Comme dans l'ensemble des agglomérations urbaines
africaines, la gestion des déchets ménagers dans la ville de
Yaoundé souffre de multiples contraintes. La littérature classe
toutes ces contraintes dans quatre grands ensembles :
a- Les obstacles financiers et techniques
A Yaoundé, la gestion des déchets
ménagers souffre en gros de l'absence ou de la faiblesse des taxes
recouvrées, de l'étroitesse de l'assiette fiscale, et du principe
de l'unicité des caisses et de trésorerie qui occasionne souvent
des retards de paiement ou une réorientation des fonds destinés
à la collecte des déchets. En effet, les sources de financement
de la filière déchet à Yaoundé sont :
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- La Taxe d'Enlèvement des Ordures
Ménagères (TEOM) : elle a été fixée par les
décrets n° 77/220 du 1er juillet 1977 et n° 80/017
du 15 janvier 1980 et représente 0,5% des contributions totales. Ce taux
varie entre 50 et 30 000 FCFA par an pour les établissements payant
patente et licence et ayant un capital inférieur à 500 000 FCFA
par an pour les employés et agents des secteurs publics et privés
et soumis à la retenue à la source, en fonction du salaire
mensuel.
150 FCFA pour les salaires inférieurs à 15 000
FCFA
5 000 FCFA pour les salaires compris entre 150 000 et 250 000o
FCFA
10 000 FCFA pour les salaires supérieures à 500 000
FCFA
- La contribution pour 40 à 60% de l'Etat ;
- La contribution pour 6 à 60% de la Communauté
Urbaine de Yaoundé ;
Les conclusions de la commission interministérielle de
1995 sur l'enlèvement des déchets ménagers qui proposaient
l'instauration de la TEOM indexée sur les factures
d'électricité n'ont jamais été
entérinées par le gouvernement, bien que les analyses de cette
commission montraient que c'était l'un des moyens les plus efficaces
pour mobiliser la contribution effective des ménages au financement de
service de gestion des déchets. En effet, en indexant la TEOM sur les
factures d'électricité, cela permettrait à la ville de
Yaoundé de collecter entre 1 et 1,5 milliards de FCFA de recette par an,
ce qui représente déjà 40 à 60% du coût du
service (MINUH, 1995).
Comme principales limites à ces sources de financement,
on peut noter :
La TEOM qui frappe outre les personnes physiques, les
établissements patentables, mais ne tient pas compte de la
quantité des déchets produits par chaque individu. Le faible taux
de collecte des fonds qui ne se fait pas toujours dans les délais (moins
de 20 % des besoins à Yaoundé). Le bas niveau de la TEOM retenue
à la source pour les agents du secteur public et privé, et pour
les établissements payant les patentes et les licences. Le fait que
l'assiette de la TEOM ne couvre pas la majorité des ménages et
surtout le secteur informel. L'évolution démographique urbaine ne
fait pas partie intégrante des budgets prévisionnels de la
CUY.
Les services rendus souffrent de la non maîtrise et de
l'inadéquation des techniques appropriées (surtout chez les ANG).
Comme obstacles techniques, on peut citer entre autres :
- L'augmentation accélérée de la population
qui à son tour augmente la quantité d'ordures à collecter
(100. 000 habitants en 1968 à 1.700 .00 en 2005) ;
- La répartition spatiale des bacs à ordures ne
tient pas souvent compte des besoins des usagers (quantité de
déchets produite par personne ou par foyer, distance à parcourir,
accessibilité, habitudes diverses...), leur conception ne prend pas en
compte les préoccupations d'environnement et de cadre de vie des
populations avoisinantes ;
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- L'insuffisance et la sous-utilisation du staff technique au
niveau des municipalités ;
- L'absence de données précises sur les ordures
ménagères au niveau des municipalités.
L'une des principales causes de dysfonctionnement du
système actuel est le manque de communication entre les acteurs, qu'ils
soient publics ou privés, et les usagers. Les populations ne sont pas
toujours au fait des opérations menées et ne peuvent donc ni
respecter les directives, ni y prendre part. Les rares campagnes d'information
- sensibilisation menées jusqu'ici sont restées trop partielles,
formelles et bureaucratiques, sans réelles actions sur le terrain. Le
mur d'incompréhension est tel, que les usagers et les autorités
se rejettent mutuellement la responsabilité de l'insalubrité de
la ville.
b- Les obstacles institutionnels et
physiques
Le secteur de l'enlèvement des déchets
ménagers souffre d'une absence de textes juridiques qui
réglementent la précollecte, la collecte et le transport des
ordures aux points de décharge. La ménagère qui jette ses
ordures en milieu de chaussée n'a peur d'aucune
pénalité.
