Chapitre 2 : La pratique des conventions locales de
gestion des collectivités locales
32 Discours du 3 avril 1992.
31
Ainsi déterminées, ces conventions prévues
dans le cadre des textes de
la décentralisation sont assez restrictives
dans la mesure où, seule la collectivité locale se
trouve en mesure de contracter et concentre entre ses mains la
capacité de détermination des règles communes de
gestion de la collectivité locale. Mais dans toutes les
sociétés, des stratégies locales, endogènes,
traditionnelles, locales, coutumières ont toujours
existé pour l'accès, l'exploitation surtout des ressources
foncières. De ce fait, des règles ayant fait leur preuve
d'efficacité se dégagent et s'appliquent sans texte, ni
formalisme. Considérées comme des conventions locales,
ces dernières viennent supplanter celles prédéfinies
par le législateur en mettant contrairement aux prévisions des
textes de la décentralisation qui mettent en étendard
les collectivités locales ; le citoyen, le villageois en
particulier comme étant l'acteur principal dans
l'élaboration et la mise en oeuvre des dites conventions. Pour
cerner ce concept à la fois original et complexe pour
un juriste positiviste, nous allons d'abord
dégager les spécificités de ces conventions locales
(section1) ensuite nous partirons de quelques conventions
locales réussies afin de procéder à un
analyse approfondie
(section2)
Section1 Les spécificités des conventions
locales
Afin d'avoir une vue synoptique des conventions
locales autres que celles prévues par les textes de la
décentralisation, retracer la procédure d'élaboration
(parag1) (organes intervenant tout le long du
processus) de ces dernières en partant de cas pratiques nous
semble être la seule voie pertinente pour les cerner. Leur mise
en oeuvre en constituant la dernière phase du processus nous
intéressera en dernier lieu à travers la complexité
des relations entretenues entre les différents acteurs
(parag2)
Parag1 Le processus d'élaboration des conventions
locales
32
Le processus d'élaboration de ces conventions locales
posent un certain nombre d'interrogation ayant trait essentiellement
sur les acteurs (A), le champ d'application ou domaine
ciblé (B).
A. Les acteurs d'une convention locale
Reprenant la logique de Mr. Cissé33,
nous pouvons constater que deux acteurs interviennent dans la
procédure d'élaboration d'une convention locale : il
s'agit des acteurs attendus que sont les populations, et des acteurs
potentiels composés des ONG, des autorités administratives
(conseil rural, sous-préfet, agents des eaux et forêts)
Parmi les acteurs attendus nous pouvons d'emblé noter que
c'est l'ensemble des personnes vivant dans la localité. On
distingue cependant les allochtones, les transhumants te les
étrangers dans cette catégorisation. En effet, ces
derniers peuvent s'ils se trouvent dans la localité au moment
de l'initiative de la convention locale participer effectivement
à l'élaboration et se verront appliquer les
règles contenues dans la convention.
Dans la plupart des cas, une conception large est faite
de cette notion
de population locale (jeunes, femmes, associations etc.) car
les
circonscriptions géographiques faites
mêmes que les populations en font.
pas toujours les
par
|
l'Etat
|
ne sont
|
La
|
place
|
de choix
|
occupée par les
populations surtout villageoises se justifie par
l'exigence d'une part de l'implication des populations dont les
voeux, les coutumes et souhaits vont constituer le corpus juridique de la
convention locale, et d'autre part pour que ces règles puissent
recevoir une certaine effectivité afin de leur
éviter la tendance générale des règles
étatiques vouées à la désuétude.
Dans la conception locale ou localisée de
la convention locale, les populations participent tout le long du
processus à l'élaboration des règles. L'expression
des aspirations s'extériorise à travers les
différentes rencontres
de concertation et de coordination organisées par les
autres acteurs initiateurs ou simples facilitateurs. Lors de ces séances
(dont nous avons eu à participer lors de la validation du POAS de
Gandon), chaque ressortissant de
33 Gorgui. Cissé « les conventions
locales à l'épreuve de la décentralisation »
mémoire de Maîtrise UFR SJP, UGB
2003-2004
33
la communauté exprime ses désirs sur les
modalités de réglementation du domaine ciblé par la
convention. C'est pour tenir compte de l'aspiration de tout
résident de la localité, que des séances sont
à même d'être organisées dans chaque hameau
pour avoir la participation effective lors de l'élaboration des
personnes auxquelles les dispositions de la convention vont s'appliquer. A
l'issue, des cellules d'animation et de concertation (CAC) sont mises en place.
