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Les conventions locales: un outil novateur de gestion des collectivités locales au Sénégal

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par Abdoul Aziz Sow
Université Gaston Berger de Saint louis - DEA Droit de la Décentralisation et gestion des collectivités locales 2005
  

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Chapitre 2 : La pratique des conventions locales de gestion des collectivités locales

32 Discours du 3 avril 1992.

31

Ainsi déterminées, ces conventions prévues dans le cadre des textes de

la décentralisation sont assez restrictives dans la mesure où, seule la collectivité locale se trouve en mesure de contracter et concentre entre ses mains la capacité de détermination des règles communes de gestion de la collectivité locale. Mais dans toutes les sociétés, des stratégies locales, endogènes, traditionnelles, locales, coutumières ont toujours existé pour l'accès, l'exploitation surtout des ressources foncières. De ce fait, des règles ayant fait leur preuve d'efficacité se dégagent et s'appliquent sans texte, ni formalisme. Considérées comme des conventions locales, ces dernières viennent supplanter celles prédéfinies par le législateur en mettant contrairement aux prévisions des textes de la décentralisation qui mettent en étendard les collectivités locales ; le citoyen, le villageois en particulier comme étant l'acteur principal dans l'élaboration et la mise en oeuvre des dites conventions. Pour cerner ce concept à la fois original et complexe pour

un juriste positiviste, nous allons d'abord dégager les spécificités de ces conventions locales (section1) ensuite nous partirons de quelques conventions locales réussies afin de procéder à un analyse approfondie

(section2)

Section1 Les spécificités des conventions locales

Afin d'avoir une vue synoptique des conventions locales autres que celles prévues par les textes de la décentralisation, retracer la procédure d'élaboration (parag1) (organes intervenant tout le long du processus) de ces dernières en partant de cas pratiques nous semble être la seule voie pertinente pour les cerner. Leur mise en oeuvre en constituant la dernière phase du processus nous intéressera en dernier lieu à travers la complexité des relations entretenues entre les différents acteurs (parag2)

Parag1 Le processus d'élaboration des conventions locales

32

Le processus d'élaboration de ces conventions locales posent un certain nombre d'interrogation ayant trait essentiellement sur les acteurs (A), le champ d'application ou domaine ciblé (B).

A. Les acteurs d'une convention locale

Reprenant la logique de Mr. Cissé33, nous pouvons constater que deux acteurs interviennent dans la procédure d'élaboration d'une convention locale : il s'agit des acteurs attendus que sont les populations, et des acteurs potentiels composés des ONG, des autorités administratives (conseil rural, sous-préfet, agents des eaux et forêts) Parmi les acteurs attendus nous pouvons d'emblé noter que c'est l'ensemble des personnes vivant dans la localité. On distingue cependant les allochtones, les transhumants te les étrangers dans cette catégorisation. En effet, ces derniers peuvent s'ils se trouvent dans la localité au moment de l'initiative de la convention locale participer effectivement à l'élaboration et se verront appliquer les règles contenues dans la convention.

Dans la plupart des cas, une conception large est faite de cette notion

de population locale (jeunes, femmes, associations etc.) car les

circonscriptions géographiques faites

mêmes que les populations en font.

pas toujours les

par

l'Etat

ne sont

La

place

de choix

occupée par les

populations surtout villageoises se justifie par l'exigence d'une part de l'implication des populations dont les voeux, les coutumes et souhaits vont constituer le corpus juridique de la convention locale, et d'autre part pour que ces règles puissent recevoir une certaine effectivité afin de leur éviter la tendance générale des règles étatiques vouées à la désuétude.

