IX PRÉSENTER ET COMMUNIQUER SUR ET PAR LE
BUSINESS-PLAN
1) présenter le business-plan
Le business-plan est un objet de communication qui doit emporter
l'adhésion de ceux à qui il sera présenté, que ce
soit dans ou hors de l'entreprise. Si, pour emporter cette adhésion, le
fonds est essentiel, la forme ne peut pour autant être
négligée. Un bon business-plan doit être vendeur. La
présentation d'un tel plan pose cependant certains problèmes.
A Définition d'un plan vendeur
On pourrait définir celui-ci par quelques mots :
Positif, Réaliste et Honnête.
Chacun de ces mots avoir une signification profond dans le
cas que nous occupons.
Positif : On ne peut
évidemment mobiliser que sur un projet porteur d'avenir. On ne voit pas
un banquier acceptant d'aider une société qui se
déclarerait sans avenir, ses produits étant obsolètes ou
ses marchés déclinants. Il est tout aussi difficile d'imaginer
que cette affaire puisse espérer motiver durablement et
profondément ses cadres et ses salariés.
Si être positif est simple lorsque l'entreprise se porte
bien et espère se porter encore mieux, il n'en est pas forcément
de même lorsque les résultats sont négatifs. Il ne faudra
pas dans ce cas cacher les difficultés ni l'ampleur des mesures de
redressement à envisager. Cela ne doit pas empêcher de mettre en
évidence qu'après une période difficile, l'entreprise
consolidée repartira en avant.
Réaliste : Si l'on
désire qu'un plan soit crédible, il faut intégrer la
constatation que la vie de l'entreprise est faite de réussites et de
défaites. C'est une des conditions de sa crédibilité
auprès du lecteur. Tout lecteur aura en général, face
à un plan, un oeil critique. Il tentera en particulier de s'assurer
qu'il a été tenu compte des éventuels aléas dans la
réalisation des objectifs.
Rien n'est pire qu'un plan qui donnerait l'impression que l'on a
empilé et multiplié les hypothèses favorables sans vouloir
prendre en considération les risques éventuels. Si, de plus, un
plan de ce genre n'amène qu'une performance finale moyenne, voire
médiocre, la conclusion sera alors claire pour le lecteur.
Honnête : Si
l'honnêteté est une qualité morale incontestable, elle est
également un moyen irréfutable de convaincre ses interlocuteurs.
Dans le cas du business-plan, le prix à encaisser est celui de la
confiance. Le dirigeant qui présentera un plan auquel il ne croit pas a
toutes les chances de se discréditer et de perdre, peut être
à tout jamais, la confiance de ses interlocuteurs. Le capital confiance
d'un dirigeant est un de ses biens les plus précieux, c'est lui qui
permettra à l'entreprise de trouver l'aide nécessaire à
passer les moments difficiles.
B Le problème du secret
Le business-plan consiste en une description précise et
détaillée de ce qu'est l'entreprise et de ce qu'elle veut
devenir. Une des questions à se poser est alors de savoir si, en
présentant son business-plan, l'entreprise ne risque pas de
dévoiler à ses concurrents actuels ou futurs sa stratégie.
Ce point de vue n'est pas faux, le risque est réel et il faut donc en
tenir compte. Comment alors procéder ?
Il convient tout d'abord de lister les informations
réellement sensibles. La première chose à faire sera de
s'interroger sur ce qui, dans le business-plan, pose problème.
L'entreprise qui désire augmenter sa part de marché
prend-elle vraiment un risque si ses confrères l'apprennent. On peut
penser que dans ce cas, si les confrères ne s'en doutent pas, c'est
probablement qu'ils sont de mauvais observateurs de leur propre marché.
Il est a priori plus facile à une entreprise qui intervient sur
un marché d'observer le comportement de ses concurrents que de tenter de
se procurer, en profitant d'indélicatesses, le business-plan d'un
confrère.
L'entreprise qui entend entrer sur un marché sur lequel
elle n'opérait pas, grâce à une innovation technologique,
est, elle, probablement tenue au secret. Elle pourra ainsi
bénéficier de l'avantage que devraient lui apporter cette
innovation et l'effet de surprise.
