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Mondialisation et travail des enfants

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par Edward de Wismes, Inès El Haimar et Caroline de Turckheim
Université Panthéon-Sorbonne - 3ème année Eco-Gestion 2007
  

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b) Approche empirique.

Nous allons à présent étudier le versant empirique des effets de la mondialisation sur le travail des enfants.

Nous pouvons constater, comme la théorie l'avait prédit, que le degré de solvabilité a un effet fortement négatif sur le travail des enfants. De plus, nous verrons que la politique de santé publique affecte effectivement le travail des enfants, comme nous l'avait prédit la théorie. Enfin, nous étudierons le rôle des initiatives gouvernementales dans la réduction du travail des enfants.

Tout d'abord, nous pouvons constater que le coefficient du PIB par habitant témoigne de l'effet de l'allègement de la contrainte de liquidité sur les décisions d'investir dans l'éducation pour le ménage moyen. Mais il témoigne également de l'effet de l'allègement de la contrainte de liquidité sur les dépenses publiques. Une hausse du PIB par habitant réduit le travail des enfants, mais l'effet est statistiquement insignifiant si le travail des enfants est mesuré par le taux de non inscription à l'école primaire, et si l'on prend en compte la proportion de travailleurs sortant du secondaire ou ayant suivi des études supérieures. Cela est conforme aux résultats de beaucoup de chercheurs qui trouvent que la croissance (une augmentation du revenu réel par habitant) peut ne pas être la réponse au problème du travail des enfants. La structure des objectifs (prix et salaires relatifs) peut être plus importante.

Edmonds et Pavcnik vont ainsi vont attirer notre attention sur le au cas du Vietnam qui est intéressant dans la mesure où le travail enfantin est largement répandu, mais aussi parce que ce pays a connu des répercussions non négligeables de la libéralisation du commerce. En 1989 le Vietnam avait mis en place un quota d'exportation de riz maintenant le prix intérieur du riz a un niveau artificiellement bas. Le pays s'est peu à peu libéralisé, entraînant une hausse progressive du prix du riz, et un doublement des exportations. En 1997 le quota a été éliminé et le prix du riz a rejoint le niveau international ; c'est-à-dire que le prix relatif du riz a augmenté de 29% sur la période considérée. Edmonds et Pavcnik se sont donc interrogés sur la réaction du travail des enfants face à ces évolutions. Ils vont considérer deux effets :

En premier lieu on pourrait penser à un effet de substitution car l'augmentation du prix du riz rend plus profitable la mise au travail d'un enfant au dépend de sa scolarisation.

Mais elle permet également de réduire la quantité de travail qu'un ménage doit fournir pour obtenir un certain niveau de revenu. Ce qui correspond à ce qu'on nomme l'effet de revenu.

Basu et Van (1998) ont construit un modèle de l'économie des ménages qui prend en compte l'importance du niveau de vie des ménages sur l'insertion des enfants dans les activités économiques. Ce modèle est basé sur deux hypothèses essentielles, appelées axiomes. Premièrement, selon l'axiome de luxe, une famille fera travailler les enfants sur le marché du travail si et seulement si son revenu sans celui des enfants est relativement faible. Deuxièmement, on a l'axiome de substitution qui implique que le travail des enfants et celui des adultes sont substituables du point de vue de la firme.

Il existe un arbitrage entre le travail et l'éducation. En effet le travail apporte des bénéfices considérables pour les familles pauvres : un revenu, l'accumulation d'expériences spécifiques et permet d'économiser les coûts liés à la scolarisation. Toutefois il engendre aussi un coût : l'abandon des revenus futurs plus élevés qui seraient liés à plus d'éducation. Mais les deux peuvent coexister : l'arbitrage se fait alors entre travail, éducation et loisirs.

Cet effet de revenu peut être supposé réduire la motivation des parents peu qualifiés à envoyer leurs enfants travailler si on présume que le loisirs des enfants et l'éducation sont des biens normaux.

En pratique il a été observé que le travail des enfants est passé de 57% en 1993 à 38% en 1998 (c'est-à-dire une baisse de un tiers sur la période qui correspond à la libéralisation des exportations de riz). La diminution du travail infantile pourrait donc être le résultat du simple développement économique. Afin d'analyser dans quelle mesure la hausse du prix du riz provenant de la libéralisation des échanges a entraîné une baisse du travail infantile, les deux auteurs s'appuient sur le fait que le prix du riz a évolué différemment suivant les régions, en raison des variations des coûts de transport. En corrélant ces différences de prix avec l'évolution du travail infantile dans chaque village, les auteurs montrent que ce dernier a plus diminué dans les localités où le prix du riz a fortement augmenté que dans celles où il a peu augmenté. Edmonds et Pavcnik estiment qu'une hausse de 30% du prix du riz se traduit en moyenne par une baisse de 10% du travail infantile. Cette réduction a été accompagnée d'une hausse de la scolarisation. Ainsi les garçons âgés de 14 à 15 ans ont vu leur taux de scolarisation augmenter de 54% à 76% entre 1993 et 1998, tandis que celui des filles a plus que doublé, passant de 30% en 1993 à 64% en 1998. L'ouverture au commerce a donc eu un effet positif en contribuant à la baisse du travail des enfants. .