Dans la conception locale ou localisée de la convention locale, les populations participent tout le long du processus à l'élaboration des règles. L'expression des aspirations s'extériorise à travers les différentes rencontres

de concertation et de coordination organisées par les autres acteurs initiateurs ou simples facilitateurs. Lors de ces séances (dont nous avons eu à participer lors de la validation du POAS de Gandon), chaque ressortissant de

33 Gorgui. Cissé « les conventions locales à l'épreuve de la décentralisation » mémoire de Maîtrise UFR SJP, UGB

2003-2004

33

la communauté exprime ses désirs sur les modalités de réglementation du domaine ciblé par la convention. C'est pour tenir compte de l'aspiration de tout résident de la localité, que des séances sont à même d'être organisées dans chaque hameau pour avoir la participation effective lors de l'élaboration des personnes auxquelles les dispositions de la convention vont s'appliquer. A l'issue, des cellules d'animation et de concertation (CAC) sont mises en place. Ceci peut poser des questions d'ordre juridique (sur lesquelles nous reviendrons dans la dernière partie de ce travail), car aucun texte, ni principe général de droit voire à la limite une jurisprudence Sénégalaise qui donne un pouvoir d'édiction de règles à portée générale et absolues à des population

ou des villages au détriment des assemblées délibératives (Assemblée Nationale ou locale). Sauf si bien sûr, cette convention est considérée comme un contrat faisant office subséquemment de loi aux parties. Le conseil d'Etat n'a-t-il pas refusé la personnalité juridique à un chef de village dans une décision et à plus forte raison les résidents. En somme, les populations locales sont les acteurs attendus dans l'élaboration des conventions locales,

même si l'initiative peut provenir des acteurs potentiels.

Parmi ces acteurs potentiels, la recherche de terrain nous a permis de déceler deux tendances aux méthodes et rôles différents : il s'agit des autorités administratives et des organisations non gouvernementales. S'agissant des autorités administratives, nous avons d'abord le conseil rural. Celui-ci intervient dans l'élaboration par le biais de son conseil ou plus précisément par une de ses commissions intéressée qui manifeste parfois la volonté d'établir des conventions locales dans des domaines spécifiques. En

se référant aux documents de certaines conventions locales, nous constatons que les conseils ruraux sont au début et à la fin de tout le processus par le vote final du document. Le conseil rural collabore en raison de ses compétences générales ou transférées relevant d'une façon ou d'une autre de

la convention. Le représentant de l'Etat (préfet ou sous-préfet) vient toujours en dernier lieu pour valider la délibération du conseil.

Toutefois, certaines conventions locales existent sans délibération du conseil rural, même si l'autorité administrative y appose sa signature, elles n'ont aucune force juridique, sauf si ce dernier le fait en qualité de simple

34

témoin lors d'un contrat synallagmatique. Quant aux ONG, certaines très actives dans le développement local34, ont tout au plus contribuées à l'émergence sinon à la formalisation des règles locales. Leur importance se mesure à la dimension de leur expertise technique mais aussi de par leur contribution financière dans le long processus d'élaboration et d'harmonisation des dites règles. Leur rôle est essentiel, cependant certaines ONG telle que le PAPEL35 procèdent de manière illégale lors de l'élaboration des conventions36. Il faudrait dans ce même ordre d'idées, citer les agents administratifs (Eaux et forêts, CERP, ARD) qui disposent de l'expertise technique parfois nécessaires surtout en matière foncière.

Toutes les conventions locales notent donc la participation et l'appui de toutes les structures sur place. Il s'agit en somme des services techniques

(Etatiques non gouvernementaux, projets et autres), des services techniques particuliers (comme les eaux et forêts), de l'administration (administrative et judiciaire), des responsables locaux.

B. Le domaine d'intervention des conventions locales

Dans la plupart des cas, le champ de prédilection des conventions locales est pratiquement circonscrit dans le domaine de la gestion foncières

et particulièrement des ressources naturelles et environnementales. Fondées sur des pratiques juridiques des pays colonisateurs, amendées mais non transformées par les Etats indépendants, « les législations foncières sont fondées sur des principes radicalement opposés »37. Au nom du développement et de la rationalité, un monopole de l'Etat et des collectivités locales plus tard sera instauré sur la gestion foncière, en décalage profond avec les systèmes d'exploitation des ruraux. La convention locale devient de

ce fait une réponse des populations locales devant cette négation des règles étatiques. Par conséquent, elle est une étape logique d'un processus

34 Il s'agit du PAGERNA, UICN, IIED, SAED etc.

35 PAPEL programme d'appui à l'élevage

36 Exposé de Mr. Lors de la rencontre du Réseau National sur les Conventions locales tenue à l'IIED le 11 mai 2005 et

où nous avons participé et relevé cet état de fait.

