Paragraphe2 Un cadre de concertation pour une gestion
durable
L'approfondissement de l'Etat de droit, du
phénomène contractuel et de
la politique de désengagement des pouvoirs publics se
traduit par la substitution de la concertation à
l'unilatéralité54. La participation des acteurs
dans la détermination des stratégies de gestion et
d'exploitation de leurs ressources foncières et
environnementales matérialise l'effectivité de la
démocratie locale. La mise en place de ces différents
cadres de concertation ayant été à la base des
conventions locales, trouvent leur fondement au delà des textes
sur la décentralisation. En effet, l'acte final
d'Helsinki55 et la convention de Rio56
préconisent l'implication de toutes les forces
sociales conscientes de leurs responsabilités afin de
contribuer à l'amélioration de l'environnement. Ces
recommandations semblent avoir été prise en compte par
les acteurs intervenant dans le cadre de la gestion des
collectivités locales. L'analyse des deux conventions locales
permet de faire un certain nombre de constats tournant essentiellement
sur la participation des acteurs d'une part, et d'autre part la gestion
des ressources naturelles et environnementales.
Dans le dessein de préservation et de
protection des ressources foncières, l'implication des populations
locales favorise une concertation entre des acteurs intervenant sur un
milieu déterminé57 en permettant
« une gestion de la pluralité dans
l'unité».Les acteurs (collectivités locales et
personnes physiques ou morales) peuvent ainsi passer des
contrats de gestion sur une portion de la terres ou une ressources
déterminée. Cette démarche présente l'avantage
de substituer la légitimité défaillante des
pouvoirs publics pour une légitimité découlant de la
participation des acteurs. Ayant déterminé les règles de
gestion, les populations sont plus enclines à les appliquer
contrairement aux lois considérées souvent comme
extérieures et
le plus souvent obsolètes. En dégageant
et délimitant le territoire de la communauté en
Zones (ZAPA, ZAPE, ZP, Zone d'habitation), le POAS de
54 Diop. A.Khadre « Décentralisation,
développement local et gestion des ressources foncières : cas de
la communauté rurale de Rosso béthio », mémoire
de DEA DGCL UFR SJP, 2003-2004, page 67.
55 Conférence d'Helsinki 3 juillet 1973.
56 Conférence de Rio en juin 1992.
57 Etienne. Leroy « l'appropriation de la
terre en Afrique », Paris, Karthala, 1998 ; page 334 et suivantes.
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Gandon permet de dégager les priorités
d'exploitation et leurs secteurs géographiques respectifs. Par
exemple, en matière pastorale, dans les zones identifiées
ZAPE ; la promotion du développement de l'élevage est de
mise. Par la même occasion, la convention locale sert d'outil de
prévention mais aussi de répression des éventuels
conflits entre agriculteurs et éleveurs. La convention a
prévu des commissions mixtes et paritaires placées
sous l'autorité des chefs de villages, chargées
d'apprécier l'entendue des dégâts et
de fixer le montant des amendes.
En tout état de cause, les juridictions civiles
ne sont saisies qu'après constat de l'échec des diverses
tentatives de conciliation ; pour éviter de manger le tronc
d'arbre sur la place publique au lieu de l'aiguille dans la
case58. Dans un autre registre, l'unanimité est
aujourd'hui admise que la gestion des ressources foncières et
de l'environnement par une participation des populations est
indispensable pour l'efficacité des programmes. D'où
l'émergence de conventions locales comme celle de
Salémata, qui innovent
en mettant en place de nouvelles règles de
gestion locale en conformité avec les législations aussi
bien internationales que nationales en vigueur. On assiste
à l'émergence d'une véritable
société civile locale59. Les règles
adoptées dans la convention visent une durabilité des
ressources en garantissant des conditions d'exploitation qui
n'hypothèquent pas leur renouvellement. Par exemple, l'article 6
de la charte locale de Salémata dispose que «
l'extraction du miel sauvage ou d'élevage doit s'effectuer sans
porter préjudice à la survie de l'essaim et sans
provoquer un incendie de brousse. L'abeille et l'essaim sont
protégés au sein de la communauté
rurale60.»
Ces modes de gestion s'inscrivent dans une vision
patrimoniale des ressources qui sous entend la préservation de
la capacité de régénération du milieu et de
la conservation de sa biodiversité. En définitive, les
conventions
58 Traoré Samba « De la
divagation des champs ; difficultés d'application d'un principe
coutumier de gestion partagée de l'espace pastoral au Ferlo
(Sénégal) » in LAVIGNE DELVILLE Ph., TRAORE S. et TOULMIN C.
dir. Gérer le foncier rural en Afrique de l'Ouest,
Dynamiques foncières et interventions publiques, Paris,
Karthala/URED/Coopération française, 2000.
59 Serigne.M.Tall et M.B.Gueye « les
conventions locales : un outil de co-gouvernance en gestion des ressources
naturelles » IIED Sahel ; Novembre 2003.
60Article 6 de la Proposition d'une charte locale sur
la gestion, la conservation et la protection de l'environnement et des
ressources naturelles du terroir de la communauté rurale de
Salémata.
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analysées sont des outils novateurs de gestion
des collectivités locales et particulièrement dans les
ressources naturelles et de l'environnement. Une critique pourrait
être formulée (en attendant les appréciations
générales dans
la seconde partie de ce travail) ; c'est leur
concentration sur les ressources foncières, faisant fie des
autres compétences transférées aux
collectivités locales. Cet état de fait est justifié
par la place que ces ressources occupent pour les populations locales et
du développement local en général.
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