III LES SUIVEURS STRATEGIQUE ET LES STRATEGIES
MULTI-NICHES
1) Les suiveurs stratégiques
Les différentes stratégies déjà
évoquées ne sont qu'une partie d'ensemble très vaste de
choix stratégiques possibles.
Il nous apparaît cependant utile de citer quelques autres
stratégies fréquemment rencontrées et de voir en quoi
elles se rattachent cependant aux grandes stratégies
génériques.
Les grandes stratégies pourraient se définir comme
la recherche : Soit d'une position de leader ou d'un moyen d'éviter
la concurrence en se positionnant hors du marché global et donc
d'échapper à la concurrence directe et frontale.
Il est donc des cas où il va falloir accepter de rester
dans le marché, sans espoir d'y avoir une place dominante ni parfois
même significative.
Certaines entreprises réussissent ce challenge. Plusieurs
situations peuvent rendre cette situation acceptable et évidemment
rentable.
A Le nombre de compétiteurs est
faible
On sait qu'à la fois les règles du marché et
un certain nombre de réglementations nationales et internationales
interdisent les positions de monopole.
Il peut donc être intéressant pour une entreprise
d'être l'éternel second, voire troisième, sur un
marché où il existe un acteur nettement dominant. En
général, le leader aura intérêt à ce que le
suiveur continue à exister car, s'il disparaît, le marché
fera surgir un nouveau concurrent national ou se tournera vers des fournisseurs
étrangers. Les nouveaux compétiteurs éventuels risquent
d'être plus dangereux que le concurrent actuel. Pour maintenir cet
équilibre, le suiveur doit se garder d'une politique trop agressive qui
amènerait le leader à réagir parfois violemment, en
particulier au niveau des prix.
B La concurrence est limitée
(écrémage)
Sur un marché où la clientèle exige une
gamme de produits larges, les ventes par catégories se
répartissent en général comme suit.
Certaines sociétés de taille modeste vont ne
produire et ne fournir qu'un faible part de la gamme. Ces entreprises peuvent
alors, même si leur prix de revient est supérieur à celui
du leader, être en bonne position. En effet, le leader est, lui,
condamné à présenter toute la gamme et donc des produits
à faible marge, voire déficitaires. Pour équilibrer ses
résultats, ce leader est donc condamné à réaliser
des marges importantes sur les produits les plus vendus. Le concurrent modeste
qui vend à un prix identique conservera donc une marge, alors même
que son prix de revient est plus élevé que celui du leader.
C Le quasi-artisanat
Dans ce cas, l'entreprise va vivre grâce à une
économie sur ses coûts de structure, là où le grand
concurrent dépense beaucoup au niveau : Des frais administratifs,
De la recherche, De la promotion du produit...
L'entreprise ne va, elle, pratiquement rien dépenser. La
société vivra chichement, copiera le ou les leaders, vendra ses
produits sans publicité...
Toutes ces stratégies ont en communes deux
caractéristiques essentielles :
Ø La fragilité. Si le leader le souhaite, il a en
général les moyens de faire disparaître son concurrent
car :
v Il dispose d'une marge lui permettant de se battre et de gagner
sur le terrain des prix,
v Il est financièrement plus puissant et peut donc
utiliser cette puissance pour décourager, et quelquefois
détruire, la concurrence.
Ø L'absence de croissance. Ce type de concurrent n'est
toléré par les leaders qu'à condition qu'il ne
représente qu'une part peu significative du marché. Si ce
concurrent mène une politique trop agressive, il va alors
déclencher une réaction probablement violente du leader et le
vainqueur est connu d'avance.
D Compétences nécessaires
Il faut savoir travailler à l'économie. Ces
entreprises doivent être capables de réduire leurs coûts.
Cette réduction ne peut être obtenue que faiblement, par l'effet
de l'expérience. Il faut donc :
Ø Accepter de ne pas disposer de certaines fonctions. Le
ou les dirigeants exercent personnellement plusieurs fonctions de :
Stratégie, Commercial, Responsable technique...
Ø Faire des économies sur le fonctionnement de
l'entreprise : Achat de matériel d'occasion, Limitation des
salaires, Absence ou quasi-absence de coûts administratifs,
Sous-traitance à bas prix de toutes les fonctions non essentielles...
Ø Se garder d'innover. Il faut que l'entreprise accepte
d'être un éternel suiveur et laisse à la concurrence les
développements les plus motivants : Création de nouveaux
produits, Ouverture de nouveaux marchés...