On voit bien à travers ces deux exemples qu'il existe des
cas très différents et que, si le secret n'est pas toujours
indispensable, il est dans certains cas totalement nécessaire.
Hiérarchiser
l'information : Si la nécessité du
secret existe bien, il faut donc en tenir compte. Ce secret ne s'applique pas
obligatoirement de la même manière à tous les partenaires
de l'entreprise.
Une des solutions fréquemment retenue consiste à
réaliser des présentations différentes du même
business-plan. Cela veut dire que dans la pratique, on construira un
business-plan complet et détaillé puis que celui-ci sera
expurgé progressivement en fonction des destinataires et la largeur de
la diffusion.
On pourrait, à titre d'exemple, imaginer trois niveaux de
diffusion et donc de nécessité de discrétion en fonction
des destinataires :
Ø Équipe de direction (comité de direction).
Les membres de ce groupe peuvent et doivent bénéficier d'une
information complète, ils recevront donc la version la plus
complète du business-plan ;
Ø Partenaires extérieurs (financiers banquiers). Il
peut à ce niveau apparaître prudent de résumer les aspects
stratégiques. Cette solution permet de ne pas dévoiler certains
détails de la stratégie qui font la force de l'entreprise, ou des
innovations encore à l'étude ou en étape de
pré-commercialisation ;
Ø Ensemble du personnel et actionnaires des
sociétés cotées. On peut à ce niveau se limiter
à un exposé général de la stratégie de la
société qui, sans mentir, permet de laisser dans l'ombre ce que
ne doivent pas connaître les concurrents.
On constate en effet que c'est moins les stratégies
globales qui constituent un véritable secret que leur mode de mise en
oeuvre.
C Le nombre de versions à
présenter
Nous avons vu Pourquoi construire un business-plan qu'il
s'avérait souvent nécessaire d'élaborer plusieurs versions
du business-plan afin de vérifier ce qui pourrait advenir si les choses
se passaient mieux ou plus mal que prévu.
Une chose est toutefois d'explorer des hypothèses à
usage interne. Une autre est de diffuser ces hypothèses à des
partenaires et en particulier à des partenaires externes.
La solution la plus répandue est la suivante :
Ø Le business-plan est unique. Si le business-plan est
bien la concrétisation du projet de l'entreprise, il ne peut être
qu'unique. Le fait qu'il n'y ait qu'un business-plan ne veut pas dire qu'il est
intangible. Un dirigeant doit savoir revenir sur ses projets parce qu'ils se
révèlent irréalisables pour un motif ou un autre. Donc, si
l'on retient cette formule, le document remis et commenté ne comportera
qu'une hypothèse ;
Ø Des calculs de sensibilité peuvent valider le
business-plan. Si l'on admet que l'entreprise présente « son
plan » car elle le considère comme le plus crédible,
rien n'interdit cependant, qu'elle utilise d'autres plans intégrant
d'autres hypothèses, pour mettre en évidence que, même si
les choses se passent moins bien que prévues, elle ne se trouvera pas
pour autant en difficulté.
La présentation de plusieurs plans ou d'un plan unique n'a
pas qu'un aspect cosmétique. Elle propose certains avantages non
négligeables.
Ø Elle démontre que l'entreprise et la direction
s'engagent véritablement sur le projet présenté ;
Ø Elle évite qu'un lecteur pessimiste (les
financiers le sont par profession) ne retienne uniquement l'hypothèse la
moins favorable ;
Ø Elle répond cependant par avance aux questions
d'un interlocuteur qui ne manquera pas de s'interroger sur les
conséquences d'une non réalisation plus ou moins profonde du
plan.
2) Communiquer sur et par le business-plan
En fait, le problème est double puisque le business-plan
est à la fois « Objet » et
« Outil » de communication.
