CHAPITRE TROISIEME : LES CAUSES DU CONTRASTE DANS
L'AVANCEMENT
DES GRADES A L'O.ZA.C SIEGE DE KISANGANI
Sur base des
données empiriques au chapitre précédent, nous avons
regroupé les causes des injustices constatées au
département de l'O.ZA.C Haut Zaïre, siège de Kisangani en
deux catégories.
La première est celle des causes professionnelles. Ce sont
des raisons pour plupart soutenues par les responsables de l'O.ZA.C Kisangani
en vue de justifier les cas des agents qui n'ont pas accédé
à la promotion quoique méritant.
Ces causes trouvaient leur explication dans le désastre
économique du pays et le mode de gestion de l'O.ZA.C. UN désastre
qui n'avait pas épargné les services générateurs
des recettes.
Quant au mode de gestion, il est trop centralisé. Ce qui
pose des difficultés au niveau des provinces.
La seconde catégorie des causes est politique. Ce sont des
motivations surtout d'ordre ethnique ; soutenues par d'autres
considérations liées au clientélisme, népotisme
...etc.
III. 1. CAUSES PROFESSIONNELLES
Les autorités
de l'Office Zaïrois de Contrôle, par manque des moyens de couvrir
ponctuellement tous les départements du pays, ne parviennent pas
à améliorer le système de cotation, ni à
maîtriser l'évaluation de la cotation des agents. Elles ne
parviennent pas à contrôler la prestation de chaque agent en
vérifiant sur le terrain ce qu'il fait.
En Conséquence, le désintéressement, la
paresse, l'irrégularité et le désordre ont élu
domicile dans l'Office.
Tout cela par manque de décentralisation. Le seul centre
de décision étant la Direction Générale qui se
trouve à Kinshasa.
Cette forte centralisation entraîne la lenteur
administrative. Une situation qui affecte le traitement et la résolution
rapide des problèmes posés par les départements
régionaux ou provinciaux.
A ces
problèmes posés par le mode de gestion centralisé,
s'ajoute la conjoncture économique difficile. Et cette crise a
provoqué la dépréciation sans cesse du climat social du
travail, entraînant ainsi la démotivation du personnel et les
difficultés de suivie, des agents par le service du personnel.
Malgré le caractère intéressant des dispositions de la
convention collective, la réalité est autre sur le terrain. Car
ce beau texte n'est pas scrupuleusement appliqué.
Il en est de même des bulletins de signalement, dont les
contenus ne sont pas pris en compte.
L'économie a vraiment joué sur le manque de
promotion dans cet Office, comme le dit SERGE. A. VIEUX :
« Quelle que soit cependant la forme qu'il emprunte, le régime
des avancements de grade pose un certain nombre de
problèmes,... » (1).
(1) SERGE. A. VIEUX ; Opcit, P. 456
Car, qui dit promotion (avancement en grade) dit augmentation de
rémunération et tous les avantages sociaux et professionnels y
afférents.
Or l'Office, comme la plupart des services publics de l'Etat a
connu de sérieuses difficultés de gestion
financières : Les détournements, la gabegies ont crée
d'important manque à gagner aux services de l'Etat.
C'est ce qui a rendu l'O.ZA.C impuissant à satisfaire ses
agents en grade, parce qu'il ne serait pas en mesure de les garantir tous les
avantages liés à leur promotion.
Et pour ne pas
donner totalement l'impression que tous les agents n'avançaient pas en
grade, alors que certains ont rempli les conditions, les responsables de cet
Office essayaient de promouvoir quelques personnes en privilégiant des
critères subjectifs liés aux motivations sociologiques et
politiques.
C'est dans ce cadre qu'on assistait à la promotion des
originaires de la région (province) du MANIEMA à l'O.ZA.C
Kisangani.
III. 2. LES CAUSES
EXTRAPROFESSIONNELLES.
Nous
considérons comme causes extraprofessionnelles, celles qui ne sont pas
logiquement liées aux difficultés rencontrées dans le
fonctionnement normal de l'O.ZA.C Kisangani. Mais des causes qui influent dans
l'organisation et le fonctionnement de ce service de l'Etat.
Parmi ces raisons, il y a l'appartenance ethnique ou
régionale et les convictions politiques.
III. 2. 1. LES CONVICTIONS POLITIQUES.
Le
problème d'avancement en grade à l'O.ZA.C Kisangani a
été beaucoup plus façonné par des passions
politiques sous le régime MOBUTU.
Avant la restauration du pluralisme politique et syndical en
1990, tous les hauts responsables de cet office étaient des hauts cadres
du M.P.R parti-Etat.
Du président délégué
général au chef de département, ils étaient tous
présidents sectionnaires du M.P.R, chacun à son niveau.
Ainsi la promotion était-elle conditionnée par le
degré du militantisme de l'agent ou du cadre.
Il en était de même d'autres avantages (comme
l'envoi en stage de perfectionnement, la participation aux colloques,
séminaires ...etc.).
A ce sujet, nous avons mis en exergue le cas d'un agent du niveau
d'étude primaire, qui est passé, après 7 ans de service du
grade d'échelon 9 à celui de chef de service 1 sans passer par le
grade de maîtrise. Car pour y accéder, il faudrait avoir une
ancienneté d'au moins 12 ans.
Alors, le militantisme comptait plus pour l'avancement en grade
que le mérite et la compétence. Cela au détriment du
principe de mettre « l'homme qu'il faut à la place qu'il
faut ».
A cette époque, il fallait tout simplement faire montre
d'assuidité dans la défense de la cause du parti unique (M.P.R)
pour bénéficier de la chance de diriger un service à
l'O.ZA.C.
Et cette situation était presque générale
dans tous les services publics de l'Etat. Car l'administration était
politisée.
Après 1990,
quand bien-même le retour du pluralisme politique, la situation n'a pas
suffisamment changée.
Face à la compétition, l'ancien parti unique,
restant toujours au pouvoir, a voulu conserver un plus grand nombre de ses
anciens membres.
Il a profité de sa présence au pouvoir pour mettre
la plupart de ses militants à la tête et aux postes de
commandement dans les services publics. Et les responsables ainsi
désignés, jouaient la carte dans leurs services au profit de leur
parti politique privilégiant l'appartenance politique comme
critère d'accession à certains postes de responsabilités.
Un critère subjectif qui bloquait les promotions dans la mesure
où les idéaux défendus pour le M.P.R en cette
période de mutations politiques ne rencontrait plus l'assentiment de la
majorité.
Ce parti étant accusé de ruiner le pays et
d'appauvrir sa population parmi laquelle on notait plusieurs agents et
fonctionnaires de l'Etat.
III. 2. 2. L'APPARTENANCE ETHNIQUE.
Dans un Etat
mosaïque comme la République Démocratique du Congo
(Zaïre), l'ethnicité peut constituer un élément
fondamental pour l'intégration nationale.
Cela ne pourra être possible que si l'ethnicité qui
est une donnée sociologique incontournable est exploitée dans sa
dynamique positive. Ainsi on pourrait dans les diversités ethniques du
pays, les valeurs ou les éléments positifs qui contribuent
à l'unité et au développement de la nation.
En conséquence, on s'abstiendrait de la dynamique
négative de l'ethnicité, qui constitue un élément
périlleux pour l'unité et la concorde nationale. Car,
exploitée dans sa dynamique négative, l'ethnicité est un
facteur de division, un obstacle au développement harmonieux et
intégral de la nation. Elle conduit très souvent dans ce cas au
développement d'un esprit séparatiste, d'un nationalisme
séparatiste.
Ainsi on arriverait à ce que soutenait LANCINE SYLLA,
qu'il y a des vrais citoyens hégémoniques ou au groupe
périphérique, groupe subordonné. (1)
Somme toute, les
manifestations de la conscience ethnique négative se sont plus fait
sentir dans la gestion du personnel de l'O.ZA.C Kisangani.
Malgré les difficultés économiques et
politiques qui émaillaient la gestion du pays, l'O.ZA.C Kisangani
procédait quand même à l'avancement en grade de quelques
agents, de 1993 à 1996.
Après une
analyse sociologique approfondie, nous avons constaté que les agents
promis étaient à majorité de l'ethnie Tetela du Sankuru.
La même analyse a démontré également
que le chef de département régional de l'O.ZA.C en cette
période appartenait à l'ethnie précitée.
Sur un effectif de 43 agents, 35 sont originaires de la
région (province) du Kasaï Oriental au sein de laquelle se trouve
le Sankuru : soit une majorité absolue (plus au moins 75%).
Cela était le résultat des permutations entretenues
par ce haut responsable de l'O.ZA.C qui voulait s'entourer des
« siens ».
(1) LANCINE, S, cité par Joseph NTAMAHURIGO,
« Qui au multipartisme » in Dialogue, Kigali,
Janvier - Février 1991
Depuis le
remplacement de cet originaire du Kasaï Oriental par un autre chef de
département ressortissant du MANIEMA, la situation a changé. Et
les quelques agents promus se retrouvent à majorité originaire du
MANIEMA, province du responsable.
En 1993 par exemple, sur les 2 agents avancés en grade,
tous sont du MANIEMA soit 100%.
Simple coïncidence ou acte délibéré, il
y a lieu de s'interroger sur la corrélation qui existe entre les actions
administratives menées par les responsables de l'O.ZA.C Kisangani et les
bénéficiaires des avantages qui pour la plupart de cas
appartiennent aux même ethnies ou contrées que les
décideurs. Car cela prouve qu'il existe un lien étroit entre
l'appartenance ethnique et la promotion dans ce service public de l'Etat.
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