Ceci peut poser des questions d'ordre juridique (sur lesquelles nous
reviendrons dans la dernière partie de ce travail), car aucun texte, ni
principe général de droit voire à la limite une
jurisprudence Sénégalaise qui donne un pouvoir
d'édiction de règles à portée
générale et absolues à des population
ou des villages au détriment des
assemblées délibératives (Assemblée Nationale
ou locale). Sauf si bien sûr, cette convention est
considérée comme un contrat faisant office
subséquemment de loi aux parties. Le conseil d'Etat n'a-t-il pas
refusé la personnalité juridique à un chef de
village dans une décision et à plus forte raison
les résidents. En somme, les populations locales sont les
acteurs attendus dans l'élaboration des conventions locales,
même si l'initiative peut provenir des acteurs
potentiels.
Parmi ces acteurs potentiels, la recherche de terrain
nous a permis de déceler deux tendances aux méthodes
et rôles différents : il s'agit des autorités
administratives et des organisations non gouvernementales. S'agissant des
autorités administratives, nous avons d'abord le conseil rural.
Celui-ci intervient dans l'élaboration par le biais de
son conseil ou plus précisément par une de ses
commissions intéressée qui manifeste parfois la
volonté d'établir des conventions locales dans des
domaines spécifiques. En
se référant aux documents de certaines
conventions locales, nous constatons que les conseils ruraux sont au
début et à la fin de tout le processus par le vote
final du document. Le conseil rural collabore en raison de ses
compétences générales ou transférées
relevant d'une façon ou d'une autre de
la convention. Le représentant de l'Etat
(préfet ou sous-préfet) vient toujours en dernier lieu pour
valider la délibération du conseil.
Toutefois, certaines conventions locales existent sans
délibération du conseil rural, même si
l'autorité administrative y appose sa signature, elles n'ont
aucune force juridique, sauf si ce dernier le fait en qualité
de simple
34
témoin lors d'un contrat synallagmatique.
Quant aux ONG, certaines très actives dans le
développement local34, ont tout au plus
contribuées à l'émergence sinon à la
formalisation des règles locales. Leur importance se mesure
à la dimension de leur expertise technique mais aussi de par
leur contribution financière dans le long processus d'élaboration
et d'harmonisation des dites règles. Leur rôle est
essentiel, cependant certaines ONG telle que le PAPEL35
procèdent de manière illégale lors de
l'élaboration des conventions36. Il faudrait dans ce
même ordre d'idées, citer les agents administratifs (Eaux
et forêts, CERP, ARD) qui disposent de l'expertise
technique parfois nécessaires surtout en matière
foncière.
Toutes les conventions locales notent donc la
participation et l'appui de toutes les structures sur place. Il s'agit
en somme des services techniques
(Etatiques non gouvernementaux, projets et autres), des
services techniques particuliers (comme les eaux et forêts), de
l'administration (administrative et judiciaire), des responsables locaux.
B. Le domaine d'intervention des conventions
locales
Dans la plupart des cas, le champ de
prédilection des conventions locales est pratiquement circonscrit
dans le domaine de la gestion foncières
et particulièrement des ressources naturelles et
environnementales. Fondées sur des pratiques juridiques des
pays colonisateurs, amendées mais non transformées par
les Etats indépendants, « les législations
foncières sont fondées sur des principes radicalement
opposés »37. Au nom du développement et de
la rationalité, un monopole de l'Etat et des
collectivités locales plus tard sera instauré sur la
gestion foncière, en décalage profond avec les
systèmes d'exploitation des ruraux. La convention locale devient
de
ce fait une réponse des populations locales devant
cette négation des règles étatiques. Par
conséquent, elle est une étape logique d'un processus
34 Il s'agit du PAGERNA, UICN, IIED, SAED etc.
35 PAPEL programme d'appui à
l'élevage
36 Exposé de Mr. Lors de la rencontre du
Réseau National sur les Conventions locales tenue à l'IIED le 11
mai 2005 et
où nous avons participé et relevé cet
état de fait.