Dans la théorie et dans les faits, on tend donc à conclure que l'exposition au commerce favorise l'augmentation de la prime de qualification dans les pays qui ont investit dans l'éducation, et l'instruction de leur main d'oeuvre. Et elle engendre la diminution de cette prime dans les pays qui n'ont pas entrepris ces investissements. La hausse de la prime de qualification peut être jugée néfaste dans la mesure où elle tend à augmenter les inégalités de qualification.

Toutefois, on constate que l'augmentation de cette prime incite davantage les parents à envoyer leurs enfants à l'école. Il n'y a ainsi aucune base théorique ou empirique pour affirmer que la mondialisation engendre des effets intrinsèquement positifs ou négatifs sur le travail des enfants. En réalité, les effets de la mondialisation dépendent essentiellement des conditions initiales, et de l'accompagnement des politiques intérieures.

Dans les pays relativement bien dotés en travailleurs instruits, l'abaissement des barrières à l'échange permet d'inciter davantage les parents à envoyer leurs enfants à l'école. Avec l'aide des politiques de répartition, d'éducation et de santé appropriées, l'ouverture du commerce va s'accompagner d'une hausse de l'inscription au lycée, et donc d'une baisse du travail des enfants. En revanche la suppression des entraves à l'échange dans les pays relativement abondants en travailleurs peu ou pas qualifiés, peut empirer le problème du travail des enfants car cela va diminuer l'incitation des parents à envoyer leurs enfants à l'école. Dans de tels pays le problème n'est pas tant de rendre l'école plus accessible, mais plutôt de la rendre rentable. Cela serait possible en diminuant le coût de l'éducation privée ou en mettant en place des politiques de santé et d'hygiène qui permettraient d'augmenter l'espérance de vie. Ce sont justement ces mêmes politiques qui rendent possibles, pour un pays ayant une proportion suffisamment élevée de travailleurs qualifiés, de profiter (en termes de diminution du travail des enfants) de la participation à l'échange international, et qui sont ainsi recommandées à tous les pays en développement.

Les investissements directs à l'étranger (IDE) ont donc un rôle positif puisqu'ils vont éperonner la croissance économique et avoir un effet indirect qui permettra de réduire la fréquence des enfants au travail. Ils vont stimuler les exportations des pays en développement, leur permettant ainsi d'acquérir davantage de devises étrangères, ainsi que des techniques de pointe. Ce qui va améliorer la productivité du travail et augmenter le nombre d'emplois productifs. En effet, on estime qu'en 1992, 24 millions d'emplois ont été créés directement ou indirectement par les compagnies multinationales dans les pays en développement. En outre, on estime que ces créations d'emplois se feront à un rythme plus rapide à mesure que le rythme des investissements créés dans ce pays s'intensifiera. Par conséquent les travailleurs adultes vont être recrutés en plus grand nombre. Leurs conditions de vie vont donc s'améliorer grâce à un emploi plus stable et plus rémunérateur. Ainsi, la nécessité économique du travail des enfants dans ces familles pauvres va peu à peu s'estomper. De plus, l'ouverture des pays va permettre une diminution des taux d'intérêt et offrir un meilleur accès au crédit. Ce qui va permettre de diminuer le coût d'opportunité de l'école et par la même va diminuer le nombre d'enfants contraints au travail.

En outre, les investisseurs étrangers vont également trouver qu'il est plus difficile d'éviter les lois qui luttent contre le travail des enfants. En effet, les entreprises sont de plus en plus exposées à la surveillance des syndicats, aux médias, aux droits humains et aux groupes activistes. La mondialisation a engendré un vaste débat concernant la mise en place de mesures visant à protéger les travailleurs victimes de la concurrence sur les marchés du commerce mondial. Ce débat a permis la mise en place d'initiatives gouvernementales visant au respect des normes sociales. Par exemple, le règlement du Conseil Européen a institué, depuis le 1er janvier 1998, des régimes spéciaux d'encouragement qui octroient des préférences additionnelles aux pays apportant la preuve qu'ils respectent les conventions de l'OIT ; et notamment la convention numéro 138 qui concerne l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail. Des sanctions commerciales seront mises en place pour les pays qui ne respecteraient pas les droits des enfants.