37 Ph.L. Delville « Foncier rural, Ressources renouvelables et développement » ; GRET février 1998, page 21

35

d'aménagement et de gestion des ressources38. C'est généralement la phase

de contrôle et/ou de réglementation de l'accès aux ressources du terroir. Ces ressources peuvent être régénérées par des interventions des populations avec l'appui des services techniques (cas de la restauration des berges dégradées : Siwaa39); ou par des mises en défens (PBA40) ou bien, les populations ayant compris la tendance d'une diminution des ressources s'organisent pour réglementer l'accès à leur seul profit. Souvent des zones de valeurs culturelles sont proposées par les populations contre toutes interventions humaines pour une exploitation. Cinq domaines sont principalement ciblés par les conventions locales : il s'agit des conventions de gestion des terroirs, de gestion des parcours de bétail, des forêts, des mares

et de la pêche, et enfin de la gestion des infrastructures.

En ce qui concerne la gestion des terroirs, elles voient pour la plupart le jour sur une initiative des villageois avec l'appui des services techniques. Elles traitent uniquement du bois (chauffe, oeuvre et service) et l'accès au pâturage. Ces conventions se confondent très vite avec les textes forestiers jusqu'à un niveau que les populations ne s'y retrouvent plus. S'agissant de la gestion du parcours des terroirs, les programmes et projets d'appui aux éleveurs (PAPEL) et ceux d'appui aux populations en place par exemple au Sénégal, pour recevoir les transhumants, ont développé des conventions portant sur le mode d'accès aux ressources en eau et en pâturage. Ces conventions sont les plus sensibles car avec le mouvement des troupeaux vers de zones pourvoyeuses de ressources, les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont fréquents et très dangereux. Comme la première, ces conventions, bien que touchant un espace plus grand, dépassant parfois les limites géographiques des collectivités locales, sont sortis de l'initiative des populations à la base avec la collaboration des projets de développement. Ces conventions traitent l'accès global de la zone en traitant beaucoup de ressources donc faisant intervenir toutes les lois et textes (forestière,

38Document présenté par Souleymane Diarra à : « Network for environment and sustainable development in Africa »

du 8 au 11 novembre 1998 à Abidjan en Côte d'Ivoire.

39 SIWAA est une composition de villages maliens dans le cadre d'une convention locale de gestion des ressources naturelles.

40 Programme Bassin Arachidier au Sénégal.

36

foncière) et les valeurs locales en terme d'accord à l'intérieur et à l'extérieur. Un plan de gestion est élaboré contenant d'abord, les modalités d'utilisation

de l'espace (POAS), ensuite l'exploitation des parcours en hivernage et enfin de la gestion des mares d'eau (transhumants, agriculteurs).

Enfin, des conventions locales sont de même élaborées pour la gestion des forêts, des eaux pour la pêche, mais aussi des infrastructures (barrage, passage à niveau, forages). Au Sénégal, nous pouvons citer l'intervention de l'UICN dans le Saloum pour une pêche artisanale responsable41. En outre des contrats de gestion des forêts sises dans les collectivités locales et gérées par ces dernières, peuvent être conclus entre la collectivités et des particuliers. Il

se traduit par un plan d'aménagement et de gestion42. Tout ceci pour dire que

la mise en place de conventions doit obéir à la réglementation en vigueur. Ce qui n'est pas toujours le cas. Car comment expliquer des conventions locales portant sur la pêche qui est une compétence non transférée aux collectivités locales ? Ceci repose la question de la limite d'intervention des conventions locales, et par-dessus bord leur légalité sur laquelle nous allons largement revenir.

En bref, les conventions locales sont multiples et variées dans leur forme malgré que leur objectif général soit une utilisation rationnelle des ressources naturelles, une réglementation des conflits liés à leur exploitation,

un aménagement et une gestion durables des ressources agro-sylvo- pastorales. Le caractère écrit est plus fréquent (Mbadakhoune et Keur Baka) même si certaines conventions locales n'ont bénéficié d'aucun formalisme, c'est le cas de la convention de Fandène qui est tout simplement orale. Après

la détermination du processus ou procédure d'élaboration de la convention locale, l'étude de sa mise en oeuvre s'avère logique (Par2).

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