37 Ph.L. Delville « Foncier rural,
Ressources renouvelables et développement » ; GRET
février 1998, page 21
35
d'aménagement et de gestion des
ressources38. C'est généralement la phase
de contrôle et/ou de réglementation de
l'accès aux ressources du terroir. Ces ressources peuvent
être régénérées par des interventions
des populations avec l'appui des services techniques (cas de la
restauration des berges dégradées : Siwaa39);
ou par des mises en défens (PBA40) ou bien,
les populations ayant compris la tendance d'une diminution des
ressources s'organisent pour réglementer l'accès à leur
seul profit. Souvent des zones de valeurs culturelles sont proposées
par les populations contre toutes interventions humaines pour une
exploitation. Cinq domaines sont principalement ciblés par les
conventions locales : il s'agit des conventions de gestion des terroirs, de
gestion des parcours de bétail, des forêts, des mares
et de la pêche, et enfin de la gestion des
infrastructures.
En ce qui concerne la gestion des terroirs, elles voient pour
la plupart le jour sur une initiative des villageois avec l'appui des
services techniques. Elles traitent uniquement du bois (chauffe, oeuvre
et service) et l'accès au pâturage. Ces conventions se
confondent très vite avec les textes forestiers jusqu'à un
niveau que les populations ne s'y retrouvent plus. S'agissant de la
gestion du parcours des terroirs, les programmes et projets
d'appui aux éleveurs (PAPEL) et ceux d'appui aux populations en
place par exemple au Sénégal, pour recevoir les
transhumants, ont développé des conventions portant sur
le mode d'accès aux ressources en eau et en
pâturage. Ces conventions sont les plus sensibles car avec le
mouvement des troupeaux vers de zones pourvoyeuses de ressources, les
conflits entre agriculteurs et éleveurs sont fréquents et
très dangereux. Comme la première, ces conventions, bien que
touchant un espace plus grand, dépassant parfois les limites
géographiques des collectivités locales, sont sortis de
l'initiative des populations à la base avec la collaboration des
projets de développement. Ces conventions traitent l'accès
global de la zone en traitant beaucoup de ressources donc faisant
intervenir toutes les lois et textes (forestière,
38Document présenté par Souleymane
Diarra à : « Network for environment and sustainable
development in Africa »
du 8 au 11 novembre 1998 à Abidjan en Côte
d'Ivoire.
39 SIWAA est une composition de villages maliens dans
le cadre d'une convention locale de gestion des ressources naturelles.
40 Programme Bassin Arachidier au
Sénégal.
36
foncière) et les valeurs locales en terme d'accord
à l'intérieur et à l'extérieur. Un plan de
gestion est élaboré contenant d'abord, les modalités
d'utilisation
de l'espace (POAS), ensuite l'exploitation des parcours en
hivernage et enfin de la gestion des mares d'eau (transhumants,
agriculteurs).
Enfin, des conventions locales sont de même
élaborées pour la gestion des forêts, des eaux pour
la pêche, mais aussi des infrastructures (barrage, passage
à niveau, forages). Au Sénégal, nous pouvons citer
l'intervention de l'UICN dans le Saloum pour une pêche artisanale
responsable41. En outre des contrats de gestion des forêts
sises dans les collectivités locales et gérées par ces
dernières, peuvent être conclus entre la
collectivités et des particuliers. Il
se traduit par un plan d'aménagement et de
gestion42. Tout ceci pour dire que
la mise en place de conventions doit obéir
à la réglementation en vigueur. Ce qui n'est pas toujours
le cas. Car comment expliquer des conventions locales portant sur la
pêche qui est une compétence non transférée
aux collectivités locales ? Ceci repose la question de la limite
d'intervention des conventions locales, et par-dessus bord leur
légalité sur laquelle nous allons largement revenir.
En bref, les conventions locales sont multiples
et variées dans leur forme malgré que leur objectif
général soit une utilisation rationnelle des ressources
naturelles, une réglementation des conflits liés à
leur exploitation,
un aménagement et une gestion durables des ressources
agro-sylvo- pastorales. Le caractère écrit est plus
fréquent (Mbadakhoune et Keur Baka) même si certaines
conventions locales n'ont bénéficié d'aucun
formalisme, c'est le cas de la convention de Fandène qui est
tout simplement orale. Après
la détermination du processus ou procédure
d'élaboration de la convention locale, l'étude de sa mise en
oeuvre s'avère logique (Par2).
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