IV Opérer un choix stratégique et les
autres contraintes stratégiques
1) Opérer un choix stratégique
Il existe donc un certain nombre de stratégies
envisageables. Ces stratégies étant connues, décrites et
identifiées, il reste, et ce n'est pas le plus simple, à choisir
l'une d'entre elles. J'ai essaye donc tenter d'indiquer comment opérer
ce choix. Ces éléments de choix porteront sur l'aspect rationnel
et quantifiable des choses.
Voyons donc comment opérer ce choix. Reprenons pour ce
faire les définitions déjà étudiées
où l'on retrouve deux grands thèmes :
Ø rechercher la rentabilité durable.
Ø affecter les ressources rares : hommes, temps,
argent.
Essayons de voir comment utiliser ces deux notions pour
sélectionner une stratégie pour l'entreprise. La démarche
est simple dans son principe puisqu'il s'agit :
Ø De partir de la situation actuelle;
Ø D'imaginer les scénarios correspondant aux
différentes stratégies possibles ;
Ø De définir les moyens nécessaires pour
chaque scénario.
Le plus souvent, le choix s'imposera alors de lui-même car
l'entreprise ne disposera des moyens que de mettre en oeuvre une des
stratégies envisagées.
Il est enfin nécessaire de s'interroger sur
l'environnement de l'entreprise afin de valider la faisabilité de la
stratégie a priori la plus réaliste.
Examinons plus en détail cette démarche :
A La situation actuelle
Celle-ci peut se résumer à :
Ø La position de l'entreprise sur ses différents
produits ou marchés,
Ø La situation financière de l'affaire
B Les actions possibles
Il s'agit de stratégies déjà
étudiées. Il est inutile de consacrer beaucoup de temps à
l'étude de stratégies a priori inaccessibles.
Prenons par exemple une entreprise de taille modeste qui
intervient sur un grand marché mondial et qui ne possède qu'une
part faible de son marché national. Celle-ci n'a probablement pas
intérêt à passer beaucoup de temps sur l'examen de ce que
pourrait être une stratégie de domination par les coûts.
Il existe en effet toutes les chances que cette stratégie
lui soit à tout jamais inaccessible puisque :
Ø sa part de marché actuelle est faible ;
Ø elle ne dispose pas, compte tenu de sa taille, des
moyens :
v De mener une politique agressive de conquête de parts de
marché au niveau mondial,
v De racheter des entreprises afin d'accéder à une
position de leader par croissance externe.
Parmi les actions envisageables, on trouve le
désengagement qui ne correspond pas aux stratégies
déjà évoquées.
Il peut s'appliquer soit à l'ensemble d'une entreprise,
soit à un ou des secteurs d'activité ; le
désengagement se justifie en particulier :
Ø lorsqu'une entreprise intervient sur un trop grand
nombre d'activités, elle n'a, de ce fait, les moyens d'être
puissante sur aucune d'elles. La stratégie consiste alors à
abandonner, si cela est possible, en les vendant, certaines activités
afin de se concentrer sur les autres. Si ce recentrage peut se faire par
cession, il est évidemment encore plus favorable puisqu'il dégage
alors de la trésorerie qui servira à développer les
activités conservées ;
Ø lorsqu'une entreprise ne peut envisager de
manière crédible aucune des stratégies car :
v sa taille est telle qu'être le leader ou même s'en
approcher lui semble totalement impossible ;
v Son produit ou sa formule ne lui permet pas de se
différencier. Ou bien le marché n'est pas intéressé
par une différenciation ou celui-ci n'est pas prêt à la
payer. La lutte ne se fait dans ce cas que sur le prix ;
v il n'existe pas de niches ou celles-ci sont de taille si
réduite qu'elles supposeraient une réduction dramatique de la
taille et donc des effectifs de l'entreprise ;
v Lorsque enfin les actionnaires n'ont soit pas le goût,
soit pas la possibilité de donner à l'affaire les moyens, en
particulier financiers, de mettre en oeuvre la stratégie
envisageable.
C Définir les moyens nécessaires et
décider
Les actions a priori envisageables étant définies,
il faut examiner si l'entreprise dispose ou peut disposer des ressources rares
nécessaires à leur mise en oeuvre. On se posera donc trois
questions portant sur les trois ressources rares déjà
énumérées.
Les hommes : L'entreprise
dispose-t-elle ou peut-elle embaucher et former les hommes nécessaires
à la mise en oeuvre de la stratégie ? L'examen doit
être ici non seulement quantitatif mais aussi, et prioritairement,
qualitatif.