L'on assiste aussi à la multiplicité des
intervenants dans le secteur de l'enlèvement des ordures sans
réellement connaître qui fait quoi. Au niveau étatique,
presque tous les départements ministériels se retrouvent
impliqués dans la gestion des ordures ménagères même
si cela se fait à des degrés divers. C'est le cas avec les :
- Ministère de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation (MINATD), tuteur des collectivités ;
- Ministère de l'Agriculture et du développement
rural (MINADER), responsable du control des engrais ;
- Ministère de l'Energie et de l'Eau (MINEE), responsable
des problèmes de nuisance et de rejets industriels, notamment du
contrôle de la pollution, des déchets industriels et de
l'assainissement;
- Ministère de l'Environnement et de la Nature (MINEN),
responsable de la protection et de la gestion de l'environnement ;
- Ministère du Développement Urbain et de
l'Habitat (MINDUH), responsable de la planification urbaine et de la gestion de
l'hygiène et de la salubrité ainsi que de l'esthétique
urbain ;
- Ministère de la santé publique (MINSANTE),
impliqué dans les aspects sanitaires des ordures ménagères
;
- Ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI),
responsable en partie des financements des activités liés aux
déchets.
Au niveau des collectivités locales, il existe depuis
et toujours un conflit de compétence entre les communautés
urbaines et les communes urbaines d'arrondissement. La loi n° 87/015 du 15
Juillet 1987 portant création des communautés urbaines accordait
aux communautés urbaines la compétence
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en matière d'hygiène et salubrité alors
que pendant ce temps, les communes urbaines d'Arrondissement se chargeaient de
l'enlèvement et du traitement des ordures ménagères.
Le décret n° 97/205 du 07 Décembre 1997
portant organisation du gouvernement accorde au Ministère de la Ville la
compétence en matière de développement social des
quartiers, de l'hygiène et de la salubrité ainsi que de la
supervision de la collecte, de l'enlèvement et du traitement des
déchets urbains. En attendant le décret d'application de la loi
n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux
communes qui confère les compétences de gestion des
déchets ménagers et de l'insalubrité aux communes, plus de
précision sur les compétences de la CUY et des CUA s'impose, car
ce flou institutionnel n'est pas de nature à rendre aisée la
gestion des déchets urbains.
Selon Tanawa et al (2002), les actions des différents
acteurs de la gestion des déchets à Yaoundé sont
résumées dans le tableau ci-dessous :
Activités
M inistères Techniques
M unici p alités
Institutions De recherche
AN G
So ciétés Privés Et GIC
B ailleurs De fonds
U sagers
Acteurs institutionnels
Collecte des données pertinentes et études
spécifiques de la planification de la propreté urbaine
Suivi des indicateurs de la propreté urbaine
Fixation de la TEOM
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Légendes : XX Cas de figure ayant existé
dans le passé et qui n'a plus cours aujourd'hui X Situation actuelle
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Il faut toutefois mentionner le déficit de
frontières nettes à l'exercice des responsabilités des
différents intervenants par des lois et textes particuliers. Les
imprécisions notées sont source d'incompréhension, de
luttes d'influence, de contre-performance dans la gestion des ordures
ménagères. Le déficit de coordination de l'action des
différents intervenants et la multiplicité des centres de
décision sont source de fuite de responsabilité ou de lutte de
compétence.
Comme obstacles physiques, on peut citer entre autres :
- Le relief accidenté constitué d'un ensemble de
collines et de vallées d'altitude variant entre 700 et 1200m,
Yaoundé étant communément appelée « la ville
au sept collines » ;
- L'insuffisance des voies de desserte qui désenclavent
certains quartiers et les privent du service d'évacuation des ordures
ménagères (à Yaoundé, seulement 30% de routes sont
bitumées) ;
- L'extension continue du périmètre urbain qui
allonge les distances de collecte d'ordures (1250 ha en 1968 à 18 000 ha
en 2000) ;
- L'habitat non structuré héberge 60% de la
population de la capitale et le taux d'urbanisation de la ville de
Yaoundé est de 49%9, ce qui rend difficile l'accès des
camions de ramassage dans certaines zones.