés. Malgré cette limite, bien que l'activité de
récupération à Yaoundé soit certes informelle on
constate qu'elle est très bien organisée et
hiérarchisée. La diversité de ces valorisations traduit la
grande ingéniosité des artisans, des commerçants et des
individus pour des produits à bas prix (25F la bouteille recyclée
afin d'être réutiliser comme emballage, fabrication des
alvéoles pour oeufs à partir du papier recyclé et
fabrication de la colle forte et du vernis à partir des déchets
plastiques, obtention des ustensiles de cuisine après transformation des
métaux).
En 1995, la ville de Yaoundé comptait 15 sites de
compostage mis en place avec l'appui de divers bailleurs de fonds dont le PNUD
et la Coopération Française, mais actuellement l'activité
de compostage dans la ville de Yaoundé est presque inexistante. Pourtant
selon Ta Thu Thuy (1998), le compostage est le procédé qui permet
la plus grande valorisation des ordures ménagères soit 30
à 50%, sans oublier que le compost procure aussi bien des avantages
agronomiques que socioéconomiques de part sa teneur
équilibrée en éléments nutritifs principaux et son
rôle dans l'accroissement de la production des produits de l'agriculture
urbaine et périurbaine.
Dans la ville de Yaoundé c'est le compostage artisanal
en andain qui est le plus répandu. L'air doit circuler dans le tas,
l'action des microorganismes favorise la décomposition de la
matière organique. Il se dégage ensuite du gaz carbonique et de
la vapeur d'eau. Pour répondre à la crise de gestion des
déchets qu'a connu Yaoundé entre 1991 et 1998, diverses
expériences de compostage artisanal ont été
initiées. Mais l'initiative est partie de l'ENSP en 1992, où
à partir d'un site pilote réalisé au sein du campus, des
essais de compostage ont été menés, permettant ainsi une
bonne maîtrise des paramètres techniques et scientifiques,
indispensable pour le développement du système (Ngnikam et al,
1993).
Les autres expériences ont été
développées par les ONG d'abord dans les quartiers Messa
Carrière à Yaoundé. Cette expérience qui s'est
fondée sur la participation financière des populations, a
été très enrichissante. En effet dans un délai
assez court, les partenaires du projet sont parvenus à atteindre l'un
des objectifs de l'opération à savoir le recrutement de 4 jeunes
rémunérés à 20 000 FCFA/mois pour 4h de travail par
jour. Cette somme était supportée par les populations dont les
déchets étaient collectés et traités dans la
compostière. Chaque ménage bénéficiaire payait une
somme forfaitaire de 200 FCFA (0,30 euro) par mois (Ndoumbé et al,
1995).
Après la loi sur les libertés d'associations de
Décembre 1990, bon nombre d'ONG travaillant dans le domaine du
compostage ont été créée. A titre d'exemple, on
peut citer le Cercle International Pour la Protection de la CREation (CIPCRE)
à Bafoussam, la Fondation Camerounaise pour une Action
Rationalisée des Femmes sur l'Environnement (FOCARFE) et le Centre
d'Animation Sociale et
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Sanitaire (CASS) à Yaoundé ; les transformations
concernées restaient cependant de petite échelle. Aujourd'hui,
très peu d'ONG fait dans le compostage à Yaoundé.
Les facteurs ayant contribué à l'arrêt de
ces projets de compostage sont :
- La courte durée des financements n'a pas permis la
consolidation des projets sur le terrain ;
- L'inadéquation entre le coût de production et
les prix commerciaux du compost. La différence observée est de 12
000 FCFA par tonne de déchet traité à Bafoussam par
exemple. Dans cette ville toute la production annuelle de compost était
vendue, mais l'activité était déficitaire à cause
des charges de fonctionnement élevées. A Yaoundé par
exemple, le coût de production du compost (7500 FCFA/tonne d'ordure)
était supérieur au prix de vente (6300 FCFA/tonne) [Ngnikam,
2000] ; L'insuffisance dans le cas de Yaoundé de la surface agricole
susceptible d'utiliser le compost issu des sites de compostage ;
- Le faible flux d'écoulement du compost a aussi
été l'un des facteurs d'échec (8 tonnes
écoulées par mois contre une production de 180 tonnes par mois).
Ce décalage était aussi dû aux conditions climatiques de
Yaoundé. En effet le broyage du compost ne pouvait se faire en saison de
pluies à cause de l'humidité ; de ce fait, les opérations
de broyage et de vente étaient concentrées uniquement sur trois
mois de l'année (de janvier à mars) [Ngnikam et al, 1998] ;
- Le manque de soutient de la part des autorités
municipales ;
- La mise en place du PSU qui ramassait les déchets
ménagers sans contre partie financière des ménagers.
Afin de pallier la faible valeur marchande du compost, il
conviendra de le préparer aussi près que possible de la source
des matières premières car le coût du transport lui
enlèverait toute possibilité de vente à prix raisonnable.
Il faut aussi noter que le compostage procure des possibilités de
travail aux ouvriers et réduit la quantité des déchets
ménagers à transporter et à mettre en décharge.
Ce bilan assez mitigé des actions menées dans
la ville de Yaoundé a permis de recenser les principales causes
d'échec des politiques de gestion des déchets ménagers.