Le temps : Le monde bouge, les
produits évoluent, les marchés se modifient rapidement. Une
stratégie qui ne pourrait réussir que sur une très longue
période et dans un environnement inchangé est donc pour le moins
risquée. Les financiers ont bien compris ce phénomène,
c'est ce qui les amène à rechercher des retours sur
investissement de plus en plus rapides.
L'argent : Il est très
difficile d'envisager la mise en oeuvre d'une stratégie
nécessitant des investissements massifs pour une entreprise ayant des
moyens financiers limités.
Cette dernière étape permet normalement
d'opérer un choix en fonction des moyens disponibles. Trois
possibilités peuvent se présenter :
Ø Une seule stratégie est envisageable car
compatible avec les ressources de l'entreprise. Il ne reste plus, si l'on peut
dire, qu'à la mettre en oeuvre.
Ø Deux ou plusieurs stratégies sont possibles. Il
faudra alors s'en remettre à l'instinct du dirigeant ou de
l'équipe de direction. L'essentiel est alors d'opérer un choix et
de le mettre en oeuvre. Tous les stratèges sont en effet d'accord pour
affirmer que, s'il n'existe pas de stratégie qui soit toujours gagnante,
le mélange des genres est lui une garantie d'échec.
Ø Il n'y a pas de stratégie réalisable. Il
faut en tirer les conséquences et abandonner le marché dans les
meilleures conditions possibles, c'est-à-dire en tentant de vendre, si
possible cher, l'activité concernée à une
société qui pourra ainsi réaliser sa propre
stratégie.
2) Les autres contraintes stratégiques
L'étude de la position stratégique de l'entreprise
sur ses marchés, puis la démarche du choix est logique. Elle
présente toutefois l'inconvénient d'oublier certains facteurs
liés à la taille ou à l'actionnariat des entreprises. Il
semble donc important, avant d'orienter définitivement l'entreprise vers
une stratégie, de se poser trois questions supplémentaires
concernant les autres intervenants du marché, la puissance
financière et la position de l'actionnariat.
A Les autres intervenants du
marché
Une entreprise qui est ou pénètre sur un
marché doit toujours s'interroger sur la concurrence. Cette
interrogation doit porter évidemment sur la concurrence à
l'intérieur du marché lui-même mais également
intégrer une vision plus large.
Tel est le cas d'un marché industriel tenu par quelques
compétiteurs s'entendant bien. Une nouvelle entreprise, même si
elle dispose d'atouts stratégiques importants, est-elle en mesure
d'entrer sur ce marché et d'y développer une stratégie de
domination ? Sans avoir la réponse à la question, la
démarche qui consiste à se poser cette question est
primordiale.
B La position de l'actionnariat
Une entreprise est, entre autre et dans le cas d'une
société anonyme (SA), la propriété des actionnaires
qui en détiennent le capital. Il serait donc illusoire de bâtir la
stratégie sans prendre en compte la position des propriétaires du
capital. Les motivations des actionnaires peuvent se résumer, si l'on
raisonne en termes financiers à :
Ø obtenir un revenu (dividendes),
Ø réaliser une plus-value (augmentation de la
valeur de l'action).
Ces deux objectifs sont normalement cohérents avec une
stratégie qui a pour but la recherche d'une position
« durablement rentable ». Il peut cependant exister chez
les actionnaires d'autres motivations parmi lesquelles le désir de
conserver le pouvoir dans l'entreprise.
Il faut donc, avant d'adopter définitivement une
stratégie, s'assurer qu'elle demeure compatible avec les souhaits des
actionnaires ou, pour le moins, de la majorité d'entre eux.
À quoi servirait par exemple d'opter pour une
stratégie de croissance forte nécessitant une large ouverture du
capital, si les actionnaires étaient opposés à toute
dilution de leur participation ?
Prévoir une croissance autofinancée n'a de sens
qu'autant que les actionnaires accepteront de limiter, voire d'abandonner, pour
une période donnée, les distributions de dividendes.
Ce conflit existe même dans le cas où le dirigeant
est également propriétaire de l'entreprise. Il a en effet, dans
ce cas, l'obligation d'arbitrer entre :
Ø La gestion de son patrimoine qui l'inciterait à
rendre liquide une partie du capital que représente la
société,
Ø La volonté en général très
marquée de conserver la majorité qui garantit son pouvoir,
Ø Le souhait de voir l'entreprise qu'il dirige
prospérer et se développer.
Il lui faudra donc, à un moment donné, arbitrer
entre ces différentes préoccupations. Cet arbitrage aura selon
toute vraisemblance un effet sur la stratégie retenue.
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