Les entreprises sont un vecteur important du progrès social grâce à la prise de conscience des consommateurs qui se sentent responsables de leurs choix de produits ou de services. C'est ainsi qu'on a vu fleurir de nombreuses chartes, codes ou labels visant à garantir le respect de certaines normes dans la fabrication des produits. Ainsi, depuis quelques années les compagnies multinationales et les grandes firmes d'importation ont adopté des codes volontaires de conduite qui les ont amené à bannir le travail des enfants de leur fonctionnement économique. De nos jours les grandes marques sont contraintes de renvoyer une image positive. Dans la mesure où la réputation de la marque joue aujourd'hui un rôle important dans la vente de produits similaires, les grandes firmes ont entamé des programmes pour combattre le travail des enfants dans leur chaîne de production. Ainsi, en mars 1995 l'administration a prié toutes les entreprises américaines en action avec l'étranger d'adopter de tels codes. Le label social est un autre moyen de donner la garantie aux consommateurs que le produit a été fabriqué sans recourir au travail des enfants.

C'est en partie la création d'associations comme ATTAC, ou d'ONG à but humanitaire qui a permis cette prise de conscience. Elles agissent comme de véritables contre-pouvoirs qui permettent de faire circuler ce type d'informations.

C'est en partie pour cette raison que la mondialisation engendre un effet positif sur le travail des enfants dans la mesure où une économie ouverte a moins d'encouragement pour préserver la culture traditionnelle et le cadre institutionnel qui favorisent le travail des enfants.

Enfin, plusieurs études ont été menées afin d'évaluer les coûts et les bénéfices engendrés par le travail des enfants dans les pays en développement. Le Programme International pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC) a conclut que l'élimination du travail des enfants engendrerai sept fois plus de bénéfices que de coûts. Selon cette étude, le travail des enfants peut être éliminé s'il est remplacé par l'éducation universelle d'ici 2020 ; et cela pour un coût estimé à 760 milliards de dollars américains. L'IPEC a comparé les coûts et les bénéfices afin de mieux évaluer les conséquences économiques de tels engagements internationaux. Dans les cinq premières années les coûts devraient excéder les bénéfices, mais à plus long terme la tendance s'inverserait pour devenir excédentaire une fois que les effets positifs de l'éducation et de la santé se feraient sentir. Ainsi, selon le bulletin d'information du bureau du BIT, « en 2020 les coûts seraient largement comblés par les retours sur investissement, atteignant un bilan positif de 60 milliards de dollars américains ».

Ainsi, nous pouvons effectivement dire que la mondialisation peut engendrer des effets positifs sur le travail des enfants. Toutefois il nous faut nuancer ce propos car cette affirmation se vérifie seulement dans la mesure où les pays concernés ont pleinement réussi leur adaptation à une économie mondialisée. Or, nous pouvons constater qu'il n'en est pas toujours ainsi.

Précédemment nous avons vu que plus un pays est intégré dans l'économie mondiale, plus la situation sociale de sa population s'améliore. Nous pouvons citer comme exemple la Corée qui, en plein coeur de la mondialisation, a vu se déployer des progrès sociaux considérables : le revenu national a augmenté et la plupart des enfants sont scolarisés. Toutefois certains pays n'ont pas réussi à s'adapter à l'ouverture mondiale du commerce. Longtemps extrêmement fermés, les pays comme l'Inde ou le Brésil, dont les économies sont essentiellement tournées vers les marchés intérieurs, ont vu se creuser des inégalités sociales. Pour une partie considérable de la population la mondialisation leur a donc été fatale. Ce sont désormais les pays où les enfants sont le plus exploités.

Beaucoup d'éléments du problème du travail des enfants se sont développés ces dernières années : le trafic d'enfants travailleurs à travers les frontières nationales, la place des produits fabriqués par les enfants pour l'exportation, la délocalisation de certaines productions vers des pays et des entreprises à forte main d'oeuvre enfantine, l'utilisation positive et négative du problème du travail des enfants dans la publicité commerciale, la place du thème du travail des enfants dans les politiques commerciales internationales. Cette évolution montre la place structurelle du travail des enfants dans le capitalisme mondialisé. Mais elle témoigne également de la prise de conscience au niveau mondial des conditions de vie de certains enfants.

Mais nous avons vu qu'il était impératif de prendre en compte les différents aspects du problème que représente le travail des enfants, c'est-à-dire au niveau économique, éthique, mais aussi diplomatique et commercial, pour que la mondialisation puisse avoir un effet positif et permette de réduire le nombre d'enfants au travail. Il est nécessaire de mettre en place des institutions et des politiques appropriées.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon