Section2 : Etude de cas de quelques conventions locales
Caractérisés par une saison sèche
couvrant les sept mois de l'année, les pays du Sahel et le
Sénégal en particulier dépendent pour la survie de
leur population locale des ressources naturelles. Or, «
les sécheresses récurrentes, l'augmentation des
superficies emblavées, la commercialisation abusive des ressources
naturelles (produits de cueillette, fourrage, bois), la
45 Sanoko.Ousmane « la gestion des conflits
dans les pays du Sahel », mémoire de DEA DGCL ; 2003-2004.
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concurrence entre différents groupes sont des
facteurs dont la conjugaison a contribué à rompre
l'équilibre entre les prélèvement et le renouvellement
des ressources46 ». Fort de ce constat, une
définition des règles d'accès et de contrôle
des ressources s'avère nécessaire afin de stopper la
« spirale de la dégradation » ou la
montée des conflits. En tant qu'arrangements locaux,
élaborés par les populations elles mêmes, les
conventions locales viennent constituer la potion magique.
Ce contexte justifie certainement la prédilection des
conventions locales sur la gestion des ressources naturelles et
environnementales. Afin de mettre
à nue les spécificités de ces
conventions, nous allons procéder à une étude de cas de
deux conventions locales : d'une part le POAS de la communauté
rurale de Gandon (gestion ressources naturelles) et d'autre part la
charte locale sur la gestion, la conservation et la protection de
l'environnement et des ressources naturelles du terroir de la
communauté rurale de Salémata.
Paragraphe1 Principes directeurs des deux conventions
locales
L'analyse des conventions locales susmentionnées
démontre que leur point de départ est d'abord un constat
fait dans la plupart des cas par les populations locales du
degré de dégradation de leur milieu écologique
ayant des impacts directs sur leur survie ou cadre de vie. Pour y
remédier, des mécanismes de gestion communautaire ont
toujours existé et permettent d'organiser l'accès des
ressources partagées. Toutefois, les législations
foncières ont renforcé les pouvoirs des
autorités étatiques, qui par leur intervention ont
étouffé les stratégies de gestion de ressources
naturelles. Cet état de fait a contribué à la
redynamisation des stratégies communautaires que sont les conventions
locales.
Dans un autre registre, les textes de la
décentralisation ont favorisé l'émergence des
conventions locales en donnant aux collectivités locales la
capacité de constituer des cadres de concertation. En effet
l'article 40 du décret 96-1134 dispose que « la
communauté rurale peut mettre en place un cadre de concertation
sur la gestion des ressources naturelles et la protection
46 Serigne.M.Tall et M.B.Gueye « les
conventions locales : un outil de co-gouvernance en gestion des ressources
naturelles » IIED Sahel ; Novembre 2003 ; page 5.
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de l'environnement. L'organisation, la composition et le mode
de fonctionnement de ce cadre de concertation sont définis par
une délibération
du conseil rural.» Dans le même ordre
d'idées, l'article 16 de la loi 96-07 est invoqué par les
acteurs sur le terrain pour légitimer et parfois même
légaliser
la mise en place des conventions environnementales. Il
est stipulé dans cet article que « le territoire
Sénégalais est le patrimoine commun de la nation »
C'est sur ces bases que les 44 terroirs villageois que regroupe la
communauté rurale de Salémata a mis en place une
charte locale de conservation, protection et gestion des ressources
environnementales et naturelles ; considérées comme le
patrimoine commun de ses habitants47. En effet, les principes
directeurs de cette charte sont :
la conscience de la diversité culturelle,
la diversité et parfois la
contrariété des activités et des usages en
présence et la nécessité d'une convergence d'objectif
entre les différents acteurs pour une gestion responsable et
à long terme du milieu
Du droit des générations futures à
bénéficier d'un milieu de vie sain
Du besoin de créer un espace de
négociation afin de construire une collaboration et de parvenir
à un consensus sur l'organisation d'un type de rapport à
l'environnement reposant sur une démarche de protection
et de conservation pour un développement durable.
Dans l'élaboration de cette charte, le conseil
rural a été mis au devant du processus. L'objectif
recherché était d'une part, de permettre à la
population
de s'approprier un mode écrit de régulation
environnementale et d'autre part, favoriser la reconnaissance de droits
aux populations locales, pour gérer par une gestion responsable
sous l'égide de la collectivité locale ses ressources.
L'intérêt est ainsi de mettre en forme un mode
négocié, adopté et donc légitimé
localement, tout en se « calant sur la législation en
vigueur48 », qui laisse souvent une latitude
suffisamment grande aux autorités locales pour organiser un type
de rapport à l'environnement adapté au contexte local.
Cette charte pose les bases consensuelles d'un projet de
société déterminant
47 Article 2 de la charte locale sur la gestion, la
conservation et la protection de l'environnement et des ressources naturelles
du terroir de la communauté rurale de Salémata.
48 Auteur composés, « Foncier
et désertification quelle gestion patrimoniale ?
» in Approche foncière environnementale pour un
développement durable au Sahel ; page 25.
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les contours d'un engagement sur un patrimoine naturel
(parc Niokolo-Koba) commun. Il constitue la transition entre une
législation nationale complexe et généraliste pour
les populations et une relation d'acteurs pluriculturels
intervenant sans véritable cohésion sur un environnement
commun.
Evoqué pour la première fois dans le PDRG
(plan directeur de la rive gauche du fleuve Sénégal),
le POAS s'avère être l'instrument de gestion
foncière dans le sens large du terme à la portée
des collectivités locales. Afin
de matérialiser cette vision théorique
de l'occupation des sols, l'Etat va mandater expressément
la SAED49 dans le cadre de sa sixième
lettre de mission d'appuyer les collectivités de la vallée dans
l'élaboration et la mise en place de plans d'occupation et
d'affectation des sols. Le POAS de Rosso Béthio a servi
d'opération pilote. L'élaboration du POAS de Gandon entre
dans ce sillage et constitue pour la communauté un outil
institutionnel et technique à même de l'aider à
assurer une « coordination efficiente du développement
local50 » par le biais de la gestion
foncière. L'originalité réside dans la part importante
que joue l'acteur local dans la conception, l'élaboration et la mise
en oeuvre de cette convention, qui du moins est la première de
ce genre.
Le processus est presque identique ; sauf qu'ici, c'est
la SAED qui apporte les éclairages techniques et juridiques.
Les domaines régis par le POAS sont identiques à celui
de Rosso Béthio, à l'exception de la prise en compte
des terrains d'habitation51 et l'intégration de
la pêche. Fondé sur l'article 195 du CCL ; la
légalité du POAS est évidente et
légitimé de surcroît par l'implication des populations
et du conseil rural dans le cadre des ateliers
de concertation. Outil novateur par l'alliance
réussie entre légitimité et
légalité52, les conventions locales quelques soit
la dénomination53 retenue par les différents
acteurs, ouvre la voie à la formalisation d'un droit
local et enrichie notre démocratie locale.
49 SAED Société d'aménagement et
d'exploitation du Delta
50 Extrait du document officiel
51 Cf. Document provisoire du POAS de Gandon.
52 Diallo Ibrahima « Les aspects juridiques
de la convention locale dans le cadre de la décentralisation au
Sénégal »
(une communication à l'atelier national de Kaolack sur les
conventions locales du 17 au 18 juin 2003)
53 Serigne.M.Tall et M.B.Gueye « les
conventions locales : un outil de co-gouvernance en gestion des ressources
naturelles » IIED Sahel ; Novembre 2003
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