« Objet » dans la mesure où il devra
être remis et commenté. « Outil » puisqu'il
servira de support à la présentation, en diverses circonstances,
de ce qu'est et de ce qu'a décidé de devenir l'entreprise. Cette
communication pose trois problèmes :
A La forme du document
Le problème n'est pas tant celui de choisir entre :
un papier glacé ou un support plus ordinaire, un document imprimé
ou photocopié ou La présence ou non d'illustrations.
Cependant, Ces détails ont leur importance quant
à la capacité du document à convaincre. Il ne faut donc
pas traiter ce point à la légère.
Le problème de fond est plutôt celui de la
lisibilité du document et, donc, de sa facilité ou de sa
difficulté de compréhension. Pour être
compréhensible et donc constituer un véritable objet et outil de
communication, le business-plan, ou plutôt le document qui le
présente, doit répondre à certaines règles.
Être complet :
Cela veut dire qu'il doit partir d'une présentation
générale de l'entreprise pour aboutir aux éléments
financiers prévisionnels. Cela reste vrai même si, comme nous
l'avons vu, l'entreprise est contrainte pour des raisons de secret à
être peu explicite sur certains aspects de la stratégie.
Être synthétique :
L'entreprise est complexe et sa modélisation l'est donc
également. La plupart des lecteurs ne consacrera à l'étude
ou à la lecture du business-plan qu'un temps limité. Il faut donc
mettre en évidence l'essentiel. Cela amènera le plus souvent
à reporter en annexe les informations de détail pour n'en
présenter que la synthèse dans le corps du document.
Ainsi, un bilan prévisionnel qui comprend plus de
100 postes peut-il se résumer en six éléments
représentés sous forme graphique de la manière
suivante :
Bilan au 31.12.N
|
Immobilisations 40 000
|
Capitaux propres 30 000
|
Actifs circulants 60 000
|
Dettes à termes 30 000
|
Trésorerie 10 000
|
Passifs circulants 50 000
|
Être « tous
publics » ?
Le risque essentiel à ce niveau est de fabriquer un
document de « financiers » exprimé dans le
« jargon » de ces derniers. Le document ne sera alors
lisible que par d'autres financiers, et encore, si leur propre
« jargon » est identique, ce qui n'est fréquemment
pas le cas.
Les mots à utiliser doivent pouvoir être compris
d'un public large. En cas de diffusion à des personnes n'ayant pas ou
peu de culture financière (certains salariés), il faudra faire un
effort pédagogique particulier si l'on souhaite que les concepts
essentiels soient bien assimilés.
Pour obtenir ces diverses qualités, il est souvent
souhaitable de tester le projet de document auprès d'un ou de quelques
lecteurs choisis comme représentatifs de la population à laquelle
on destine le document.
Le test permettra également :
Ø De révéler d'éventuelles
incohérences entre les différents chapitres du
business-plan ;
Ø De préparer les réponses à apporter
aux questions qu'appellera la lecture du document en fonction des
différents types d'interlocuteurs.
B La présentation du document
Le business-plan constate une volonté de la direction de
l'entreprise et en détermine les conséquences
financières.
Pour en assurer la crédibilité, la direction doit
donc s'engager sur ce document. C'est elle qui doit en assurer la
présentation auprès des différents destinataires que ce
soit :
Ø Des financiers du bas ou du haut de bilan ;
Ø Les actionnaires à qui l'on dira aussi ce que
l'entreprise entend faire de leur argent ;
Ø Les cadres et les salariés que l'on veut
mobiliser sur le projet de l'entreprise.
Le fait que la direction présente le document, où
plutôt son contenu, ne veut pas dire qu'elle fasse seule cette
présentation.
Par exemple, la présentation à un financier sera
efficacement réalisée par une équipe constituée
pour l'occasion par :
Le dirigeant seul crédible pour présenter et
convaincre, au niveau de la stratégie choisie et de son mode de mise en
oeuvre.
Ø Le financier qui pourra lui répondre sur les
aspects plus matériels et techniques du mode d'élaboration de la
partie financière du plan ;
Ø Si le business-plan porte non pas sur l'ensemble de
l'entreprise ou du groupe mais sur un « projet »
spécifique, la présence du responsable de ce projet sera alors
indispensable.
C Le suivi
C'est probablement à ce niveau que le business-plan cesse
d'être un objet pour devenir un moyen de communication.
Si comme cela est souhaitable, le business-plan devient un
véritable outil de gestion de l'entreprise, il constituera alors la
référence par rapport à laquelle se mesureront les
réalisations de l'entreprise et par rapport à laquelle se
prendront les décisions futures.
Dans la pratique, cela veut dire que, chaque fois que
l'entreprise devra communiquer sur sa stratégie ou ses résultats
et que ce soit dans ou hors de l'entreprise, elle devra le faire par
comparaison avec le business-plan.
Cela ne veut nullement dire que le business-plan soit un carcan
qui interdirait toute innovation ou différence par rapport à ce
qui avait été prévu.
On sait bien que les événements obligeront de toute
manière à réagir et que tout ne peut avoir
été prévu.
Il n'est pas choquant d'annoncer que, sous la pression des
événements, on est obligé de modifier sa stratégie
et que, donc, on ne réalisera pas exactement ce qui était
prévu. Il serait à l'inverse choquant et dangereux soit de cacher
ces changements de stratégie soit de ne pas dire en quoi ils modifieront
le plan initialement prévu. Dans ce cas, en effet, le business-plan
apparaîtra comme un exercice théorique et sans portée
pratique. Lors de l'élaboration et de la présentation du plan
suivant, il y a fort à parier que celui-ci n'emportera l'adhésion
ni de l'intérieur de l'entreprise, ni de ses partenaires
extérieurs. C'est, à ce niveau, la crédibilité du
management qui est en cause.
3) Apprendre à prévoir
Nous avons tenté ici de décrire à la fois
quelles pouvaient être les utilisations d'un business-plan et comment
bâtir et utiliser celui-ci.
De nombreuses Petites et moyennes entreprises (PME) se poseront
probablement la question classique : « Dans un monde aussi
évolutif que le nôtre, est-il utile de tenter de prévoir
l'avenir alors que chacun sait qu'il sera probablement différent de ce
que l'on est capable d'imaginer aujourd'hui ? »
Cette question est une vraie question qui se pose, non seulement
pour le business-plan, mais pour toute tentative de prévision qui
concerne l'entreprise ou des horizons plus vastes.
La réponse tient probablement dans la finalité
même de toute prévision. On peut en effet, semble-t-il, donner
à l'acte de prévision deux sens différents :
Prévoir pour
prévoir : Dans ce cas, le seul but serait de
tenter de savoir à l'avance ce qui va se passer. Cela reviendrait
à supposer que le chef d'entreprise n'a pas de moyens d'action ou de
volonté d'agir et qu'il subira les événements.
Prévoir pour agir :
C'est sans doute dans cette attitude que la prévision prend sa
véritable signification et trouve à la fois son
intérêt et sa justification. Le business-plan n'a pas pour
intérêt, ou du moins pas pour intérêt essentiel, de
prévoir ce qui va se passer mais plutôt de permettre d'agir et de
réagir. On peut, en maniant le paradoxe, dire que si tout se passe comme
prévu la prévision n'a guère d'intérêt. Le
véritable intérêt réside, semble-t-il, à deux
niveaux.
Prévoir oblige à décider
suffisamment tôt : Ce point est important pour
l'entreprise. Réfléchir sur l'arrivée éventuelle
d'un nouvel entrant sur le marché ou découvrir une possible
impasse de trésorerie n'a d'intérêt que si cela permet de
prendre suffisamment tôt des décisions pour mieux verrouiller le
marché ou mettre en place par anticipation les financements
nécessaires.
Prévoir permet de
réagir : Le business-plan indique un cap et
définit les moyens de l'atteindre. Les événements
créeront forcément des dérives. Le fait de connaître
rapidement ces dérives et de les mesurer permettra de redresser la
barre.
C'est pour ces raisons que le business-plan constitue l'un des
outils essentiels d'une gestion moderne.
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