Cette modestie nécessite un recrutement bien
spécifique au niveau des cadres et des équipes. Travailler dans
une entreprise de ce type apparaît à certains comme peu
valorisant. Il faudra donc trouver d'autres éléments de
motivation si l'entreprise a besoin d'embaucher.
Ø Accepter de rester petit.
Nous l'avons déjà indiqué, l'entreprise doit
avoir la sagesse de rester à sa place. Cette sagesse est là
encore peu compatible avec l'embauche de cadres ayant le souci de leur
carrière, au sens où on l'entend habituellement.
E Les risque de ces stratégies
Ceux-ci sont essentiellement les suivants :
La réaction du leader :
Même si cela lui coûte de l'argent et si une nouvelle concurrence
risque de se substituer à celle existante, le leader a en
général les moyens d'éliminer un concurrent ayant une des
stratégies décrites. Il est toutefois possible que le leader
prenne la décision de faire disparaître un concurrent, alors
même qu'il n'y gagnera probablement rien et y perdra même, s'il a
dégradé son propre marché et ses marges en baissant ses
prix.
Le retard d'innovation : La copie
n'est pas toujours possible. Ainsi, si donc le leader innove fortement et peut
protéger ses innovations, le suiveur peut alors se faire balayer du
marché s'il n'est plus capable de proposer un produit ou un service
équivalent.
L'écart de prix de
revient : L'effet d'expérience tend normalement
à ce que l'écart entre leader et suiveur s'accroisse. Il peut
arriver un moment où les économies réalisées par le
suiveur ne permettent plus de boucher le trou et où ses marges
s'effritent puis disparaissent.
2) Les stratégies multi-niches
L'un des inconvénients de la stratégie de
focalisation est l'impossibilité d'un développement fort, puisque
l'on choisit par définition de s'adresser à une clientèle
définie et limitée. Une niche qui s'accroît fortement cesse
rapidement d'en être une et attire, de ce fait, la concurrence des
entreprises ayant des stratégies d'abord de différenciation puis
de domination par les coûts.
Ne pas se développer est toutefois difficile, ne serait-ce
que pour motiver les hommes dans l'entreprise.
Une des stratégies envisageables consiste alors en la
multiplication des niches. Cette multiplication peut être
réalisée selon trois critères de choix ;
Ø La reproduction. Lorsqu'une niche correspond par exemple
à un secteur géographique ou à un pays, il est possible de
reproduire la formule à l'identique sur un ou plusieurs secteurs
géographiques distincts. Encore faut-il que chaque zone
géographique dispose d'une clientèle ayant les mêmes
caractéristiques et soit de taille suffisante ;
Ø La différenciation. Il s'agit cette fois-ci de
rechercher des activités pour une part différente mais où
l'entreprise pourra cependant utiliser une partie de ses
compétences ;
L'entreprise a déjà une activité qui sait
répondre au besoin d'une clientèle pour le type de produits
définis. Les différenciations ont respectivement les
caractéristiques suivantes :
Ø L'entreprise s'adresse à la même
clientèle mais lui propose un produit ou un service différent,
Ø L'entreprise propose le même produit à une
clientèle différente.
Ø La diversification. Cette voie est la plus difficile et
la plus risquée, puisqu'elle suppose que l'entreprise accepte de fournir
un produit ou un service qu'elle ne connaît pas à une nouvelle
clientèle.
A Compétences nécessaires
Au-delà des compétences nécessaires à
toute stratégie de focalisation, l'entreprise doit être capable de
fournir un produit ou un service qu'elle ne connaît pas ou de s'adresser
à une nouvelle clientèle.
Chaque niche, surtout en cas de diversification ou de
différenciation, correspond en fait à une entreprise, même
s'il ne s'agit pas obligatoirement, pour autant, de structures juridiques
distinctes.
Il faut donc que chaque entreprise soit dotée d'un patron
et chacun sait qu'il s'agit là d'un profil rare, pas évident
à recruter et à gérer dans la durée.
B Les risques de ces stratégies
On retrouve évidemment les risques déjà
évoqués de la stratégie de niches. Au-delà, il
existe le risque de non réussite dans la multiplication. Ce risque, qui
reste limité en cas de reproduction, croît au fur et à
mesure que l'on s'écarte de la formule d'origine pour aller vers la
différenciation puis la diversification.
L'autre risque tient aux hommes, c'est le départ du
« patron » d'une des niches. Ce départ peut
être dramatique si celui-ci emmène une partie du fonds de
commerce, pour devenir concurrent de la société. Plus les
activités sont personnalisées, moins elles nécessitent de
fonds propres et plus ce risque est important.
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